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États-Unis / Le pacte avec le lobby gay (arch 2010)

Le président Barack Obama est parvenu à remporter un titre pour lequel la concurrence s'avère pourtant impitoyable : celui des promesses non tenues. Dans ce domaine, l'Américano-Kenyan s'impose comme une sorte de champion toutes catégories. De la création d'emplois à la lutte contre le déficit budgétaire en passant par l'amélioration de la sécurité nationale, l'assurance santé universelle, la hausse des niveaux scolaires et la baisse de la pression fiscale, tous les engagements électoraux de l'ex-sénateur de l'Illinois sont restés à l'état d'envolées oratoires. Pas une seule de ces promesses n'a, en effet, treize mois après son entrée en fonction, reçu le plus petit commencement d'exécution.
Cependant, au milieu de cette immense décharge publique de mensonges et de démagogie, il existe tout de même une parole présidentielle qui sera tenue. Le locataire de la Maison-Blanche nous l'a affirmé à plusieurs reprises. Et de toutes parts, on nous le répète sur tous les tons. Il est vrai que cette parole pèse beaucoup plus lourd que les autres. C'est un serment, un contrat. Mieux : un pacte. Et un pacte de cette importance ne peur se négliger. Jugez-en : il s'agit de permettre désormais aux gays et aux lesbiennes de servir sous les drapeaux sans avoir l'obligation de cacher leur orientation sexuelle. Admettons que devant l'avalanche de sombres et inquiétants défis auxquels se heurtent actuellement les États-Unis, celui qui exige des homosexuels sous l'uniforme un intolérable, un révoltant, un inadmissible devoir de discrétion par simple respect de l'environnement humain a quelque raison de se placer parmi ceux qu'il devient urgent de relever...
Les malades sans assurance santé, les chômeurs sans indemnités, les familles sans logement et les soldats sans véhicules anti-mines peuvent à la rigueur attendre qu'on se penche sur leurs cas. Mais il est évident que les encasernés homosexuels ne sauraient languir plus longtemps sans avouer à leur entourage l'authentique nature de leurs instincts. C'est une question de droits de l'homme. Et ces droits de l'homme-là sont sacrés. Surtout lorsque les lobbies qui les défendent ont largement contribué au financement de la victoire du Président.
C'est à deux reprises surtout qu'Obama martela ses intentions de « faire bouger les choses » pour les 65 000 gays et lesbiennes (estimation basée sur plusieurs recoupements) qui se sont volontairement engagés dans l'armée de terre, la marine, l'aviation ou le corps d'élite des Marines. La première fois, ce fut au cours des ultimes semaines de sa campagne électorale à l'automne 2008 ; la seconde, lors de son discours sur l'état de l'Union, le 27 janvier dernier. Chaque fois, Obama claironna sa conviction qu'il fallait sans tarder entamer les démarches afin d'abroger la fameuse loi votée en 1993 et connue sous le nom de « Don't ask, don't tell » (Ne demandez rien, ne dites rien). Pour verrouiller le problème et clore le débat, l'état-major lança à ce moment-là deux injonctions : la première signifiait que la hiérarchie militaire n'avait aucun pouvoir légal de questionner les jeunes recrues afin de connaître leur identité sexuelle ; la seconde, corollaire de la première, permettait à ces mêmes recrues de s'enfermer dans un mutisme abyssal au cas où un représentant de l'autorité se montrerait curieux de leur sensibilité la plus intime. Loin d'être parfaite, cette loi témoignait d'un compromis entre, d'une part, le président Bill Clinton et les lobbies gay qui exigeaient sous les treillis une homosexualité fièrement affichée, et, d'autre part, l'état-major et les élus conservateurs qui souhaitaient barrer la route des régiments à tout dérèglement intrinsèque.
On s'efforça de se maintenir à égale distance des deux extrêmes mais, comme toujours en pareil cas, cette demi-mesure aboutit à une double aigreur. Les uns jurèrent de prendre leur revanche et de faire un jour marcher au pas la tête haute gays et lesbiennes. Les autres finirent par admettre que leur succès mitigé avait toutes les chances d'être le dernier. On vécut dans ce provisoire pendant dix-sept ans sans scandales ni affrontements, mais non sans dérapages. Plus de 13 000 soldats, hommes et femmes confondus, furent invités à retourner à la vie civile parce qu'ils commirent l'imprudence d'avouer leur appartenance à une minorité sous contrôle ou qu'ils eurent l'audace de faire des avances à une personne de leur sexe. 13 000 exclus : un sur cinq. Pour certains, c'est le prix à payer d'une intégration difficile. Pour d'autres, c'est une proportion qui dénonce impasse et injustice.
