Le dimanche 13 janvier, on va compter les troupes qui ont défilé, dans les rues de Paris, contre le mariage homo. Notre époque aime les chiffres, même quand ils sont faux. Cela rassure. Entre 800 000 selon les organisateurs, et 340 000, selon la police, on se fera une idée en trouvant un juste milieu. La foule était toutefois énorme, il faut s'en féliciter.
Mais qu’importe au fond. Même s’il y avait eu les 850 000 manifestants qui ont fait reculer Mitterrand, en 1984, en conspuant la réforme Savary, la nature ambiguë de ce mouvement en aurait-il été changé ?
Il faut avouer que Marine Le Pen a montré, pour le coup, un doigté politique digne d’un véritable chef de parti. Elle a fait la preuve, à cette occasion, qu’elle savait mesurer un mouvement d’ampleur selon ce qu’il vaut, et qu’elle a eu le courage d’aller contre ce qui paraissait évident pour beaucoup de militants et de sympathisants du Front national. En prenant des distances, sans désavouer une protestation légitime, elle a manifesté sa maturité et son sens politique.
Il n’est bien sûr pas question de contester le bienfondé d’un mouvement qui répond de façon véhémente à une entreprise de destruction de la société, à l’offensive agressive d’une secte utopiste et fanatique qui prend son inspiration dans ce que l’Amérique exporte de plus nocif et de plus inquiétant.
Encore faudrait-il que ce caractère éminemment américain de l’idéologie gay (dont l’un des signes est l’usage immodéré, dans ses slogans, de la langue anglaise) soit nettement souligné. La présence ostentatoire de l’UMP, avec Jean-François Copé, Valérie Pécresse et Laurent Wauquiez, n’engage pas à supposer que l’on aille dans cette voie. Celle, non moins voyante, de personnalités telles que la désastreuse Boutin, qui prend directement ses ordres outre Atlantique, ou d’organisations impliquées dans le combat occidentaliste inspiré de la théorie du choc des civilisations, n’inspire pas davantage de sympathie. Au moins auront-elles eu l’occasion de s’interroger avec profit sur l’engagement, à leurs côtés, de mouvements musulmans hostiles au « mariage pour tous ».
A priori, donc, la mobilisation de citoyens de tous horizons, des gens de droite, certes, mais aussi, dans une moindre mesure, de gauche, des hétérosexuels, mais aussi des homosexuels effarés par l’absurdité d’une loi commanditée par une minorité agissante, des personnes qui appartiennent à ce que l’on nomme la « majorité silencieuse », celle qui ne s’agite pas devant les caméras en faisant croire qu’elle représentent quelque chose, ce grand sursaut d’indignation contre le diktat d’une secte intolérante, cette insurrection des consciences, font chaud au cœur. Cela faisait bien longtemps qu’il n’y avait eu une telle réaction, revendiquant clairement la tradition. Nous avions l’habitude des terrains abandonnés les uns après les autres, des combats perdus, parfois sans lutte, des quolibets de cette caste vaniteuse, hautaine, qui prétend incarner l’intelligence, quand elle n’a pour missel que son petit bagage de bobos en baskets.
Mais, hélas, ce n’est qu’une réaction. Sans lendemains ? Taubira et Hollande ont déjà assuré que le gouvernement ne reculerait pas devant « la rue », sûrs qu’ils sont d’œuvrer pour le « progrès » et l’ « avenir ». La leçon a des antécédents. Fillon n’avait pas cédé lorsqu’il avait entrepris, en 83 et 2010, ses réformes des retraites. Sarkozy avait, en 2007, insulté la décision du peuple français de voter non, en 2005, au référendum sur le traité de constitution européenne. Pourquoi les socialistes agiraient-il différemment ? Cela fait maintenant longtemps que la France d’en bas est méprisée par les héritiers des philosophes de Lumières, qu’ils soient de gauche ou de droite.
Il serait ainsi nécessaire de s’interroger sur l’ambivalence d’une droite de gouvernement, qui fait mine (comme Raminagrobis) d’aller dans un sens pour agir de l’autre. Quelle est la véritable finalité de son compagnonnage avec une protestation qui va à l’encontre de la logique libérale, laquelle nie radicalement l’existence de nécessités « naturelles » ? Sarkozy lui-même a exprimé, plus ou moins discrètement, sa préférence pour le mariage gay. Combien sont-ils, parmi les cadres de l’UMP, à partager secrètement, ou non, cette idée ? Il est permis de se rappeler que c’est Chatel (partisan du mariage gay) qui a introduit dans l’enseignement des classes de seconde l’enseignement de la théorie du gender.
