Serge Ayoub a une réputation sulfureuse. il tut le célèbre Batskin, leader des skins, il y a 20 ans. Aujourd'hui, il mène une action à la fois politique et culturelle dans ce qu'il est convenu d'appeler la mouvance nationale.
Le Local, son local qui est un bar associatif, est situé au 92 rue de Javel à Paris XVe (métro Charles Michel ou Boucicaut). Il est ouvert du mardi au samedi de 18h à minuit et le vendredi et le samedi jusqu'à l'aube. Chaque semaine, un conférencier s'exprime, le jeudi soir.
Rivarol étant soucieux de donner la parole à toutes les composantes sans exclusive du mouvement national en France, il était naturel d'interroger Serge Ayoub même si certains de ses propos et prises de position pourront surprendre.
Rivarol : Serge Ayoub, on vous connaît, aujourd'hui, d'abord pour votre implication dans une association, le Local. Pourriez-vous nous le présenter ?
Serge AYOUB : Le Local est un espace ouvert à tous les patriotes où tous les jeudis, depuis trois ans, des conférences sont organisées dans le but de nous ouvrir au monde, d'acquérir, grâce au savoir partagé, des armes pour l'améliorer. Dans ce cadre nous avons invité des professeurs d'universités, de l'Institut, des conseillers à la cour des comptes, des sociologues, des artistes, des généraux, un ancien ministre et des historiens. Si le choix des conférences et des conférenciers peut paraître éclectique, il est en fait délibéré. La culture en générale ouvre l'esprit, aide à la compréhension et à la solution des problèmes et pour être franc, dans une société qui fabrique volontairement ; des abrutis, se tourner vers le savoir est un acte révolutionnaire en soi.
R. : Quatre ans déjà ! C'est le moment d'un premier bilan, que tirez-vous de toutes ces années au Local ?
S. A. : Un sentiment de fierté, car j'ai tenu mes engagements. On m'avait dit : « un Local natio à Paris, ça ne tiendra pas ! ».
C'était il y a plus de quatre ans.
Il y a évidemment la joie d'être toujours là malgré nos si nombreux ennemis. Extérieurs bien sûr, comme les nervis d'extrême gauche qui voulaient nous faire taire les armes à la main (toujours dans ce souci de liberté d'expression et de démocratie qui les anime je suppose...). La victoire fut obtenue par forfait ! Le combat cessa faute de combattants... Mais aussi ce fut une victoire contre une partie de la Mairie de Paris qui s'ingénia à nous faire fermer. Il est bon de renouer avec la victoire si petite soit-elle ! Il y a le plaisir des conférences, du dialogue intelligent, de cet esprit de salon si français. Et puis il y a toute une somme de petits bonheurs : l'imprévu d'une rencontre, le fait de partager un verre, un bon mot, un éclat de rire avec les visiteurs d'un soir.
R. : Vous êtes aussi le responsable et le porte-parole du mouvement Troisième Voie que tous avez fondé il y a maintenant un an. Quel en est l'objectif ?
S. A. : Il est vrai qu'on pourrait se dire : « à quoi bon un énième mouvement ? » Il faut rappeler d'abord que lorsque je suis revenu en politique, ma démarche a d'abord été œcuménique : j'avais conçu le Local comme un espace ouvert à tous, ce qu'il est toujours, et non comme le foyer d'un mouvement ou d'une doctrine spécifique. C'était l'accord entre moi et Egalité et Réconciliation d'Alain Soral, ce que ce dernier avait d'ailleurs accepté. Cette démarche est une franche réussite, puisque voilà quatre ans que le Local est ouvert. J'ai rapidement eu le sentiment qu'il manquait, dans notre petite nébuleuse, une voix franchement neuve, profondément patriotique mais avec une perception sociale des questions qui travaillent le nationalisme. J'ai la conviction que c'est un axe fondamental de notre combat, voire le seul qui puisse donner aux idées nationalistes la chance d'exister de manière audible dans le monde du travail. Or pour moi, être présent électoralement sans être crédible dans les entreprises, c'est nous condamner nous-mêmes à n'être qu'une tribu de râleurs impuissants et irréalistes. Combien de fois dans ma jeunesse et plus tard ai-je entendu « Vos idées ne sont pas mauvaises, mais elles sont inapplicables. » ! Tant que nous délaisserons le monde du travail en tant que militants, nous souffrirons d'un manque de crédibilité devant des Français dont le principal problème est l'évolution de leur niveau de vie, leur capacité à trouver ou à garder leur emploi, à financer l'éducation des enfants, etc. C'est pour ne pas céder ce terrain décisif à nos ennemis que j'ai créé Troisième Voie, car il est temps pour nous aussi de s'intéresser à la France qui se lève tôt.
