Est-il permis, quand on est communiste, de se payer la tête du président socialiste de la République ? Ce n'est pas l'avis du premier secrétaire du PS : le rose Désir a vu rouge, mais ses trépignements n'émeuvent personne.
Les vœux de François Hollande ont provoqué quelques ricanements, qui celaient mal les grincements de dents. Il est logique, dira-t-on, qu'en ces temps de crise (que l'orateur présidentiel assurait pourtant derrière nous...), les Français ne soient pas, dans leur totalité, et notamment à droite, satisfaits du travail accompli par François Hollande depuis son arrivée à l’Élysée.
Mais la réalité veut que ce soit à la gauche du gouvernement que l'on renâcle le plus. Pour tout dire, le torchon brûle entre le Parti socialiste et ses partenaires, dont on constate chaque jour davantage que le soutien, l'année dernière, au candidat socialiste n'avait pour seul but que de contrer les prétentions de Nicolas Sarkozy à un second mandat.
Le Parti communiste vient ainsi de commettre une vidéo parodique de vœux présidentiels, en ponctuant d'éclats de rires chacun des thèmes ou actions abordés, au gré des discours, où il estime que François Hollande a failli ou menti.
Harlem Désir s'en étrangle de rage...
Mise en ligne le 26 décembre, cette vidéo de quelque trois minutes revisite les principales promesses oubliées du candidat Hollande. Culture, traité budgétaire européen, santé, droit de vote des étrangers, TVA... Voilà autant de sujets que, à gauche du pouvoir, on suspecte - voire on dénonce - le président d'avoir oublié qu'ils faisaient parti du dossier de campagne du candidat.
« 1500 emplois détruits chaque jour, ça nous fait pas rire. À toutes et à tous, une bonne année de luttes. » Telle est, au terme de cette rapide vidéo, l'accusation pointée contre les premiers mois du quinquennat socialiste.
Harlem Désir s'en est étranglé de rage... Dans un communiqué, le patron de la rue de Solferino dénonce un clip « de mauvaise foi, mensonger et caricatural » et « une faute contre la gauche ». Parce qu'il « ignore délibérément l'action menée depuis 8 mois au service des Français ».
Et le premier secrétaire de dénoncer certain vote du PCF avec la droite, une attitude dangereuse pour l'unité de la gauche, et même une guerre que les communistes mèneraient contre la gauche...
Le président du Parti radical de gauche, Jean-Michel Baylet, a fait chorus qui estime que les communistes « sont clairement dans l'opposition », et que « le communisme, c'est terminé » !
Nouvel éclat de rire au PCF. Son porte-parole, Olivier Dartigolles, a dénoncé la vigueur de cette réaction, qu'il estime « totalement disproportionnée ». Soulignant que la vidéo avait connu quelque 200000 visites dès les deux premiers jours, il conclut sur un cinglant : « Mieux vaut user aujourd'hui d'un droit de critique, qu'être contraint à un devoir d'inventaire dans 5 ans. »
Merluche a le culot de parler « d'un ton arrogant »...
« Les invectives du premier secrétaire contre le clip expriment une exigence de soumission et de censure totalement inacceptable », renchérit pour sa part Jean-Luc Mélenchon, en appelant Harlem Désir à la retenue, plutôt qu'au « ton arrogant et sectaire avec lequel le PS croit possible de traiter les partis de notre gauche ». Et en l'invitant, à propos du clip, à « se demander quelle part de vérité si évidente il contient pour que tout le monde rie de si bon cœur ».
En pratique, le Front de Gauche a déclaré vouloir mener en 2013 une grande campagne contre les politiques d'austérité du gouvernement. Les sénateurs communistes ont d'ailleurs déjà rejeté, ces dernières semaines, l'ensemble des textes budgétaires soumis au Parlement.
On pourrait multiplier les exemples (dont certains ont déjà été abordés ces derniers mois dans nos colonnes) de l'irritation de la gauche de la gauche contre François Hollande et son gouvernement. Les syndicalistes, par exemple, s'inquiètent des accords conclus par le gouvernement avec ArcelorMittal. Le front de Gauche ne cesse de rappeler que le candidat Hollande avait promis de renégocier le traité budgétaire européen, qu'il s'est empressé, en définitive, et contre un hypothétique bonus, de ratifier. Et les Verts ne cessent de pointer du doigt le projet d'aéroport à Notre-Dame des Landes que Jean-Marc Ayrault, qui n'y était pas parvenu depuis Nantes, entend imposer depuis Matignon. Etc.
Certes, il est douteux que cette opposition interne aille jusqu'à la rupture. Ne serait-ce que parce que communistes, écologistes ou autres ne peuvent que très rarement espérer se maintenir aux élections locales sans, voire contre, le Parti socialiste. Et que cette donnée se double d'une dimension financière dont ils ne sauraient se passer.
Reste un élément que le pouvoir aurait tort d'ignorer. Selon les derniers sondages, 75 % des Français sont sceptiques, notamment quant au pari présidentiel d'inverser la courbe du chômage d'ici la fin de l'année. Et ils sont même 53 % parmi les sympathisants socialistes...
François Hollande pense-t-il sérieusement que rallumer les feux de l'anti-cléricalisme et promettre un ersatz de mariage aux homosexuels suffira à les rassurer ?
Olivier Figueras monde & vie 15 janvier 2013