BEAUVAIS (NOVOpress Breizh) – On a beaucoup glosé sur les 748 voix qui ont séparé au deuxième tour de l’élection législative partielle de la circonscription de Beauvais (le 24 mars) le candidat UMP (Jean-François Mancel) et la candidate FN (Florence Italiani). Soit 51,41% des suffrages exprimés pour le premier et 48,59% pour la seconde. C’était donc ric-rac.
Bien dans son rôle, Marine Le Pen s’est félicitée de « l’extraordinaire accélération de la dynamique du FN ». Et de se croire autorisée à affirmer : « Le FN est le centre de gravité de la vie politique. Nous aurons un très grand nombre de conseillers municipaux, et c’est une marche incontestable vers notre arrivée au pouvoir. » (Europe 1, 25/03/2013).
En réalité, le grand vainqueur de cette consultation électorale est à rechercher du côté du parti de l’abstention, formation dont on ne connait ni le leader ni le programme mais dont les scores progressent d’élection en élection. Dans cette circonscription de Beauvais, au premier tour des élections législatives de juin 2012, l’abstention représentait 41,18% des inscrits ; en 2013, on passe à 67,21%. Au deuxième tour de l’an passé, cette même abstention était de 40,25% ; cette année elle grimpe à 64,69%. Une fois enregistrée cette donnée fondamentale, il y a obligation de relativiser les résultats des uns et des autres. Quant aux commentaires convenus, ils prêtent évidemment à sourire : ce test est « révélateur de l’effondrement du PS » (dixit Christian Jacob, Le Figaro, 25/03/2013), « cet écart de moins de 800 voix résonne donc moins comme une victoire que comme un avertissement de la base à la classe politique » (Libération, 25/03/2013)…
Cet effondrement de la participation a des conséquences notables sur le nombre des suffrages obtenus. Au premier tour de 2013, les pertes sont importantes par rapport à 2012 : 9.315 pour le PS (Sylvie Houssin), 5.491 pour l’UMP (Jean-François Mancel) et 4.285 pour le FN (Florence Italiani). Les trois candidats principaux n’ont donc pas de raison de triompher.
Le deuxième tour de 2013 a retenu l’attention de la classe médiatico-politique car les deux finalistes portaient les couleurs de l’UMP et du FN. Exit le PS, faute d’un nombre suffisant de voix. C’est la candidate frontiste qui réalise la meilleure progression – par rapport au premier tour – en obtenant 5.941 suffrages supplémentaires (13.190/7.249), tandis que le représentant de l’UMP voit ses renforts se limiter à 2.885 (13.958/11.073). Incontestablement, les électeurs de gauche de premier tour se sont d’avantage reportés sur le FN que sur l’UMP : le double. Ce qui oblige à constater un fort vent de désobéissance chez les électeurs socialistes puisque, dans un communiqué, Harlem Désir, premier secrétaire du PS, et Christophe Borgel, secrétaire national aux élections, avaient appelé, « au nom des principes républicains, à faire barrage au Front national » (Le Monde, 19/03/2013).
Le comportement des électeurs de gauche du premier tour mérite évidemment une analyse plus fine. C’est à ce travail que s’est livré l’universitaire Joël Gombin. Selon son étude, au deuxième tour, 43% des électeurs PS se seraient reportés sur le FN et seulement 20% sur l’UMP. Les 37% restants auraient préféré s’abstenir ou voter blanc ou nul (L’Humanité, 26/03/2013).
Il est vrai que les résultats peuvent donner à réfléchir aux dirigeants des partis de gouvernement puisque Jean-François Mancel (UMP) n’est arrivé en tête que dans trois cantons ruraux ( Auneuil, Chaumont-en Vexin et Noailles) qui sont UMP et dans un quatrième (Beauvais sud-ouest), plus urbain et socialiste – celui de la candidate socialiste du premier tour, Sylvie Houssin, réélue conseillère générale en mars 2011. Tandis que Florence Italiani (FN) termine première dans trois cantons tenus par le PS et des divers-gauche (Le Coudray-Saint-Germer, Grandvilliers et Songeons), et dans un seul dirigé par la droite (Formerie).
Voilà qui pourrait également donner à réfléchir à des dirigeants du FN, travaillés par leur tropisme droitiste à l’approche des élections municipales de mars 2014. Ce qui conduit, par exemple, Marion Maréchal Le Pen à évoquer de possibles « alliances de circonstances » avec l’UMP (Journal du dimanche, 17/03/2013). Pourquoi loucher systématiquement du côté droit, alors qu’il y a peut-être plus à gagner avec le côté gauche ? C’est la leçon de Beauvais…Certes, Marine Le Pen, qui connait sans doute mieux sa carte électorale, se montre plus équilibrée : « On pourrait assister de-ci de-là (…) à un certain nombre d’accords locaux avec des candidats de l’UMP, mais aussi avec des candidats divers droite, pourquoi pas divers gauche aussi, rien ne l’empêche. » (« Tous politiques », France Inter, 17/02/2013).