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Hollande ne pèse pas lourd au sein de l’UE

Un an après l'élection de François Hollande, la France peine à se faire entendre dans une Union européenne où, paradoxalement, son message sur la nécessité d'équilibrer réduction des déficits et relance de l'activité semble désormais largement partagé. Cause majeure : l’insignifiance d’un « président » prisonnier de l’imposture de sa campagne électorale.

Du Fonds monétaire international (FMI) à l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) en passant par le G20, Washington et nombre d'économistes, les diagnostics se rejoignent: trop d'austérité pour réduire la dette des pays membres conduit l'Union européenne à la récession.¢ 
Les Pays-Bas, État parmi les plus vertueux de l'UE, ont reporté d'un an le retour de leurs déficits publics à 3% du PIB. La Commission européenne s'est résignée à voir la France faire de même. La Banque centrale européenne a baissé jeudi ses taux d'intérêt. Même la chancelière allemande Angela Merkel admet que consolidation budgétaire et croissance doivent aller de pair.
Les faits paraissent donc donner raison à retardement à un président français dont le message n'a guère eu de succès quand il le martelait au début de son mandat.
"L'Europe, à l'époque, n'était pas prête à entendre ce genre de chose", estime l'économiste Jean Pisani-Ferry, ex-directeur du centre de réflexion bruxellois Bruegel.
Pour Dominique Moïsi, de l'Institut français des relations internationales (Ifri), "le message sort renforcé mais le messager affaibli et cette contradiction est le problème majeur de la France".
Le 6 mai 2012, le deuxième président socialiste de la Ve République est élu sur la base d'un programme dans lequel il promet de renégocier le nouveau pacte budgétaire européen pour y faire une place plus grande à la croissance et l'emploi.
Il s'engage à défendre la création d'euro-obligations et un budget européen 2014-2020 au service de la croissance.
Un engagement qui ne sera pas respecté puisque le pacte budgétaire européen adopté est le même que celui déjà « négocié » par Sarkozy.
RAPPORT DE FORCES
Très vite, cependant, le principe de réalité et un rapport de forces politiques à l'avantage de l'Allemagne et des pays budgétairement "vertueux" d'Europe du Nord s'imposent à lui.
Dans un mémorandum adressé à ses partenaires, le successeur de Nicolas Sarkozy renvoie à 10 ans la création d'obligations européennes à laquelle Berlin est hostile.
Le Conseil européen de juin 2012 adopte certes un plan de 120 milliards d'euros pour relancer les investissements et la croissance dans l'UE, en complément du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) signé le 2 mars 2012.
Mais François Hollande doit se résoudre à faire voter ce pacte budgétaire par le Parlement français sans modification, au grand dam d'une partie de sa majorité, dont plusieurs dizaines d'élus s'abstiennent ou votent contre. Le volet croissance, en général jugé insuffisant, tarde, lui, à produire des effets.
Pas plus que son prédécesseur de droite, le nouveau président français n'a réussi jusqu'à présent à faire avancer l'idée d'une taxe carbone aux frontières de l'UE.
Et en février, il doit se résigner, face à une alliance germano-britannique de circonstance, à un budget pluriannuel européen inférieur aux ambitions initialement affichées, malgré le soutien d'un Parlement européen auquel il a promis quelques jours avant, à Strasbourg, de pousser les feux de l'intégration.
"Sa contribution la plus marquante aura sans doute été de faire émerger et avancer le dossier de l'union bancaire", estime Jean Pisani-Ferry. Mais depuis l'accord de juin 2012, Berlin freine sa mise en œuvre des quatre fers.
L'affaiblissement de la voix de la France est largement dû au décrochage de son économie, illustré par une croissance nulle et un chômage record, par rapport à une Allemagne que sa santé relative dans une Europe en crise place en position dominante.
ALLIANCE AVORTÉE AVEC MONTI
"Si la voix de François Hollande est un peu inaudible, c'est parce que la perception d'une France affaiblie gagne l'ensemble des pays européens, sinon le monde", estime Dominique Moïsi. "Il est le représentant d'un pays affaibli qui doute de lui-même."
Cet affaiblissement n'est pas nouveau, souligne Jean Pisani-Ferry. "Sarkozy tentait de le masquer en collant à Merkel. Hollande a tenté d'y répondre en se rapprochant de Mario Monti et Mariano Rajoy", rappelle l'ex-directeur de Bruegel.
Le prédécesseur de droite de François Hollande formait avec la chancelière allemande une sorte de G2, le "Merkozy", qui a orienté la politique de l'UE et de la zone euro cinq ans durant.
