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Éloge de la frontière

Ce titre fut un billet de Paul-Marie Couteaux donné aux Epées en décembre 2005 (n°18) du temps que les royalistes faisaient de belles choses ensemble. Le succès relatif du nouveau Front national à l'élection présidentielle a dévié les thèmes de campagne des candidats sélectionnés par le Système pour le second tour. Le président-candidat a découvert la frontière. C'est de Toulouse que nous avons entendu ce morceau de bravoure tracé de la plume des "nègres" de l'Elysée :

«Depuis 30 ans une partie des élites et le système, notamment médiatique, ont confondu le sentiment national hautement humaniste avec le nationalisme qui est une idéologie dangereuse». «Le patriotisme, c'est l'amour de la patrie, le nationalisme c'est la haine de l'autre.» Ces élites «ont ouvert la porte à la loi des communautés et des tribus». «A l’intérieur des frontières de la France, il n’y a pas de frontières religieuses, ethniques.»
Frontières, le mot fut placé cinquante fois au moins. M. Sarkozy n'a pas eu le temps de tirer sa leçon de l'histoire de France, qui depuis les premiers rois mit en coïncidence un territoire, la nation qui y vit, la langue commune qu'elle y parle, les marchés où elle échange et la monnaie du prince qui y circule ; il y a des historiens dans l'équipe de campagne. Ils lui ont appris, que les frontières furent patiemment repoussées par la monarchie jusqu'à ce que Vauban borne le "jardin à la Française de Keyserling" ; que la nation prit conscience de ses frontières puisqu'on les défendait âprement et les crût naturelles alors qu'elles avaient été créées artificiellement par un Etat opiniâtre ; que si les nations de Russie, de Pologne, d'Allemagne se contentaient d'aires aléatoires, la France avait "bâti" son périmètre pour en sauver l'intégrité. Restait à fermer la béance du nord-est en poursuivant la marche au Rhin. L'histoire n'a pas fini le travail des rois, la République avait pris la suite... jusqu'à la guerre des nationalismes, répétée deux fois, qui se termina par un projet d'abolition des frontières. Nous arrivons au bout de l'expérience ! Mais ce n'est pas le sujet du jour.

Quoiqu'il advienne de cette ligne de démarcation dans les années futures, ces frontières sont en empreinte dans le mental de chacun de nous. Individuelle et portative, il faut utiliser la frontière intérieure sans attendre la réhabilitation politique de la frontière extérieure qui peut très bien ne pas se faire, par molesse ou sous pression des partis de l'étranger.

Relevons la frontière intérieure
Alors sans attendre le label Made in France achetons français. Apprenons à retourner les étiquettes des vêtements, à lire les mentions d'origine sur les produits qui nous tentent. Même un peu plus cher, préférons le produit national, quitte à freiner un peu notre consommation. Achetons des Citroën, des Renault, des Peugeot, des Smart, des Yaris ; construites même ailleurs, il en retombera quelque chose chez nous. Prenons Air-France quand nous partons ; Air France quand nous revenons. Partagé largement, ce travail de désillement du consommateur finira pas améliorer nos comptes commerciaux.

Mais une frontière, même mentale, est une limite à franchir, sinon elle ne sert pas à grand chose. Elle n'existe en chacun que s'il a conscience de la sauter. Le Français est en même temps casanier, et c'est normal dans le plus beau pays du monde, et curieux d'autrui, à tel point qu'on nous fit le reproche d'être forts en conquêtes mais peu résistants à les conserver. La nation a besoin d'améliorer sa pratique des langues étrangères en commençant par celles qui nous entourent. Il faut quitter les vacances bronze-cul et prendre l'habitude de visiter nos voisins, puis derrière eux plus loin, les leurs, et ainsi de suite jusqu'à franchir un jour l'Himalaya pour rencontrer l'outre-monde. Nous avons la chance d'habiter le continent d'excellence, ne nous lassons pas de le parcourir. L'ouverture d'esprit que nous en retirerons servira à nourrir créativité et inovation dont ce pays a tant besoin pour se relever. Il est inutile pour cela d'appeler au brassage des idées étrangères chez nous, comme en sont si friandes nos parasélites parisiennes. Allons plutôt nous-mêmes les brasser dans leurs pays d'origine comme nous sûmes le faire au temps béni des colonies. Nous étions quand même moitié moins cons quand nous parcourions l'empire, au lieu de le faire défiler chez nous comme aujourd'hui.

Mais une frontière mentale peut être trompeuse aussi
Ne créons pas un monde lithographique en quadrichromie prisonnier de notre hexagone intérieur. Soyons ouvert à quiconque veut partager nos valeurs, avec parfois l'enthousiasme un peu agaçant du nouveau converti ; facilitons-lui l'accès des codes civilisationnels qu'il veut acquérir, et osons lui signifier également nos "interdits" qui participent de notre génie territorial. Faut-il encore nous-mêmes bien les connaître ! Un approfondissement de la civilisation française devrait être programmé en lieu et place de la théorie du genre par exemple, et poursuivi bien après la fin des études. Réhabilitons la littérature classique, pour s'apercevoir qu'elle nous étonne encore. Relire les Caractères de La Bruyère engendre une émotion textuelle qui rivalise avec celle que procure du Proust. On l'a oublié.

Il n'est donc pas besoin d'attendre que le sauveur quinquennal remette en vigueur nos frontières pour les disposer chacun dans nos idées et dans nos activités les plus banales. Qui nous en fera le reproche ? C'est pur patriotisme finalement, et rien de nationaliste.

http://royalartillerie.blogspot.fr

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