Tribune libre de Paysan Savoyard
La gauche estimait que le projet de mariage homo passerait sans coup férir. Espoir déçu. L’opposition au projet dure depuis maintenant 6 mois. Et ce n’est sûrement pas fini…
- Le gouvernement ne respecte pas l’esprit de la démocratie
Le gouvernement de gauche confirme sa volonté de faire voter le projet de mariage homosexuel, en dépit de l’ampleur croissante des manifestations hostiles. Il déploie pour aboutir à ses fins l’argumentaire classique utilisé par les gouvernements confrontés à des manifestations : « En démocratie, la loi est faite par le parlement issu de l’élection, pas par la rue ».
Or la position du gouvernement est contestable du point de vue même des principes de la démocratie. Ainsi que l’affirme la constitution « la souveraineté appartient au peuple », qui l’exerce par ses représentants ou par référendum : lorsque les représentants votent la loi, c’est au nom du peuple qu’ils se prononcent. L’étymologie le confirme : la démocratie est le système où le pouvoir appartient au peuple.
C’est dire qu’un gouvernement qui s’obstinerait dans une direction manifestement réprouvée par la majorité de l’électorat ne respecterait pas l’esprit de la démocratie et n’agirait pas de façon légitime. Tel est précisément le cas désormais, nous semble-t-il : l’actuel gouvernement n’a pas de légitimité pour mener à terme le projet de mariage et d’adoption homosexuelles.
D’abord parce que l’opinion, si l’on en croit les sondages, est majoritairement opposée au projet. Dès le début les sondages avaient montré que la majorité était certes favorable au mariage mais défavorable à l’adoption, c’est-à-dire à une partie substantielle du texte gouvernemental. Ces sondages montrent aujourd’hui que les Français hostiles au mariage homosexuel lui-même sont désormais majoritaires (55% selon le sondage BVA pour le Parisien du 12 avril).
Le gouvernement, en second lieu, n’est pas légitime pour mener ce projet à bien parce que l’affaire Cahuzac lui a fait perdre son crédit moral. Le ministre ayant la responsabilité de la lutte contre la fraude était un fraudeur. Chargé d’appliquer aux Français des mesures d’austérité, il cherchait pour son compte à dissimuler sa fortune.
En ayant nommé ce personnage au sein du gouvernement, le président de la république a par là-même révélé soit sa complicité soit son absence de clairvoyance. Un tel président et de tels ministres ont perdu le capital de crédibilité dont doit impérativement disposer un gouvernement qui se donne pour objectif d’imposer un bouleversement sociétal de l’ampleur du mariage homosexuel.
Cet exécutif a de surcroît perdu sa légitimité politique, l’extrême gauche, dont l’appui avait été indispensable pour permettre l’élection de M. Hollande, l’attaquant désormais avec violence.
Le gouvernement n’est pas légitime enfin parce qu’il mobilise l’appareil d’État (administrations, forces de l’ordre…) pour faire aboutir un projet de nature avant tout idéologique (puisque les couples homosexuels concernés ne représentent qu’un petit nombre), tandis qu’il ne traite pas efficacement les graves questions qui touchent la vie de tous les Français : le chômage et les suppressions d’emplois, l’insécurité dans la rue, l’invasion migratoire.
Le gouvernement a donc tort lorsqu’il prétend se comporter de façon démocratique. Il fait en outre semblant d’oublier que la gauche descend elle-même régulièrement dans la rue pour tenter de faire plier les gouvernements de droite, ces manifestations s’accompagnant le plus souvent de violences, de voitures brûlées et de vitrines brisées.
Au contraire les manifestations contre le mariage homo n’ont pour l’instant donné lieu à aucune violence contre les biens et les personnes, quelques jets de fusées contre les forces de l’ordre mis à part (qui sont d’ailleurs peut-être le fait de provocateurs). M. Valls a dénoncé à plusieurs reprises les violences et les dégradations : il ment.
S’il était véritablement démocrate, c’est-à-dire soucieux de respecter la souveraineté du peuple, le gouvernement retirerait son projet. Ou du moins il le soumettrait à référendum, qui constitue l’autre moyen par lequel, aux termes de la constitution, le peuple peut exercer sa souveraineté : lorsque de toute évidence une fraction significative du peuple s’oppose à un projet gouvernemental, le recours au référendum paraît s’imposer dès lors que l’on prétend vouloir respecter la démocratie.
Le gouvernement pourrait-il être freiné dans son élan par le conseil constitutionnel ? Certains juristes estiment qu’une réforme d’ampleur du mariage et de la filiation suppose une modification de la constitution. Il est certain en tout cas que le conseil constitutionnel, qui n’a rien d’une instance impartiale et indépendante des pouvoirs, sera soumis dans les semaines qui viennent à une forte pression.
- L’UMP complice hypocrite du PS, comme d’habitude
Il faut dire un mot de l’attitude de l’UMP, qui comme à l’habitude se montre particulièrement duplice. Pour miner la popularité du gouvernement dans la perspective des élections futures, la droite encourage le mouvement de « La manif pour tous ». Elle s’efforce également d’en tirer bénéfice en apparaissant comme associée à son organisation.
C’est ainsi que plusieurs leaders UMP, notamment M. Raffarin et M. Guaino, sont intervenus à la tribune lors de la manifestation nationale du 24 mars (signalons qu’en revanche M. Gollnisch et Mlle Le Pen, élus du Front national, qui participaient pourtant à la manifestation, n’ont pas été autorisés par le collectif d’organisation de « La manif pour tous » à s’exprimer à la tribune).
