Cher Barde,
Je n'ai guère l'habitude d'adresser ma plume à des personnages historiques, et j'en suis ému. Je sais que votre temps précieux est consacré à la lutte contre l'envahisseur, ces hordes barbares qui piétinent le tarmac de Lutèce, ou débarquent des galères maures. Sans vous, sans le chant mélodieux que vous leur assénez sur leur crâne douteux, notre village aurait déjà disparu de la carte Michelin.
Pourquoi donc les Annales de Goscinny et d'Uderzo, aussi fameuses que celles de Tacite, vous présentent-elles dans cette posture ridicule qui fait rire les petits Gaulois ? Pourquoi vous empêche-t-on toujours de pousser la chansonnette, accompagné de votre instrument (de torture) ? Pourquoi sont-ce vos amis, vos compatriotes, qui vous font taire honteusement ? Ignore-t-on votre talent, votre génie ? La France du futur perdra-t-elle l'un de ces grands hommes qui font notre exception culturelle ? Allez-vous vous faire doubler par Bernard Henri, cet autre chantre branlant ?
Quelle ingratitude ! On ne vous laissera donc même pas une cuisse de sanglier !
Mon cher Assurancetourix, puisque par vous on devrait être prémuni contre tous les accidents de l'Histoire, et dormir enfin du sommeil du Juste dans le bon gros lit douillet (made in France) de la patrie du cochon et du pinard, débarrassés enfin des miasmes de couscous et des borborygmes islamiques, des viols, des crimes et de la chienlit, je voudrais que vous compreniez pourquoi je suis l'un des premiers à vous estourbir d'un coup de jambonnot .
Voyez-vous, en attaquant Fdesouche, Riposte laïque et d'autres sites, vous n'aurez pas compris (mais tant pis, Assurancetourix ne passe pas pour un personnage très éclairé) que je ne m'en prends pas au mouvement national. Au contraire. Tout au contraire.
Certes, je n'affirme pas que j'éprouve beaucoup de plaisir à écouter vos jérémiades. Non seulement parce que la pose victimaire aboutit inévitablement à placer un jour la tête sur le billot, mais aussi, j'en suis désolé, parce que je suis écoeuré par ce ton bas, malsain d'esclave frustré qui enrobe votre style et lui donne ce cachet de plus en plus imité, au point que l'on dit, en se bouchant le nez, ou en salivant comme une hyène dégoûtante : "Tiens, c'est du Fdesouche !" Il y a des choses qui ne se font pas, même en intention. Et il n'est qu'à lire entre les lignes pour savoir ce que vous pensez vraiment, et à quoi vous aspirez. Êtes-vous tombé dans la marmite de la haine obsessionnelle quand vous étiez petit chanteur au menhir de boix ?
Or, je pense profondément que le peuple français – pardon, gaulois - est généreux, humain, et qu'il a gardé au fond de lui la charité que lui a légué le catholicisme, le christianisme (bon, je mêle un peu les époques, mais notre tête folle de Celte est parvenue enfin à considérer la France comme un bloc éternel, où les temps se confondent...). Si le Français a dérapé parfois, c'est à cause du délire des avocats et des professeurs, et des cantorcules comme vous. Livré à lui-même, il est loin d'être mauvais, et répugne à se livrer à des actions laides.
C'est pourquoi c'est une illusion absurde (je parle là pour les cyniques) de croire qu'on pourra l'appâter par la haine, le mépris, le racisme.
De toute façon, il vaut infiniment mieux agir par amour, espoir et enthousiasme (je sais, ça sonne un peu neuneu, mais il vaut mieux être ça qu'une ordure).
Evidemment, le déteste SOS racisme autant que vous, ces histrions même pas dignes de nos frères les lions. Et les pères la morale, les hypocrites les mains pleines, les gens de gauche méprisant le petit, j'avoue que la galère serait douce pour eux. Mais le contraire de ces filous n'est pas forcément la droite ligne, la via sacra.
Je suis assuré que le discours anti-immigré, anti-musulman, est instrumentalisé pour orienter la colère du peuple et la détourner des vrais problèmes (chômage, libéralisme destructeur, emprise de certains lobbys etc.), et en même temps est destiné à nous diviser. Comme sous notre valeureux chef Vercingétorix : les uns étaient pour l'ennemi romain, comme aujourd'hui ceux qui ne haïssent point l'Occident bien estampillé pur souche, même lesté de hamburger, de coca cola, et bardé (décidemment, on n'échappe pas à la barditude) de certitudes atlantistes ; et les autres se sont fait crever.
Mais les élections partielles de l'Oise ont montré que les électeurs de gauche sont sensibles à la dimension sociale du programme du FN, pas forcément à la peur de l'immigré. Pourquoi donc ces Français « normaux » aurait-il voté au deuxième tour pour la candidate du Front national ?
C'est là qu'il faut s'appuyer, et marteler le message.
Certainement, il faut arrêter l'immigration, et en partie l'inverser, en expulsant les clandestins - tous - et en incitant les migrants à retourner dans leur pays d'origine. Mais la mesure est une vertu apollinienne, européenne. La fureur et l'excès empoisonneront les âmes et nous seront nocifs. Bien sûr, il faut être ferme. Bien sûr il faut mettre hors d'état de nuire la racaille. Mais la majorité des immigrés ou fils d'immigrés, ou naturalisés, ne sont pas forcément des ennemis. Au contraire : la "manif pour tous" a rassemblé, on l'a vu, des femmes et des hommes de toutes origines, de toutes confessions. Le combat pour la justice et pour la morale, c'est-à-dire infailliblement contre le désordre libéral, concerne tous ceux qui ne se satisfont pas de la barbarie actuelle.
L'ennemi, c'est l'Amérique, la dictature des marchés. L'ennemi, c'est la finance. L'ennemi, ce sont parfois nos réactions incontrôlées. Réfléchissons au lieu de foncer dans tous les murs sanglants, que nous ne connaissons que trop bien !
Finalement, on chante bien, on mange bien, on boit bien quand votre ramage se perd dans votre plumage.
Claude Bourrinet http://www.voxnr.com