Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Grand Paris Grosse arnaque

Cécile Duflot intervenait ce 7 mars sur Radio Classique (1)⇓. Face aux questions de Gilles Leclerc, la ministre du Logement est demeurée très vague sur ce qui regardait son propre département ministériel. Elle annonce, d'abord, d'incessantes évaluations "extrêmement" précises, l'expression a été répétée plusieurs fois, quant à la dérive des loyers. Et elle se glorifie à l'avance d'une législation plus contraignante encore en juin. Voilà qui promet une aggravation de la pénurie, auront sans doute pensé tous ceux qui s'en tiennent à une observation économique, vieille comme le monde, de la cherté des biens rares.

Interrogée par Anne-Laure Jumet, elle a plus largement évoqué le projet dit du Grand Paris. L'horizon d'achèvement du schéma de Transport a été reporté à 2030. Initialement, Nicolas Sarkozy et Christian Blanc avaient voulu fixer un horizon 2026. Ce dossier repose en fait essentiellement sur un schéma de transport collectif. Celui-ci suppose la création de 72 nouvelles stations de métro, reliées par 200 km de voies ferrées. Or, Mme Duflot et les services du gouvernement, utilisant une calculette de bonne qualité ont pu conclure que ceci suppose une production annuelle moyenne de 18 km, battant le record mondial actuel détenu par Shanghai avec 17 km/an. Compte tenu de l'impopularité du mot "impossible" on se borne aujourd'hui à refuser de relever ce défi.

Cependant Mme la ministre se flatte de construire. Elle n'entend guère les critiques. La couverture du magazine Le Point (2)⇓ la place en tant que "ministre anti-progrès" au centre de "Ceux qui cassent la France". La voilà située entre Arnaud Montebourg "le procureur de Peugeot", Thierry Lepaon "le sabordeur de Goodyear", Jeff Bezos "le fossoyeur du livre français", Michel-Édouard Leclerc "l’étrangleur de PME", Marylise Lebranchu "la ministre de la non-réforme de l’État". Vexée, elle répond : "Le Point est sur la pente de la ringardise qui le pousse du mauvais côté de la bascule. Il y a une concurrence effrénée qui pousse les hebdos à faire des unes les plus racoleuses les unes que les autres" etc. Ah comme la suppression de la concurrence entre hebdomadaires faciliterait le confort médiatique de nos gouvernants !!! Le CSA y a mis bon ordre dans l'audiovisuel, la CGT du Livre y parvient petit à petit dans la presse quotidienne. La gauche sectaire peut donc encore espérer en finir avec les rares espaces de liberté. Nos politiciens n'y renonceront sans doute jamais.

Car, si on ne la contredit pas, si on accepte qu'elle ne réponde pas, ou à côté, des questions posées, Duflot ne manque pas de bagout. La crise du logement ? il s'agit, rappelons-le, de l'enseigne de son ministère : "il y a, dit-elle, un plan d'urgence, nous y travaillons". D'arrache-pied... et depuis neuf mois... nous ne saurions en douter. Or, affirme-t-elle, "le marché n'est pas capable de réguler". Voilà une phrase historique à inscrire dans le grand bêtisier des contre sens. Heureusement, elle se félicite, en plein marasme de la production, d'enregistrer un ralentissement des hausses, 40 % sur 5 ans, etc. Mais de la production de logements neufs, adaptés à la demande des Français, seule réponse à la pénurie, on attend toujours des nouvelles, la braderie des réserves foncières publiques, annoncée avec fracas et imprudence à l'automne ayant surtout abouti au gel d'opérations de cessions négociées depuis des années, on passe à autre chose...

Vaste opération de communication, le nouveau projet dont elle s'empare, au nom du Grand Paris, ressemble comme une goutte d'eau à celui du gouvernement précédent. Mais, dit-elle, celui-ci "était totalement déconnecté des habitants (...) déconnecté du territoire. (...) Le projet était séduisant mais souffrait d’une faille : il manquait 10 milliards".

Or, elle, ou plutôt l'équipe ministérielle à laquelle elle prête son éloquence, prétend avoir déjà "trouvé" 2 milliards pour améliorer immédiatement les transports en Ile-de-France. On parle notamment de doubler les amendes de stationnement. Même sur ce point sa réponse est floue. Elle attribue aux collectivités locales le désir de récupérer le produit des "contredanses" : mais comment prendre au sérieux un tel financement ?

Car le gouvernement Ayrault réalise sur ce terrain une double prouesse.

1° Ramenant le dossier Grand Paris à un schéma de transport, il devrait donc le transmettre à la compétence de la région Ile-de-France. Or, il arbitre en faveur d'une mainmise théorique de la ville de Paris sur des liaisons interbanlieues.

2° il évalue l'investissement nécessaire à 35 milliards d'euros, estimation d'autant plus approximative qu'échelonnée sur 15 ans. Mais de façon précise il considère que ces mêmes transports rapporteront 73 milliards. Si cette hypothèse se vérifiait, cette très belle opération attirerait puissamment le secteur privé. Elle ne devrait donc requérir aucun financement public.

Soulignons à titre d'exemple que le modèle du Métro parisien, plutôt jusqu'à sa nationalisation en 1936, par le Front Populaire, faisait une part essentielle à ce qu'on baptise aujourd'hui, de manière ambiguë, partenariat public-privé. On ne déplora aucun exercice déficitaire. Aujourd'hui encore à Tokyo, plusieurs compagnies privées exploitent le réseau, et ceci dans des conditions qui peuvent servir d'exemple au monde entier.

Malheureusement on doit considérer la projection gouvernementale comme très fragile.

Le financement reposera donc en fait sur une nouvelle vague de taxes, taxe sur les bureaux, taxe sur tout ce qui bouge encore à Paris, en Ile-de-France et ailleurs. On peut toujours sur ce terrain faire confiance aux innovants qui nous gouvernent.

Dans un entretien publié le 6 mars (3)⇓, le Premier ministre avait donné le ton. Il dévoile même l'intention de l'État de passer outre aux prérogatives régionales et à faire payer l'addition à tous les Français.

Il déclare en effet qu'il a "décidé de prendre à bras-le-corps le dossier du Grand Paris". Cette démarche lui ressemble assez peu ; mais on ne s'interrogera pas longtemps sur son caractère insolite : l'ancien maire de Nantes assure en effet, d'abord, que "ce projet considérable [...] nous permettra de retrouver de la croissance, des emplois, mais aussi des recettes nouvelles". Et comme, à suivre le raisonnement d'Ayrault "l'Ile-de-France représente 30 % de la richesse nationale", et que d'autre part, "c'est aussi une région où se concentrent énormément de difficultés de la vie quotidienne, en particulier pour se déplacer", ainsi que "beaucoup d'inégalités" entre les départements, inutile de rêver que ce projet trouve d'autres sources de financements que celles résultant de l'inépuisable appel à la solidarité nationale.

Autrement dit : encore plus d'impôts.

JG Malliarakis http://www.insolent.fr/

Apostilles :

  1. On peut retrouver l'entretien sur divers sites, réalisé en partenariat avec Public-Sénat, y compris sur Youtube où il est daté par erreur du 6 mars.
  2. Le Point N° 2112, daté du 7 mars 2013
  3. cf. Aujourd’hui en France/Le Parisien du 6 mars 2013

Les commentaires sont fermés.