Les 27% d’Alexei Navalny aux élections municipales de Moscou furent son moment de triomphe. Comparable au « bobo » (bourgeois bohème) français, le « creativny class » se caractérise par son individualisme forcené, son absence d’idées politiques et de compréhension des grands enjeux internationaux.
Peu cultivé, il rêve d’une Europe qui n’existe pas et qu’il pense avoir découvert lors de ses vacances dans le sud de la France. La situation sociale réelle en France, il ne la connait pas, d’ailleurs il s’en moque éperdument, comme celle d’ailleurs, de ses concitoyens russes moins privilégiés que lui. Capable de passer ses vacances en Grèce sans se rendre compte que le pays est en crise, il en revient plein de ressentiments contre la Russie où le climat est beaucoup moins favorable. C’est aussi à cela que l’on reconnait le « bobo » russe, ou plutôt le « novi Russki » des années 2010 : il déteste son pays et son peuple, tout comme le « bobo » français.
Officiellement, comme Alexei Navalny, il lutte contre la corruption. Dans la réalité, il appartient à une des classes les plus corrompues de Russie, celle du secteur tertiaire et du marketing. Les budgets de publicité ou de sponsoring finissent en grande partie dans sa poche, mais il le vaut bien. Au fond, il ne souhaite pas une Russie moderne, mais la Russie des années 90, où il aurait pu devenir millionnaire rapidement, comme son autre modèle, Mikhail Khodorkowski. C’est d’ailleurs pour cela qu’il déteste Vladimir Poutine, ce rabat joie qui a mis fin à la loterie, qui a confisqué les actifs de l’oligarque déchu pour les redonner à une société d’État.
Il est créatif mais il ne crée rien. Le paradoxe est qu’il est le résultat de l’enrichissement de la Russie sous Vladimir Poutine, mais l’argent ne l’a pas rendu heureux, alors il est dépressif. Comme souvent les dépressifs, surtout les psychanalysés, il cherche un coupable pour son mal-être. Il a donc trouvé son idole, Alexei Navalny. Ce dernier rêve aussi de pillage comme dans les années 90. À peine nommé conseiller du gouverneur de Kirov, il crée une société pour « privatiser les profits » du groupe étatique qu’on lui a confié, comme au bon vieux temps. Grande gueule mais en fait pas très malin, ce qui était banal il y a 20 ans, ne se fait plus en 2009. Pris la main de le sac, il proteste de son innocence. Il croit d’ailleurs farouchement à sa propre innocence. Il n’a rien fait de mal car tout lui est dû. Il ne fait que prendre ce qui lui appartient. Il est l’élu, choisi par l’Occident pour apporter la vérité à une Russie arriérée qu’il déteste et qui vote Vladimir Poutine à 65%.
Il maudit ces ouvriers d’OuralWagonZavod qui ne comprennent rien à son élection divine. D’ailleurs l’Oural ne l’intéresse pas. Une Russie limitée à Moscou et sans banlieue lui suffirait largement, à condition qu’on y autorise la Gay Pride et qu’on en chasse tous les non-russes ethniques. C’est là la différence avec le « bobo » français, qui est raciste mais qui prétend le contraire. Le « creativny class » est ouvertement raciste, détestant les Caucasiens et les Centre-asiatiques, sauf s’ils sont riches bien sûr, auquel cas il devient cosmopolite.
Comme le « bobo », le « creativny class » n’est pas très courageux. Heureusement son gourou Alexei Navalny, tout en étant l’ami de Noël Mamère, est très proche des groupes ultra-nationalistes, qui eux n’hésitent pas à faire le coup de poing.
Ce qui frappe le plus chez le « creativny class » c’est son absence de pensée politique. Tandis que son Président tâche d’empêcher le gouvernement américain de précipiter le Moyen-Orient et le reste du monde dans la guerre, il vote pour un candidat ouvertement financé des États-Unis. Il est vrai que le « creativny class » se moque bien des Syriens ou des Égyptiens qui ne peuvent rien pour lui. D’ailleurs du Moyen-Orient il ne connait que le « Spa » où il a passé une de ses nombreuses vacances cette année, et ça lui suffit bien.
Rassurons-nous le « creativny class » est toujours minoritaire, et ses mobilisations sont toujours suivies de grandes périodes de déprime ; n’oublions pas qu’il est dépressif. Un gouvernement démocratique devrait toujours veiller à ne pas laisser contaminer par cette minorité le reste de la société qui est saine. Ça n’est pas toujours facile, car en Russie comme en France, le « bobo » domine dans les médias et les réseaux sociaux. C’est pour cela qu’en Russie, on le surnomme « marmotte de réseau ». Les réseaux sociaux sont en effet l’endroit idéal pour partager sa dépression avec les autres et insulter les autorités et son pays à peu de frais. C’est là enfin l’ultime point commun avec le « bobo » français : le « creativny class » déteste sa Patrie et rêve d’en partir.
Élie Martin
Source : Realpolitik.tv.
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