Mais nous aurons compris que, pour ces goupils, il s’agit de tactique. Non seulement parce que, contre toute évidence, et malgré un endoctrinement massif néo-soixantuitard de dizaines d’années, il existe encore, comme le fameux village gaulois, un môle de résistance au délire moderniste. Le plus réjouissant est que beaucoup de jeunes y participent. Mais ces Tartuffes libéraux visent à construire une « union des droites », déplaçant légèrement l’axe politique du libéralisme mou au libéralisme dur, néocon, que Sarkozy a tenté d’exprimer, sans trop y parvenir parfois, mais qu’un type comme Copé, encore plus roublard et sans complexe, semble annoncer.
Cela nous porte directement aux mouvements libertariens américains, au Tea party et autres allumés de la liberté sans limites. Or, Ron Paul a ouvertement appuyé le mariage gay. La liberté ne se réduisant pas selon des catégories issues d’un passé haïssable, parce que passé, chacun est libre de disposer de son corps comme il l’entend, dans la logique utilitariste la plus pure du libéralisme. On voit la conjonction entre les revendications libertaires et le point de vue libéral. Il n’est nullement certain qu’une vision semblable ne soit pas la ligne réelle de l’UMP. Néanmoins, dans l’optique de l’alternance, qui permet à la partie adverse de légiférer dans des domaines qu’on accepterait comme siens, mais qu’on fait semblant, de façon théâtrale, de combattre, l’innocuité de l’engagement présent ne porte pas à conséquence. Comme le dit Marine Le Pen, c’est de l’enfumage, aussi bien du côté de la gauche, qui cherche à faire oublier les problèmes économiques et sociaux du pays, que de la part de la droite, qui se refait à bon compte une virginité, comme ces prostituées qui placent leurs enfants dans les écoles de curés.
Cependant si l’on cherche encore plus de raisons d’être, malgré tout, malgré ce réjouissant sursaut de révolte, circonspect, voilà ce qu’on peut dire :
Il n’est pas tout à fait assuré que la décision du gouvernement Hollande soit entièrement de l’ « enfumage ». Car elle vient de loin, est contenue dans les gènes du libéralisme, depuis sa naissance il y a maintenant près de cinq cents ans. Le mythe du progrès implique l’arrachement aux contraintes de la nature, même si, comme dans toute utopie, ce projet amènera des lendemains cauchemardesques. Il faut mettre sur le même plan le mariage gay, la dislocation actuelle du code du travail, l’ouverture tous azimuts des frontières, la destruction des nations, c’est-à-dire des liens avec la terre qui nous vit naître, la dissolution des repères, de l’Ecole, de l’éducation etc. C’est un mouvement de fond.
Pire : tout y devient relatif. La Tradition en tant que telle, pour peu qu’on puisse encore la comprendre, ce qui ne va pas de soi pour une civilisation qui en a oublié la discipline austère et les principes qui passeraient aisément pour des atteintes aux droits de l’homme, n’était pas vraiment perçue, dans les temps anciens, comme « tradition ». Elle était comme l’air qu’on respire. On l’incorporait, elle faisait corps avec notre être. Dès lors qu’on la nomme « tradition », elle perd de son évidence naturelle, elle tend à devenir une option, un point de vue, une « opinion », un choix de vie.
Le libéralisme progressiste peut bien tout admettre : les mouvements extrémistes, les mouvements anti-avortement, les baba cools, les homosexuels, les sectes évangélistes puritaines, les partouzes, l’abstinence, la malbouffe, la gastronomie, la messe etc. Tout se vaut. Les communautés sont des groupements d’êtres qui cohabitent. Du moment qu’on mesure les choix, qu’on publie des sondages, qu’on vote, qu’il y a une majorité, une minorité, l’affaire est conclue. En revanche, le monde de la Tradition est profondément intolérant, parce que son optique est la seule possible. L’atomisation du monde libéral, sa désagrégation en monades soi-disant libres, qui ont la prétention d’accéder à une vérité vite invalidée par la concurrence de milliers d’autres, ne laisse aucune chance à ce qui était sanctionné par les millénaires pour perdurer. Une fois le mouvement lancé, il est pratiquement impossible de l’inverser. La question de savoir si l’on aurait pu l’arrêter, et quand, est vain. En tout cas, nous sommes, pour ainsi dire, dans son stade terminal.