François Hollande est loin d'afficher la même complicité, même s'il est passé au tutoiement public avec Angela Merkel lors du 50e anniversaire du traité de l'Élysée, en janvier à Berlin.
Il a en revanche tenté de sortir du face à face exclusif avec Berlin en cherchant l'appui de l'Italie de Mario Monti et de l'Espagne de Mariano Rajoy -alliance qui a permis de sceller l'accord de juin sur l'union bancaire.
Mais Mario Monti a été emporté par les soubresauts de la vie politique italienne et Mariano Rajoy s'avère un allié de peu de poids. En s'érigeant en « chef de file » des pays du sud de l'Europe du sud, François Hollande a en outre pris le risque de voir la France assimilée à ces "hommes malades" de l'UE.
L'opération militaire française au Mali est pratiquement la seule fois où la France a eu une action internationale décisive depuis un an. Mais Paris n'a pas pu entraîner des partenaires européens dans cette intervention, ce qui peut également être interprété comme le signe d'une influence déclinante.
AFFAIBLISSEMENT INTÉRIEUR
Les analystes pointent d'autres facteurs, dont la chute vertigineuse de la cote du chef de l'État dans les sondages, comparée à la popularité exceptionnelle d'Angela Merkel.
"D'abord, il y a l'affaiblissement du président à l'intérieur (...) On a l'impression qu'il ne fait pas le poids face à la chancelière allemande", souligne Dominique Moïsi.
François Hollande souffre en matière de politique européenne comme dans d'autres domaines d'une image de dirigeant indécis et soucieux avant tout de ménager les équilibres de sa majorité.
Sa faiblesse, estime le chercheur de l'Ifri, est de donner le sentiment d'être "assis entre deux chaises et (d'avoir) peur d'un côté des critiques de sa gauche et de l'autre des marchés".
"Il y a un déficit de courage et un calcul politique qui l'empêchent de faire ce qu'il devrait et le fait arriver toujours en retard", ajoute, sévère, Dominique Moïsi.
Ce calcul était manifeste dès la formation du gouvernement: ce sont deux chefs de file du "non" au projet de Constitution européenne en 2005, Laurent Fabius et Bernard Cazeneuve, qui ont été nommés ministres des Affaires étrangères et européennes.
Le départ de Bernard Cazeneuve au Budget après la démission de Jérôme Cahuzac, emporté par le scandale de son compte suisse, en mars, n'a pas corrigé la donne: son successeur, Thierry Repentin, jusque-là chargé de la formation professionnelle, n'est pas connu pour sa connaissance des dossiers européens et n'aurait accepté qu'à reculons ses nouvelles responsabilités.
Quant au ministre des Finances, Pierre Moscovici, dont les convictions européennes ne font aucun doute, il n'est pas jugé assez fort par des analystes comme Dominique Moïsi pour tenir tête, par exemple, à son homologue allemand Wolfgang Schäuble.
SENTIMENT D'INFÉRIORITÉ
Cet affaiblissement de la voix de la France nourrit un sentiment d'infériorité vis-à-vis de l'Allemagne et un discours très critique à l'encontre de Berlin et de l'UE dans une partie de la majorité et même du gouvernement.
Le président de l'Assemblée nationale, Claude Bartolone, a ainsi prôné la "confrontation" face à l'Allemagne et le ministre du Redressement productif, Arnaud Montebourg, a invité le chef de l'État à "ouvrir les hostilités avec l'Union européenne" pour obtenir une réorientation de la politique de l'UE.
Le Parti socialiste a pour sa part taxé Angela Merkel d'"égoïsme" dans un projet de texte, édulcoré par la suite mais qui n'en dénonce pas moins "l'intransigeance libérale de la droite allemande", sans nommer la chancelière.
François Hollande, le Premier ministre Jean-Marc Ayrault et plusieurs ministres ont désavoué ces déclarations et protesté de la volonté de Paris de renforcer sa coopération avec Berlin, sans dissiper une impression de cacophonie.
"La position de la France manque d'allant et de fermeté vis-à-vis de l'extérieur parce que le pays et la gauche sont profondément divisés à l'intérieur", souligne Jean Pisani-Ferry.
Pour d'autres analystes, la France ne sera crédible que lorsqu'elle a aura redressé ses finances publiques et engagé des réformes susceptibles d'améliorer sa compétitivité.
"C'est vrai que les Allemands ont une politique économique pas très favorable au reste de l'Europe", dit ainsi un grand patron, qui a requis l'anonymat. "Mais pour le dire et être écouté, il faut d'abord mettre de l'ordre chez soi."
"Tant qu'il apparaîtra aux Allemands que la confrontation annoncée est un moyen pour les Français de ne pas régler leurs problèmes, la confrontation n'ira pas loin", ajoute-t-il.¢

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