Ce livre n’est ni un brûlot ni un réquisitoire contre notre Justice. Xavier Bébin, secrétaire général de l’Institut pour la Justice, tente simplement un audit pour expliquer le malaise et les dysfonctionnements de l’institution judiciaire.
La récente affaire dite du Mur des cons où, dans les locaux du Syndicat de la magistrature, se trouvaient épinglées des personnalités de droite mais aussi des pères de victimes de tueurs en série, a eu le mérite d’identifier le malaise. Ce dazibao, absolument hors de saison dans des locaux fréquentés par des juges, c’est-à-dire par des hommes impartiaux, qui, par profession, récusent toute idéologie, n’indique pas seulement une nostalgie soixante-huitarde un peu immature mais d’abord un engagement politique, qui fait fi même de l’élémentaire respect des personnes: « Mettre fin à la politisation des juges, écrit Xavier Bébin, ce n’est pas seulement indispensable à ce grand corps malade qu’est la justice. C’est aussi un levier pour atteindre un objectif plus important: rendre la justice aux citoyens. »
En France, l’institution judiciaire, il faut se rendre à cette évidence désagréable, est trop souvent confisquée par l’idéologie, annexée par des idéologues.
Et c’est le fait non seulement du Syndicat de la magistrature, dont les options sont connues, mais du syndicat majoritaire, l’Union syndicale des magistrats, qui, début 2012, n’a pas hésité à produire une étude au titre tout en nuances: « 2007-2012, les heures sombres. » Du vitriol !
Xavier Bébin s’applique à repérer les différents aspects du credo idéologique qui meut beaucoup de juges aujourd’hui. Il souligne avant tout que le Parquet ne suffit pas pour représenter les victimes: les exemples qu’il donne, en particulier autour de crimes sexuels sont éloquents. Il plaide pour la reconnaissance d’un droit des victimes à tous les niveaux de l’instruction: « Il n’existe aucune raison purement juridique pour priver la victime de droit au stade de l’enquête pénal », dans le cas par exemple d’enquêtes qui seraient potentiellement à charge pour elle.
C’est toujours la victime qui subit un véritable traumatisme
De la même façon, il faudra bien en venir à ménager « les mêmes droits de recours » pour le prévenu et pour la victime.
« Il ne s’agit pas de donner à la victime un droit de veto » mais de prendre en compte le fait que « la victime est personnellement et directement concernée par les décisions pénales qui seront prises à l’encontre de son agresseur présumé. C’est elle qui risque des représailles immédiates si le juge refuse d’incarcérer celui qui l’a agressée. C’est elle qui sera condamnée à vivre dans le même quartier que son agresseur sexuel si la justice “oublie“ de prononcer une peine complémentaire d’éloignement. C’est toujours la victime qui subit un véritable traumatisme psychologique si son agresseur bénéficie d’une remise en liberté dix ans plus tôt que prévu ».
De nombreux exemples sont donnés de telles circonstances dans les quelles il est clair que la justice a oublié le droit des victimes, sans doute parce que la victime, aujourd’hui, réduite au rôle de « partie civile », ne peut pas faire appel d’une décision injuste. Elle est devenue la grande muette.
Dans cet audit, qui est avant tout un tissu de faits, de jugements prononcés et de dénis de justice enregistrés, Xavier Bébin entend parler au nom des victimes. Il est important pour nous tous qu’il soit entendu.
Joël Prieur http://fr.novopress.info/
- Xavier Bébin, Quand la justice crée l’insécurité, éd. Fayard, 294 pp., 19 euros.
Article de l’hebdomadaire “Minute” du 15 mai 2013 reproduit avec son aimable autorisation. Minute disponible en kiosque ou sur Internet.