Mais qu’importe au fond. Même s’il y avait eu les 850 000 manifestants qui ont fait reculer Mitterrand, en 1984, en conspuant la réforme Savary, la nature ambiguë de ce mouvement en aurait-il été changé ?
Il faut avouer que Marine Le Pen a montré, pour le coup, un doigté politique digne d’un véritable chef de parti. Elle a fait la preuve, à cette occasion, qu’elle savait mesurer un mouvement d’ampleur selon ce qu’il vaut, et qu’elle a eu le courage d’aller contre ce qui paraissait évident pour beaucoup de militants et de sympathisants du Front national. En prenant des distances, sans désavouer une protestation légitime, elle a manifesté sa maturité et son sens politique.
Il n’est bien sûr pas question de contester le bienfondé d’un mouvement qui répond de façon véhémente à une entreprise de destruction de la société, à l’offensive agressive d’une secte utopiste et fanatique qui prend son inspiration dans ce que l’Amérique exporte de plus nocif et de plus inquiétant.
Encore faudrait-il que ce caractère éminemment américain de l’idéologie gay (dont l’un des signes est l’usage immodéré, dans ses slogans, de la langue anglaise) soit nettement souligné. La présence ostentatoire de l’UMP, avec Jean-François Copé, Valérie Pécresse et Laurent Wauquiez, n’engage pas à supposer que l’on aille dans cette voie. Celle, non moins voyante, de personnalités telles que la désastreuse Boutin, qui prend directement ses ordres outre Atlantique, ou d’organisations impliquées dans le combat occidentaliste inspiré de la théorie du choc des civilisations, n’inspire pas davantage de sympathie. Au moins auront-elles eu l’occasion de s’interroger avec profit sur l’engagement, à leurs côtés, de mouvements musulmans hostiles au « mariage pour tous ».
A priori, donc, la mobilisation de citoyens de tous horizons, des gens de droite, certes, mais aussi, dans une moindre mesure, de gauche, des hétérosexuels, mais aussi des homosexuels effarés par l’absurdité d’une loi commanditée par une minorité agissante, des personnes qui appartiennent à ce que l’on nomme la « majorité silencieuse », celle qui ne s’agite pas devant les caméras en faisant croire qu’elle représentent quelque chose, ce grand sursaut d’indignation contre le diktat d’une secte intolérante, cette insurrection des consciences, font chaud au cœur. Cela faisait bien longtemps qu’il n’y avait eu une telle réaction, revendiquant clairement la tradition. Nous avions l’habitude des terrains abandonnés les uns après les autres, des combats perdus, parfois sans lutte, des quolibets de cette caste vaniteuse, hautaine, qui prétend incarner l’intelligence, quand elle n’a pour missel que son petit bagage de bobos en baskets.
Mais, hélas, ce n’est qu’une réaction. Sans lendemains ? Taubira et Hollande ont déjà assuré que le gouvernement ne reculerait pas devant « la rue », sûrs qu’ils sont d’œuvrer pour le « progrès » et l’ « avenir ». La leçon a des antécédents. Fillon n’avait pas cédé lorsqu’il avait entrepris, en 83 et 2010, ses réformes des retraites. Sarkozy avait, en 2007, insulté la décision du peuple français de voter non, en 2005, au référendum sur le traité de constitution européenne. Pourquoi les socialistes agiraient-il différemment ? Cela fait maintenant longtemps que la France d’en bas est méprisée par les héritiers des philosophes de Lumières, qu’ils soient de gauche ou de droite.
Il serait ainsi nécessaire de s’interroger sur l’ambivalence d’une droite de gouvernement, qui fait mine (comme Raminagrobis) d’aller dans un sens pour agir de l’autre. Quelle est la véritable finalité de son compagnonnage avec une protestation qui va à l’encontre de la logique libérale, laquelle nie radicalement l’existence de nécessités « naturelles » ? Sarkozy lui-même a exprimé, plus ou moins discrètement, sa préférence pour le mariage gay. Combien sont-ils, parmi les cadres de l’UMP, à partager secrètement, ou non, cette idée ? Il est permis de se rappeler que c’est Chatel (partisan du mariage gay) qui a introduit dans l’enseignement des classes de seconde l’enseignement de la théorie du gender.