Tout en participant aux manifestations, l’UMP se comporte dans le même temps de façon ambigüe, dans le but de ne pas se couper de l’électorat homosexuel. C’est ainsi que ses responsables se partagent les rôles en participant pour certains aux défilés (comme M. Copé) tandis que d’autres s’abstiennent (comme M. Fillon), la rivalité des deux leaders ne suffisant pas à expliquer cette différence d’attitude.
De même l’UMP ne s’est pas engagée à abroger le mariage et l’adoption homosexuelles lorsqu’elle sera revenue au pouvoir.
De même encore c’est grâce à l’abstention ou au vote favorable de plusieurs élus UMP que le projet du gouvernement a pu être voté par le Sénat le 12 avril. 3 sénateurs UMP ont voté pour le texte et 4 se sont abstenus : si ces élus avaient voté contre le projet, celui-ci n’aurait pas été adopté, ce qui aurait rendu une seconde lecture au Sénat obligatoire.
Ces manœuvres passent malheureusement inaperçues de la plupart des adhérents et électeurs de l’UMP : ils continuent à faire confiance à ce parti, qui pourtant joue double-jeu et les trahit avec constance. En 2007, M. Sarkozy avait promis de maîtriser l’immigration, de remettre de l’ordre et de passer le Karcher : on sait ce qu’il en a été. Bien qu’il n’ait tenu aucune de ses promesses, il a pu accéder facilement au second tour en 2012, dépassant de 10 points le Front national.
Ses manigances concernant le mariage homo conduiront-elles cette fois ses électeurs à prendre conscience que l’UMP est en réalité complice de la gauche pour se partager le pouvoir à tour de rôle et mener les mêmes politiques ? Rien n’est moins sûr malheureusement…
- Le refus d’une société libérale-libertaire
Cette affaire du mariage homosexuel permet de tirer d’ores et déjà différents enseignements qui vont au-delà des questions posées par le projet lui-même.
On assiste tout d’abord depuis l’automne à la mobilisation du secteur politiquement « traditionnel » de l’opinion, qui descend dans la rue de façon massive : cela ne s’était pas vu depuis près de trente ans, les dernières grandes manifestations « de droite » datant de 1968 et 1984. La durée de cette mobilisation est également surprenante : depuis plus de six mois maintenant, des centaines de milliers de personnes, peut-être des millions, multiplient les défilés et rassemblements.
Il est remarquable que ce mouvement soit parti des profondeurs de la société : ni l’UMP ni le FN n’en sont à l’origine et, si leurs adhérents y participent en nombre, ils n’en sont pas le moteur. C’est spontanément qu’une partie de l’opinion a choisi de se mobiliser sur une question de principe, contre un projet libéral-libertaire jugé destructeur pour le cadre social fondamental qu’est la famille. Cette mise en mouvement de la partie « traditionnelle » de la société est quelque chose d’inédit, de spectaculaire et, de notre point de vue, de très réjouissant et prometteur.
Le second enseignement est le suivant. Il est probable que la mobilisation ne porte pas seulement sur le mariage homo et va au-delà de la question de la famille : on peut penser que les marcheurs ne s’opposent pas uniquement au projet du gouvernement mais qu’ils manifestent également leur hostilité, même s’ils ne l’explicitent pas, à l’évolution libérale-libertaire de la société dans son ensemble.
Il est ainsi probable que la très grande majorité des opposants au mariage homo souhaiteraient qu’il soit mis fin de façon urgente au laxisme face à la délinquance et que l’ordre public soit rétabli. Ils souhaiteraient sans doute aussi, pour la plupart, que l’invasion migratoire soit arrêtée sans délai. De même les manifestants sont probablement tous ou presque attachés aux racines chrétiennes de la civilisation européenne et ils voudraient que l’identité française soit affirmée et respectée.
Comme on le sait ces thèmes constituent des tabous. Il est difficile de se prononcer en faveur de l’arrêt de l’immigration, d’en appeler à la fermeté contre les délinquants ou encore de souhaiter l’affirmation des valeurs chrétiennes de l’Europe sans être immédiatement traité de fasciste. Aucun défilé mettant en avant ce type de revendications ne pourrait être organisé. Aucune expression collective en ce sens ne serait tolérée bien longtemps par le régime.
Le thème de la défense de la famille peut lui plus facilement être mis en avant. Il suscite la moquerie de l’oligarchie et de ses serviteurs médiatiques, qui essaient de le ridiculiser : mais il peut difficilement être dénoncé comme relevant du fascisme.
Les manifestants se sont donc saisis de ces thèmes difficilement attaquables - le droit des enfants à disposer de père et mère ; le refus du « droit à l’enfant », porte ouverte aux « mères porteuses » et à l’acquisition d’enfants sur catalogue. Ils prennent appui sur ces slogans difficiles à contrer et en jouent avec jubilation, dans une débauche de rose et de bleu, d’éclatants sourires juvéniles et de Marseillaises reprises avec entrain.
Terminons. L’opposition au mariage homo et la protestation contre l’arrogance du gouvernement ne peuvent suffire à elles seules à expliquer l’importance et la durée de la mobilisation. Les manifestants veulent dire également autre chose : leur hostilité à l’évolution individualiste et hédoniste de la société ; leur attachement aux cadres fondamentaux qui constituent l’identité française ; leur volonté de défendre des valeurs dont ils sont d’autant plus fiers que depuis un demi-siècle elles sont moquées et niées.
Cette foule, spectaculairement homogène, uniformément blanche, sereine, bien éduquée et respectueuse des valeurs traditionnelles, a pris conscience de son existence, de son importance, de sa force. Quelle que soit l’issue du projet de mariage homo lui même, cette mobilisation de la France française restera un évènement de première grandeur.