Deux hommes-clefs furent précisément convaincus que cet épineux dossier s'enfonçait dans une « impasse » tout en cultivant l'« injustice. » Deux personnages importants du régime d'Obama : Robert Gares, secrétaire à la Défense, et l'amiral Michael Mullen, chef d'état-major général. Sans eux, la loi de 1993 avait encore de très belles années devant elle. Avec eux, elle n'en a plus que pour un an, le temps de neutraliser les récalcitrants, fignoler les détails, écrire un texte à présenter au Congrès et crier sur tous les toits des casernes que les jours de l'humiliation homosexuelle sont désormais comptés. Gates et Mullen sont devenus les chevilles ouvrières de cette mini-révolution. Par conviction ? Pas sûr. Lorsque les deux personnages se retrouvèrent au début de ce mois côte à côte devant une brochette de sénateurs pour exposer leurs arguments, le moins que l'on puisse dire est que ceux-ci manquèrent singulièrement de souffle et de flamme.
On s'apprête à intégrer 65 000 gays et lesbiennes à 1 400 000 personnes sous les armes et tout ce que Gates et Mullen trouvent à nous confier comme démonstration décisive pour bousculer l'adversaire, c'est « la fâcheuse sensation que chacun peur percevoir en constatant que les homosexuels en sont réduits à se cacher pour participer à la défense de la nation ». Phrase bien artificielle sortie d'esprits compliqués. On aurait préféré - certains sénateurs également, semble-t-il - des mots arrachés aux tripes, une bonne histoire de soldats avec du sang, et au milieu, des gays dans le feu de l'action. Chacun serait peut-être resté sur ses positions mais au moins, l'espace d'un instant, la salle aurait vibré. À la place, on eut droit à une sorte de conclusion hautaine - « Détruire « Don't ask, don't tell », est la seule chose à faire » - que Gates et Mullen lâchèrent sèchement avant de fermer leurs micros. Beaucoup de calculs, de flagornerie et d'ambition dans cette manœuvre de longue haleine. Les deux hommes ont prouvé qu'ils étaient avant tout des carriéristes. À Washington, Obama a sa cour. Gates et Mullen en font partie et surent très vite comment plaire au monarque d'opérette.
Le drame, dans cette affaire, c'est que beaucoup d'Américains de la majorité silencieuse goûtent fort peu l'opérette telle qu'elle se joue actuellement sur les rives du Potomac. Ils trouvent déplacé et, en l'occurrence, scandaleux, que le pouvoir plie devant le diktat d'un groupe de pression riche et influent au moment où la nation envoie ses enfants se faire tuer sur deux théâtres d'opération extérieurs particulièrement sensibles. « La concomitance existant entre ces deux faits montre le cynisme politicien avec lequel cette décision a été prise. On n'a même pas eu la décence d'attendre une période de paix pour foncer dans l'inconnu », tempête John McCain, sénateur de l'Arizona. Il fut très vite relayé par l'un des représentants de Californie, Howard McKeon, qui estime lui aussi qu'« il aurait mieux valu perfectionner la préparation au combat des jeunes recrues plutôt que de leur infliger sournoisement l'intégration d'une minorité de plus en plus exigeante et aventureuse ». Quant à Mike Coffman, représentant du Colorado et ancien capitaine des Marines (il a servi pendant la guerre du Golfe et celle contre l'Irak), il déplore la précipitation avec laquelle ce bouleversement a été conduit. « Lorsqu'on connaît l'extrême sensibilité émotionnelle d'un combattant sous le feu de l'ennemi, il est légitime de s'étonner que l'état-major n'ait pas prévu une approche plus prudente et surtout plus graduelle du problème. Ce n'est pas à titre personnel que l'amiral Mullen intervint devant les sénateurs, mais comme chef suprême des forces armées. Autrement dit, il a mis tous les opposants devant le fait accompli. »
Démarche choquante, s'exclament en substance, dans le courrier du quotidien USA Today, deux lecteurs furieux. L'un déplore que « toute cette démagogie » s'apprête à altérer l'unité et la confiance de la troupe. L'autre s'étonne que les sondés soient systématiquement des civils. Et il termine avec une indignation qui aurait plu à Louis-Ferdinand Céline : « Peut-être aurait-il fallu demander ce qu'ils en pensent à ceux qu'on envoie au casse pipe. »
CHRISTIAN DAISUG PRESENT du 20 février 2010

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