Mais nous aurons compris que, pour ces goupils, il s’agit de tactique. Non seulement parce que, contre toute évidence, et malgré un endoctrinement massif néo-soixantuitard de dizaines d’années, il existe encore, comme le fameux village gaulois, un môle de résistance au délire moderniste. Le plus réjouissant est que beaucoup de jeunes y participent. Mais ces Tartuffes libéraux visent à construire une « union des droites », déplaçant légèrement l’axe politique du libéralisme mou au libéralisme dur, néocon, que Sarkozy a tenté d’exprimer, sans trop y parvenir parfois, mais qu’un type comme Copé, encore plus roublard et sans complexe, semble annoncer.
Cela nous porte directement aux mouvements libertariens américains, au Tea party et autres allumés de la liberté sans limites. Or, Ron Paul a ouvertement appuyé le mariage gay. La liberté ne se réduisant pas selon des catégories issues d’un passé haïssable, parce que passé, chacun est libre de disposer de son corps comme il l’entend, dans la logique utilitariste la plus pure du libéralisme. On voit la conjonction entre les revendications libertaires et le point de vue libéral. Il n’est nullement certain qu’une vision semblable ne soit pas la ligne réelle de l’UMP. Néanmoins, dans l’optique de l’alternance, qui permet à la partie adverse de légiférer dans des domaines qu’on accepterait comme siens, mais qu’on fait semblant, de façon théâtrale, de combattre, l’innocuité de l’engagement présent ne porte pas à conséquence. Comme le dit Marine Le Pen, c’est de l’enfumage, aussi bien du côté de la gauche, qui cherche à faire oublier les problèmes économiques et sociaux du pays, que de la part de la droite, qui se refait à bon compte une virginité, comme ces prostituées qui placent leurs enfants dans les écoles de curés.
Cependant si l’on cherche encore plus de raisons d’être, malgré tout, malgré ce réjouissant sursaut de révolte, circonspect, voilà ce qu’on peut dire :
Il n’est pas tout à fait assuré que la décision du gouvernement Hollande soit entièrement de l’ « enfumage ». Car elle vient de loin, est contenue dans les gènes du libéralisme, depuis sa naissance il y a maintenant près de cinq cents ans. Le mythe du progrès implique l’arrachement aux contraintes de la nature, même si, comme dans toute utopie, ce projet amènera des lendemains cauchemardesques. Il faut mettre sur le même plan le mariage gay, la dislocation actuelle du code du travail, l’ouverture tous azimuts des frontières, la destruction des nations, c’est-à-dire des liens avec la terre qui nous vit naître, la dissolution des repères, de l’Ecole, de l’éducation etc. C’est un mouvement de fond.
Pire : tout y devient relatif. La Tradition en tant que telle, pour peu qu’on puisse encore la comprendre, ce qui ne va pas de soi pour une civilisation qui en a oublié la discipline austère et les principes qui passeraient aisément pour des atteintes aux droits de l’homme, n’était pas vraiment perçue, dans les temps anciens, comme « tradition ». Elle était comme l’air qu’on respire. On l’incorporait, elle faisait corps avec notre être. Dès lors qu’on la nomme « tradition », elle perd de son évidence naturelle, elle tend à devenir une option, un point de vue, une « opinion », un choix de vie.
Le libéralisme progressiste peut bien tout admettre : les mouvements extrémistes, les mouvements anti-avortement, les baba cools, les homosexuels, les sectes évangélistes puritaines, les partouzes, l’abstinence, la malbouffe, la gastronomie, la messe etc. Tout se vaut. Les communautés sont des groupements d’êtres qui cohabitent. Du moment qu’on mesure les choix, qu’on publie des sondages, qu’on vote, qu’il y a une majorité, une minorité, l’affaire est conclue. En revanche, le monde de la Tradition est profondément intolérant, parce que son optique est la seule possible. L’atomisation du monde libéral, sa désagrégation en monades soi-disant libres, qui ont la prétention d’accéder à une vérité vite invalidée par la concurrence de milliers d’autres, ne laisse aucune chance à ce qui était sanctionné par les millénaires pour perdurer. Une fois le mouvement lancé, il est pratiquement impossible de l’inverser. La question de savoir si l’on aurait pu l’arrêter, et quand, est vain. En tout cas, nous sommes, pour ainsi dire, dans son stade terminal.
Claude Bourrinet http://www.voxnr.com