R. : Quelle est la stratégie de Troisième Voie pour y parvenir ?
S. A. : Ma stratégie, c'est d'abord un changement d'état d'esprit ; on a assez des mouvements de replis, de défense de tel ou tel terroir dont tous les Français se moquent, du camp des saints, de la peur, du repli, de cette trouille victimaire, de la décroissance, de la peur de tel ou tel anti-blanc. Il faut concevoir le destin de notre peuple comme un vol de gerfauts. La priorité c'est donc de structurer un mouvement de militants disciplinés et capables, qui ne viennent pas à nous par peur ou désespoir mais comme des combattants. Nous sortons, en France, de décennies d'une tutelle d'extrême droite sur le nationalisme. Cette tutelle est néfaste et tourne aujourd'hui à la pleurnicherie ou à la victimisation. Nous avons donc commencé par faire une révolution au sein du camp patriotique lui-même.
Une fois que le mouvement est structuré, l'objectif est de percuter la société civile, de bousculer ses habitudes idéologiques, pour casser le cordon sanitaire dressé autour d'elle contre nous. Après, le but est de pénétrer durablement la société civile, s'y implanter, prioritairement dans le monde du travail, parce que c'est là que tout se joue. Là nous toucherons réellement au but. Enfin, une fois tout ce travail accompli, on peut organiser une révolution, par la grève générale soutenable. Pour résumer : il nous faut un effort de guerre, une guerre éclair, une occupation durable du terrain.
R. : Une stratégie qui rappelle Heinz Gudérian...
S. A. : Ou Napoléon.
R. : Quel bilan faites-vous de cette première année de militantisme ?
S. A. : Pour faire court, nous avons organisé une manifestation, sous la bannière du Front Populaire Solidariste, qui a réuni 800 personnes à Lille le 8 octobre dernier. C'est cette base militante que nous sommes en train de structurer en un mouvement solide et discipliné, ce qui est la base de toute action politique qui veut s'inscrire dans la durée et l'efficacité. Et puis, cette formidable manifestation du 8 mai, où 1300 militants ont défilé pour rendre hommage à Jeanne d'Arc mais aussi pour affirmer leur attachement à l'idée nationale et sociale. De nombreux mouvements, dont la NDP, le GUD et le Renouveau Français marchaient côte à côte...
Mais avant tout un bilan, c'est des chiffres.
Pour moi Troisième Voie c'est : un manifeste, une doctrine le solidarisme, un site internet, un site d'information mis à jour quotidiennement, une maison de production vidéo, une maison d'édition, deux livres sortis dont une introduction programmatique (G5G) et la 1ère Inter-Nationale Solidariste, un local à Paris, vingt sections en France, une antenne Troisième Voie au Québec, une présence européenne avec quatre meetings (Anvers, Bruxelles, Madrid et Montréal), un congrès international, une dizaine de conférences à travers la France, la reformation d'un groupe de sécurité solide (JNR) et surtout la fédération de groupes politiques se revendiquant du solidarisme (Nation, Opstaan et la Maison flamande), sous le nom de Front Populaire Solidariste. Cette confédération nous propulse comme la seconde organisation politique après le Front national en nombre de militants et cela en un an. Cette première année a tous les airs d'une campagne menée au pas de charge !
R. : Quelle est la différence entre votre Troisième Voie et celle de Jean-Gilles Malliarakis ?
S. A. : L'ancienne Troisième Voie peut se définir en deux mots : esthétisme et culture. Ce furent de bons concepts, de belles idées, et c'est même un bon souvenir.
R. : Au meeting de Synthèse Nationale, vous avez parlé de rompre avec l'extrême droite. Pourquoi ?
S. A. : Déjà, se définir d'extrême droite, c'est faire soi-même une concession : quand on se dit de droite ou de gauche c'est qu'on est déjà une partie de la droite et de la gauche. Le socialisme a trahi quand il s'est défini de gauche, le nationalisme a trahi quand il se dit de droite ou d'extrême droite. Je ne suis pas l'extrême d'une droite ou d'une gauche pourrie. C'est pour ça que je veux que le nationalisme s'en émancipe, car nos idées n'ont rien à gagner à cette tutelle obsolète qui nous réduit et nous affaiblit. Le véritable état d'esprit du solidarisme, c'est cet appétit de liberté qui exige d'abord que nous fassions table rase des anciennes habitudes.
