C'est faire beaucoup d'honneur à la situation de contrôle étatique et de limitation malthusienne de la profession de taxis que de la qualifier de "corporatiste".
En effet la rente de situation conférée par l'octroi au compte-gouttes des licences profite d'abord à quelques grosses compagnies qui en détiennent le maximum. Elle semble convenir à la CGT qui en contrôle quelques attributions. Ce syndicat s'oppose à l'augmentation du nombre de professionnels, et réclame simplement la requalification du contrat de "location" et l'application des lois sur la durée du travail incorporant le temps d'attente du salarié qu'elle n'obtiendra jamais, et qui n'aboutirait qu'à aggraver encore la situation.
Celle-ci perdure surtout au détriment des chauffeurs en général et des artisans en particulier, et bien évidemment du consommateur qui paye trop cher un service trop rare.
Dès 1959 le rapport Rueff s'indignait déjà de ce que "la limitation réglementaire du nombre des taxis nuit à la satisfaction de la demande et entraîne la création de situations acquises, dont le transfert payant des autorisations de circulation est la manifestation la plus critiquable".
Depuis, pratiquement rien n'a vraiment changé malgré de nombreuses propositions. La crise la plus spectaculaire vint de la commission Attali en 2008. La réforme alors envisagée, maladroitement proposée, provoqua une protestation et une grève qui aboutit à la première reculade de la présidence Sarkozy.
En mai 2008 un accord entre le ministère de l'intérieur et les organisations de taxis fixait de façon officielle un numérus clausus à moins de 52 000 sur toute la France. À peine allait-on en créer 300 supplémentaires par an à Paris, où le nombre prévu pour 2012 soit 20 000 resterait inférieur à celui de 1920, soit 25 000. Entre-temps l'agglomération desservie et les fonctions même du métier ont évidemment accru les besoins, notamment les liaisons avec les aéroports et le transport des malades, objet d'un conflit avec la sécurité sociale.
Le cadre législatif et réglementaire actuel fixé par une loi de 1995 crée pourtant un principe juste et sain, conforme aux principes du marché unique : le certificat de capacité professionnelle ouvert, après un stage d'adaptation ou épreuve d'aptitude, aux ressortissants des États membres de l'Union européenne.
Mais ce diplôme reste complètement marginalisé par rapport à la "licence" : ce dernier document, purement administratif et arbitraire, n'est en droit qu'une autorisation de stationnement. Instrument de la pénurie planifiée, elle est délivrée pour chaque ville par le préfet du Département, représentant du pouvoir central.
Cette limitation engendre :
- l'insupportable situation des "locataires", contraints de verser 100 euros par jour aux détenteurs de licence. Salariés de fait, ils ne bénéficient en droit d'aucune protection. Leurs charges se répercutent ainsi sur le prix de la course.
- la revente à des prix exorbitants : les spécialiste mentionnent une "valeur" de 240 000 euros à Paris, de 400 000 dans certaines villes du Sud de la France.
- l'apparition, dans presque toutes les villes, de "faux taxis", les uns tout simplement clandestins, les autres attributaires du statut de VTC "véhicules de tourisme avec chauffeur" privés du droit de stationnement.
- le développement de modes concurrentiels comme le taxi moto, le vélotaxi, en attendant l'avènement du pousse-pousse.
Cette anarchie vient de l'État : les municipalités doivent prendre la liberté d'y mettre un terme en abolissant, en rachetant éventuellement sur une base raisonnable, ces rentes de situation nuisibles à la vie urbaine.
JG Malliarakis http://www.insolent.fr/