Avec le recul du temps, nous pouvons dire qu'il y a eu trois Mai 68 :
le Mai 68 libertaire, plutôt sympathique et spontané ;
le Mai 68 syndical qui conduisit aux accords de Grenelle (augmentations des salaires) et à la mise sur orbite de Jacques Chirac ;
et enfin le Mai 68 politique, dont le but était de déstabiliser de Gaulle et de le chasser du pouvoir, pour une série de décisions en rupture totale avec les choix stratégiques et les soumissions de la IVe République.
De 1961 à 1967 en effet :
de Gaulle s'est opposé à l'entrée de l'Angleterre dans la Communauté économique européenne ;
chasse les bases militaires américaines du territoire national ;
désengage la défense française de l'OTAN ;
et par ses discours de Pnomh-Penh et de Montréal, fait de la France le leader des non-alignés face aux deux blocs de la Guerre froide ; soit la fameuse Troisième voie.
Une série d'actes d'insoumission culminant avec l'apothéose pro-palestinienne de novembre 1967, totalement en phase avec l'esprit de mai à venir, mais malheureusement incompris par la jeunesse française.
Car si l'on se souvient du climat de l'époque, l'événement déclencheur de la mobilisation étudiante en cette période de plein emploi et d'élévation constante du niveau de vie, grâce au programme du CNR appliqué par de Gaulle, ne fut pas la crise sociale, mais la guerre du Vietnam.
Et la perversité machiavélique de l'Empire sera de faire chasser, par de jeunes idiots utiles criant "US go home !", mais entièrement sous la coupe de la culture anglo-américaine incarnée par un jeune leader venu de nulle part, mais étrangement promu par les médias, le seul opposant sérieux, dans le camp occidental, à cet impérialisme américain.
Tel est le troisième Mai 68, le moins spontané, le plus caché, mais celui qui compta pour l'Histoire...
Alain Soral, Comprendre l'Empire
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