Le homeschooling touche plus de trois millions d'enfants américains échappant ainsi au système d'éducation étatique bureaucratisé et inefficace. Décryptage d'un phénomène en plein essor depuis dix ans.
Quelle est la forme d'éducation qui permet de se lever à 9 heures après avoir fini un bon roman historique au lit, de faire un tour de vélo entre les maths et la poésie, d'intégrer cuisine et bricolage dans les leçons quotidiennes, d'écrire à sa grand-mère en guise de rédaction et de disposer encore de longues heures pour jouer – oui, jouer – par terre ou entre les arbres avec ses frères et soeurs ?
Hors les murs
Ils sont de plus en plus à apprendre en famille, chez eux. On les appelle des homeschoolers.
Moins d'un million il y a dix ans, ils sont plus de trois millions aujourd'hui, avec une progression annuelle de 10 à 15 %. Ignorant les contraintes de l'école où sont enfermés six heures par jour, 185 jours par an, la vaste majorité des Américains de cinq à dix-huit ans, ces enfants curieux de tout s'amusent à provoquer l'étranger de passage en comparant salles de classe et cellules de prison.
En cette fin d'été, leurs mères feuillettent d'épais catalogues débordant d'idées pour leur présenter les connaissances de base de façon attrayante. Elles sélectionnent avec soin les récits classiques qui, lus à haute voix autour d'un bon feu, feront, dans quelques semaines, se déployer leur imagination. Elles punaisent aux murs cartes de géographie, déclinaisons latines et dates à mémoriser. Presque toutes motivées par leur responsabilité de transmettre un héritage autant religieux qu'intellectuel, munies en moyenne de 3,3 enfants (!), elles se réjouissent de ce rare privilège, légal à des conditions diverses dans chacun des cinquante États : apprendre ensemble en toute liberté du matin au soir.
Un phénomène de société
Mais sans bride sur le cou, peut-on réussir ? Aux tests d'aptitude nationaux, les résultats moyens de ceux qui n'ont jamais connu ni tableau noir ni cour de recréation dépassent de 30 % ceux des écoliers et lycéens du même âge. Le homeschooling - l'école à la maison – est devenu un véritable phénomène de société. Il a pris de l'ampleur en faisant ses preuves.
Pour les croyants, c'est la voie d'une harmonie entre culture et foi. Pour les laïcistes, c'est un moyen de dénoncer le savoir officialisé. Les premiers y voient des parents impliqués dans leur mission civilisatrice ; les seconds y apprécient des parents mobilisés pour la protection des libertés. Le homeschooling est une aventure humaine qui illustre le principe de subsidiarité cher à l'Église : ce qui peut être bien fait par une cellule simple et naturelle n'a nul besoin d'être réalisé par une organisation complexe et artificielle. En renforçant la famille, il contribue à la sanctification de tous ses membres, petits et grands. Atout remarquable : il permet de faire du sur-mesure, de s'adapter à l'enfant, qui peut foncer dans un domaine et avancer plus lentement dans un autre. Qu'importe, pourvu qu'il progresse ! C'est à la mère de guider, d'encourager, de corriger. C'est à elle d'alimenter par des lectures, des discussions, des rencontres, les passions variées de ses enfants. Ce qui n'est pas compris d'emblée sera répété sous des formes diverses jusqu'à l'assimilation des connaissances.
Le homeschooling américain s'incruste de plus en plus dans le pays avec quatre caractéristiques essentielles : il est dominé par les protestants, qui deviennent les éducateurs de leur progéniture afin de rester fidèles au mandat que leur confie la Bible ; il est assuré dans 90 % des cas par une mère au foyer qui se voit suppléée par le père dans certaines disciplines particulières - et dans les sports où le ballon domine ; il concerne davantage de filles que de garçons, sans doute parce que ceux-ci ont précisément du mal à rompre avec les institutions éducatives, grosses pourvoyeuses de jeux d'équipe ; enfin, le homeschooling puise ses gros bataillons dans l'immense classe moyenne – axe central de toute société – dont les revenus se situent entre 30 000 et 80 000 dollars par an. Mais pourquoi se lancer dans le homeschooling ?
Principes
Trois réponses essentielles. D'abord, la volonté d'inculquer de solides principes religieux, que trop de structures dites catholiques négligent par indifférence, subversion ou démagogie laïciste. Ensuite, l'impérieux désir de soustraire la spontanéité, l'innocence des enfants à l'atmosphère des écoles et lycées de plus en plus empoisonnés par la vulgarité, le cynisme et la pornographie. Enfin, il s'agit de réagir face à un système éducatif bureaucratisé qui a phagocyté notre jeunesse et perdu en cinquante ans les trois quarts de son efficacité. Dispenser le savoir était autrefois une vocation presque sacrée. L'étatisme syndicalisé l'a réduit trop souvent à un banal moyen de subsistance. La précieuse flamme de l'enseignement, c'est désormais à la maison qu'elle brille de tout son éclat.
De notre correspondant aux États-Unis
PHILIPPE MAINE L’ACTION FRANÇAISE 2000 du 30 juillet au 2 septembre 2009