ENVIRON 1 000 meurtres sont commis chaque année en France, chiffre flou qui englobe aussi bien la vengeance entre époux après un divorce houleux et le règlement de comptes mafieux ou entre Jeunes que les crimes sadiques commis par de répugnants tueurs en série tels le binôme Olivier/Fourniret et, avant lui, le manouche sédentarisé Pierre Bodein, criminel multirécidiviste cinq fois condamné depuis 1969 pour viols avec violence (30 ans de réclusion en 1994, mais libération anticipée en 2004 pour bonne conduite) et, à peine élargi, kidnappeur et bourreau abject de la jeune Hedwige Vallée et des petites Jeanne-Marie Kegelin et Julie Scharsch, ce qui lui a valu la réclusion à vie avec peine de sûreté de 30 ans. Une condamnation dont il a osé faire appel au désespoir des parties civiles contraintes de revivre leur cauchemar - le procès s'éternisera jusqu'à début octobre.
Ces abominables assassins dont le destin est dorénavant financé par le contribuable ad vitam aeternam, ont replacé au premier plan la question des récidivistes de viols et sévices sur mineurs, crime de loin le plus inacceptable. La peine capitale ayant été abolie par Robert Badinter sous Mitterrand, que faire de ces monstres ? Le Politiquement Correct est formel : ne touchons pas à ces meurtriers, ce serait une régression de la Civilisation ...
L'EXPÉRIENCE AMÉRICAINE
Vingt-sept ans après son abolition, la peine de mort ne fait d'ailleurs plus guère débat en France si elle est plébiscitée dans les sondages : pour beaucoup de gens, qui ne disposent pas de chiffres, la peine capitale (ou son abolition) n'a au fond pas d'incidence sur la criminalité. Or, c'est totalement inexact, bien que cela contredise les approximations de ses pourfendeurs.
Pour la période décennale qui a précédé l'abolition de la peine de mort, soit de 1971 à 1980, le nombre de crimes sur mineurs s'est élevé dans notre pays à 39, dont 13 crimes dits "sexuels". Dans la décennie qui a suivi l'abolition de la peine capitale, de 1982 à 1991, le nombre de crimes sur mineurs s'est élevé à 124, dont 53 à caractère sexuel. Autrement dit, après l'abolition, le nombre de crimes sur mineurs en France a augmenté de 218 %, et le nombre de crimes sexuels a, lui, crû de 307 % par rapport aux dix ans ayant précédé 1982.
Admettons, répondront certains, mais est-ce qu'ailleurs dans le monde la suppression de la peine de mort aurait eu un effet comparable ? Oui. La puissance dissuasive de la peine capitale a été démontrée dans le seul pays qui l'a supprimée puis rétablie, les États-Unis. La peine capitale avait en effet été suspendue à titre expérimental sur l'ensemble des Etats-Unis entre 1967 et 1973, puis réintroduite par les trois-quarts des Etats fédérés après 1973. Le taux de meurtre est tombé de 11,6 pour mille habitants eu 1970 à 5,5 pour mille eu 2004. Il a donc été divisé par deux après le rétablissement. C'est du reste l'augmentation vertigineuse des crimes qui justifia celui-ci, et la stabilisation des courbes sur six pour mille en moyenne qui en explique le maintien.
37 5OO EUROS PAR DÉTENU ET PAR AN
D'accord, rétorqueront à nouveau les esprits éclairés, mais les criminels endurcis ne méritent-ils pas, au fond, de connaître une seconde chance grâce aux formidables progrès de la psychiatrie ? Répondons ceci, maintenant que les statistiques sur le crime sont fiables : sur les 400 malades sexuels tueurs relâchés depuis 1900 de par le monde, tous (100 %) ont tué à nouveau au moins une fois, ce qui a précisément permis de découvrir et mettre au point le concept moderne de « tueur en série ».
La peine de mort ne peut donc être considérée sur le seul plan de la morale personnelle : elle a un effet dissuasif prouvé sur le crime, soit par la crainte de son application, qui suspend le geste fatal, soit parce que le futur récidiviste ne sera, et pour cause, jamais relâché à la suite du diagnostic imbécile d'un expert. À cela s'ajoute la perspective des coûts ; certes subalterne, la dimension économique du maintien en vie d'un monstre incurable, existe. Bien entendu, on ignore le coût exact d'un prisonnier français : comme d'autres statistiques gênantes, il est impossible d'obtenir ce chiffre du ministère concerné, qu'on recoupe seulement par bribes. On découvre par exemple qu'un Jeune mis en centre éducatif fermé pour mineurs (CEF) - il existe en France une quarantaine d'établissements de ce type, créés en 2002 coûte environ 600 euros par jour à la collectivité. Mais pour avoir une idée, même imparfaite. de ce coût, un simple calcul suffit : le budget annuel de l'administration pénitentiaire est d'environ 2, 4 milliards d'euros, qu'il suffit de diviser par le nombre de détenus. Soit 64 000, répartis dans environ 250 établissements sur le territoire, avec 31 000 gardiens, directeurs et personnels techniques en charge de les surveiller, nourrir, etc. (données 2007). Un détenu hexagonal "coûte" donc dans les 37 500 euros par an en France.
Postulons à présent qu'un criminel sur mineur soit condamné à la perpétuité sans remise de peine et effectue ses trente années en prison. Il "coûtera" donc 34 000 euros multiplié par trente, ce qui fait la somme rondelette de 1,125 million d'euros. Voilà donc le prix du pardon.
Certes, nous avons, avec ce pactole acheté une bonne conscience. Mais les parents de la petite victime torturée par le quidam risquent à bon droit de trouver l'addition salée. Et, par-delà les incidences morales posées par la peine de mort superbement ignorées par celui qui l'a infligée au départ - même si on nie contre toute évidence son efficacité sur les statistiques du crime, il est des sommes qu'il est infâme de débourser.
Grégoire DUHAMEL. National Hebdo 19 septembre 2008