R. : Pourquoi le faire à Synthèse Nationale, qui assume l'étiquette de droite nationale ? N'est-ce pas en contradiction avec votre ligne « Ni droite ni gauche » ?
S. A. : Troisième Voie et son porte-parole vont partout où on les invite pour diffuser leurs idées. De plus nous sommes à notre place aux côtés de tous ceux qui défendent la nation et notre peuple. Alors pour nous il est évident que nous avons notre place dans cette synthèse nationale. Le terme lui-même est la meilleure réponse à votre question. Si nous voulons sauver notre pays et son peuple il faudra bien rassembler toutes les bonnes volontés. Et le jour où nous serons au pouvoir nous aurons bien besoin de cette synthèse nationale pour gouverner la France et tous les Français au-delà des clivages et des chapelles. Nous sommes donc en harmonie avec notre slogan solidariste qui est « Ni droite, ni gauche ». Je tiens d'ailleurs à remercier ici Roland Hélie pour tout le travail qu'il accomplit pour notre cause au sein de sa revue Synthèse nationale et de son mouvement la NDP (Nouvelle Droite Populaire) qui est un vrai pont entre nos différents courants.
R. : Vous n'êtes pas de droite, très bien. Êtes-vous un extrémiste ?
S. A. : Pour le lâche et le tyran la liberté est toujours extrémiste. Je veux renverser un ordre établi dans lequel le peuple dont je fais partie est perdant. Moi, comme tous les Français, nous n'avons strictement rien à gagner au libre-échange, à la globalisation financière, à l'immigration, et à la mise sous tutelle de mon pays par l'UE. Alors pour ceux qui ont intérêt à préserver cet ordre établi, je suis forcément extrémiste.
R. : Qu'est-ce que le solidarisme ?
S. A. : Dans le mot solidarisme il y a solidaire et la solidarité est la base de la civilisation. Un peuple, c'est ça, une collectivité dont les individus sont solidaires les uns des autres. C'est le vrai sens du socialisme, et le vrai sens du patriotisme. Ni droite ni gauche, est notre slogan, pour nous il est évident que la gauche et la droite sont les deux faces d'un même libéralisme économique, et d'un même système politique qui n'a pas davantage à voir avec une clique de patriciens dégénérés qu'avec une république.
R. : Vous vous êtes plusieurs fois revendiqué de la république et vous présentez-vous-même comme "hyperdémocrate" ? N'est-ce pas faire, comme Marine Le Pen, des concessions au système ?
S. A. : En tant que solidaristes, nous sommes républicains, sans arrière-pensées. Je respecte les lois de la Ve République et cherche à parvenir au pouvoir de manière légale. Quand je dis que je suis républicain, j'exprime un authentique idéal, qui est pour moi de gouverner dans l'intérêt de mon peuple : la respublica, la chose, l'intérêt public. Un solidariste est républicain parce qu'il veut un gouvernement pour le peuple. Il est démocrate, parce qu'il veut un gouvernement par le peuple. Il n'y a que de cette manière que la vertu reviendra en politique. Sans elle, aucun bon gouvernement, monarchique ou républicain... et ce n'est pas moi qui le dit mais Robespierre.
R. : Vous parlez beaucoup dans vos interventions de réinvestir les syndicats. Quelle est votre analyse sur le monde syndical français ?
S. A. : Un grand éclat de rire. Vous saviez que l'union des syndicats CGT de la RATP était propriétaire d'un château dans l'Essonne ? Avec des fêtes à 500 000 € ? Voilà où sont ceux qui sont censés représenter les intérêts des travailleurs : de purs "jaunes" (les "jaunes" étaient, à la fin du 19e siècle, les syndicats accusés d'être collabos du patronat) qui profitent de leur situation pour faire cracher la direction au bassinet, sans compter qu'ici l'actionnaire est public, c'est-à-dire le contribuable. Les syndicats sont exactement ce que sont nombre de gouvernants politiques : des petits malins qui profitent de leur situation d'intermédiaires entre le grand capital et les travailleurs. Ce que nous proposons c'est de supprimer les intermédiaires et de parler directement au responsable de notre situation. Mais ça m'étonnerait que le ton soit le même.
R. : Quelque chose à ajouter ?
S. A. : Oui, notre aventure continue : nous ouvrons une nouvelle « base autonome » dans un lieu bien connu de beaucoup d'entre nous : l'ancienne librairie Primatice ouvre un espace de contre-culture où seront accessibles des vêtements, des accessoires, de la musique, des revues et des livres qui soutiennent notre combat.
R. : Dernière question, quel est pour vous le plus beau mot de la langue française ?
S. A.: Chargez !
Propos recueillis par Robert SPIELER.
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