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Un Premier mai sans jérémiades

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L'échec des mobilisations syndicales ne doit pas seulement à la pluie, aux vacances scolaires ou à d'autres démagogies qualifiées de populistes. Elles se sont présentées d'ailleurs divisées, la CGT et FO marxistes, d'un côté, CFDT, CFTC et UNSA réformistes de l'autre.

Ces manifestations ratées d'hier ne préjugent certes pas non plus du nombre de gens que rassembleront les camarades du Front de gauche, additionnant désormais les gauchistes, les trotskistes et les paléo-communistes, "tous ensemble", le 5 mai à la Bastille.

Mais elles marquent le recul désormais évident d'une espérance et d'une illusion. La pression sociale des "indignés" qui ne proposent rien ne rallie pas les foules malgré l'impressionnante persistance de l'appareil CGT.

La défaite en 2012 du président sortant tenait, ne l'oublions pas, à de nombreux facteurs. Parmi ceux-ci on rappellera sa renonciation à la rupture. Promise en 2006 par le candidat Sarkozy, elle le démarquait des chiraquiens. On espérait en finir avec les nuisances héritées du socialisme étatique. Or celles-ci portent aujourd'hui comme hier la responsabilité de la crise et du chômage. Dès 2008, sous prétexte de faire face à la crise cette ligne avait été abandonnée. Contre la réélection de l'hyper président s'accumulaient aussi les imprécations les plus irrationnelles : "Tout sauf Sarkozy" répétaient à l'envi, depuis 2006, les perroquets nostalgiques du gouvernement Villepin, manipulant les officines les plus imbéciles ou les plus impunément actives au sein d'une certaine petite droite. Cela ne doit pas être oublié, s'agissant des instruments de cette manœuvre, mais cela appartient au passé.

À un an de distance on doit aussi se souvenir en effet qu'une part d'attentes sociales existait. Elle était organisée, aussi, paradoxalement au sein des personnels des diverses fonctions publiques. Les revendications, ou plutôt les réticences devant les réformes nécessaires animaient le gros des forces électorales. La frange droitière citée plus haut n'en assurait qu'un élément d'appoint marginal, peut-être 2 % de l'électorat, à peine plus que l'écart par lequel M. Hollande fut [mal] élu.

L'idée qu'un changement du personnel politique apparent mettrait du beurre dans les épinards du pauvre peuple, a laissé la place à un très large sentiment d'écœurement. Cela s'est cristallisé sur l'affaire Cahuzac. Et on pourrait juger abusif qu'un très gros, très impudent, mensonge portant cependant sur 600 000 euros choque plus les consciences que 1 700 milliards de dettes.

L'opinion réagit sans doute, et depuis toujours, de façon superficielle, sur des terrains imprévus. Remarquons ainsi au passage que le vote de la loi Taubira a été immédiatement suivi le lendemain de la fermeture, à Florange, de ces hauts fourneaux pour lesquels tant de mensonges avaient été proférés par les gouvernements, par les candidats et par les présidents successifs. Et finalement aucune indignation sur ce point ce ne semble, aujourd'hui encore, faire concurrence au raz-de-marée des "Manifs pour tous" qui persistent à rejeter une loi décadentielle, symbolique, diviseuse du pays, dénaturant le mariage et attentant à la famille.

On ne peut donc qu'enregistrer, en ce moment, d'un point de vue sociologique objectif, le déclin des ressorts immémoriaux du socialisme.

Faut-il les qualifier de "séculaires" ? On pourrait même les dire "millénaires" !

En ce premier mai, par exemple, le calendrier ecclésiastique commémore le prophète Jérémie. Hélas, le message de celui-ci, historiquement situé pourtant, est largement confondu, depuis des siècles, avec celle de son école, avec l'esprit des "Lamentations" qu'il n'a probablement pas composées, avec la naissance de ce qui n'a jamais cessé de former la trame du socialisme étatique, c'est-à-dire avec la redistribution obligatoire, substitut trompeur et ruineux de la générosité individuelle et libre.

Un auteur laïciste comme Ernest Renan l'évoque à bond droit en tant que précurseur et fondateur de cette pente misérabiliste de l'esprit. Voici ce qu'il écrivait il y a plus d'un siècle :

"Notre opinion arrêtée, à nous autres modernes, étant que le meilleur code religieux est la liberté, — puisque les croyances sont le domaine propre de la conscience de chacun, — ces vieilles législations religieuses de l'Orient se présentent à notre jugement dans des conditions très défavorables. Le côté civil et politique, le côté moral, social, religieux, y sont confondus. Or, à tort ou à raison, nous ne voulons pas que l'État s'occupe des questions morales, sociales, religieuses. La charité et le droit nous paraissent deux domaines distincts. Peut-être est-il bon, en effet, qu'ils soient maintenant séparés ; mais il est sûrement utile qu'autrefois ils aient été réunis. La force fut l'unique reine de l'humanité primitive. Le faible n'eut d'avocats que bien tard.

Nous croyons que les plus anciens avocats de l'opprimé furent les prophètes d'Israël, et c'est pour cela que nous leur faisons une place si éminente dans l'histoire de la civilisation." (1)⇓

Ainsi : "Jérémie peut compter entre les hommes qui ont eu le plus d'importance dans l'histoire. S'il n'est pas le fondateur du judaïsme, il en est le grand martyr. Sans cet homme extraordinaire, l'histoire religieuse de l'humanité eût suivi un autre tour : il n'y eût pas eu de christianisme. Le prophétisme juif, en effet, entre avec Jérémie dans une voie toute nouvelle. Sans cet homme extraordinaire, l'histoire religieuse de l'humanité eût suivi un autre cours." (2)⇓

Il faut observer d'ailleurs que les autorités actuelles du judaïsme d'aujourd'hui semblent moins enthousiastes que le laïciste Renan et surtout que les catholiques progressistes vis-à-vis de l'école se réclamant, abusivement, de Jérémie.

En consultant la Bible du Rabbinat (3)⇓, on constatera en effet que les fameuses "Lamentations" [Êikha] – qui lui sont attribuées par la tradition chrétienne, et qu'on retrouve, à la suite de son Livre dans les éditions catholiques de l'Ancien Testament, où elles précèdent le livre de Baruch – ne figurent pas dans le recueil des "Prophètes". Chez les Juifs d'aujourd'hui elles appartiennent simplement à la catégorie des "Livres", et Baruch, collaborateur de Jérémie semble passé à la trappe.

Certes, donc, on ne saurait déduire, de tout cela, la mort de cette forme ancestrale de la pensée archaïque de la gauche : cette pente de l'esprit existera probablement toujours, car son génie consiste à se présenter à chaque génération comme si les vieilleries qu'elle reprend éternellement à son compte faisaient novation par rapport à leurs versions précédentes. (4)⇓.

Mais au moins aujourd'hui, dans ce malheureux pays en voie de rétrécissement, on peut noter quand même avec une pointe de satisfaction que son influence stagne – alors même que tous les commentateurs agréés voudraient l'imaginer et nous la décrivent comme en plein essor.

JG Malliarakis  http://www.insolent.fr/

Apostilles

  1. cf Ernest Renan Histoire du peuple d'Israël ed. Calmann-Lévy 1923 Tome III p. 226-227
  2. cf. Ibidem p. 153-154. 
  3. traduite en 1899 par le grand rabbin Zadoc Kahn elle est aujourd'hui disponible en collection "Judaïca-Poche" aux Éditions Colbo. 
  4. "L'Histoire du communisme avant Marx" de Sudre démontre cette persistance.

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