À l'aube du 6 décembre 1491, dans le château de Langeais, près de Tours, Charles VIII l'Affable épouse la duchesse Anne de Bretagne. Elle a 14 ans et le roi de France 21.
C'est le début de la fin pour la Bretagne indépendante...
Le 19 août 1488, par le traité du Verger, le duc François II a dû promettre au roi de France que sa fille et héritière Anne ne se marierait pas sans son consentement. Et voilà qu'il meurt trois semaines après la signature du traité, le 4 septembre 1488, à 53 ans.
Née à Nantes le 25 janvier 1477, la petite duchesse a onze ans seulement quand elle succède à son père à la tête du duché.
Bien qu'affectée d'un boîtement de la jambe droite, elle devient l'objet des convoitises des princes les plus puissants d'Europe car de son futur mariage dépend le sort de la Bretagne.
Les seigneurs bretons, soucieux de leur indépendance, craignent plus que tout le roi de France, trop proche. En 1490, ils prient Anne d'épouser par procuration le futur empereur d'Allemagne Maximilien 1er de Habsbourg (31 ans).
Faute de pouvoir se rendre à Rennes, Maximilien délègue l'un de ses compagnons, le maréchal Wolfang von Polheim. Selon la coutume, celui-ci glisse sa jambe nue dans le lit de la fillette pour valider l'union par procuration.
Le roi de France Charles VIII n'ayant pas été consulté, il s'agit d'une violation caractérisée du traité du Verger, d'autant plus inacceptable pour la France qu'elle menace celle-ci d'un encerclement par les domaines des Habsbourg.
Le roi Charles VIII, piqué au vif, marche sur le duché à la tête de ses troupes. Après la prise de Nantes et le siège de Rennes, Anne comprend qu'elle ne peut pas compter sur le soutien de son lointain mari, d'autant que celui-ci est occupé à combattre les Turcs.
La jeune duchesse se résigne donc à épouser Charles VIII. Le roi de France, qui avait été fiancé 7 ans plus tôt à une fillette de 3 ans, n'a pas de scrupule à renvoyer sa promise, Marguerite d'Autriche, chez son père qui n'est autre que Maximilien !
Comme le roi ne veut pas heurter inutilement la susceptibilité du fiancé éconduit ni risquer un enlèvement d'Anne, c'est en catimini que les futurs époux se retrouvent à Langeais, non loin de la frontière entre le royaume et le duché.
Le château appartient à la famille de Dunois, un ancien compagnon de Jeanne d'Arc. Dans la nuit, les compagnons du roi vont quérir un notaire dans la ville voisine et les deux conjoints se font une mutuelle donation sur le duché, en présence d'une assistance triée sur le volet, incluant le diplomate Jean d'Amboise et bien sûr Anne de Beaujeu, soeur aînée du roi et régente du royaume.
Il reste encore une petite formalité : l'annulation du mariage d'Anne et Maximilien ! Le pape se résigne à la signer (et à l'antidater) trois mois après la cérémonie de Langeais.
Ainsi la Bretagne rentre-t-elle dans le giron capétien. Elle deviendra formellement française à la génération suivante, en 1532, quand les états généraux de Vannes approuveront le rattachement du duché au royaume de France tout en préservant leurs privilèges ainsi que l'autonomie judiciaire et fiscale du duché.