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Nicolas Gauthier : « En tant que royaliste, je me sens tout aussi proche de la vieille gauche que de la nouvelle droite »

Journaliste et écrivain, fondateur et directeur du journal non-conformiste Flash, aujourd'hui collaborateur du site Boulevard Voltaire, Nicolas Gauthier répond à notre enquête sur la droite.
Nicolas Gauthier, pensez-vous qu'il existe une différence de nature entre l'homme de gauche et l'homme de droite ?
Je dirais que l'homme de droite aurait tendance à être un pessimiste joyeux, alors que l'homme de gauche serait plutôt un optimiste dépressif. Le premier sait, ou devrait savoir, que l'histoire fonctionne par cycles, que les situations peuvent évoluer, mais que rien ne change fondamentalement dans la nature humaine. Le second pense qu'il est possible de créer un homme nouveau. Et comme, à l'instar du baron Frankenstein, ça ne marche jamais, on comprend mieux pourquoi il peut devenir triste, voire méchant.
Tous deux peuvent se rejoindre dans la même vision linéaire de l'histoire, à ce détail près que pour l'homme de droite, l'âge d'or, c'était hier; et que pour l'homme de gauche, ce sera toujours pour demain. Cependant, une certaine droite et une certaine gauche peuvent aussi collaborer à ce projet d'humanité « nouvelle ». La preuve : Jacques Attali, prophète du cosmopolitisme heureux, a toujours « conseillé » les gouvernements, de gauche comme de droite.
Journaliste au Choc du mois, à Minute, à National Hebdo, avant de fonder Flash, titre au sein duquel cohabitaient des collaborateurs appartenant à des courants très divers, pas tous venus de la droite, vous définissez-vous comme un homme de droite ?
Non. En tant que royaliste, je me sens tout aussi proche de la vieille gauche que de la nouvelle droite. Avec sa décence commune, il me semble que George Orwell avait déjà réussi cette heureuse synthèse. Depuis un an, mon ami Robert Ménard, avec lequel j'ai le plaisir de travailler pour le site bvoltaire.fr, réunit lui aussi, au sein de la même rédaction, journalistes de gauche et de droite ; mais pas n'importe quelle gauche (Michel Cardoze) et surtout pas n'importe quelle droite (Alain de Benoist)...
René Rémond distinguait trois droites : légitimiste, orléaniste et bonapartiste. Cette distinction est parfois remise en question. Le libéralisme d'une part, l'étatisme d'autre part, vous semblent-ils de « gauche » ou de « droite » ?
Premièrement, la droite légitimiste n'existe plus qu'à l'état résiduel. La droite « orléaniste », soit la droite d'affaires, représente désormais un spectre allant de Daniel Cohn-Bendit à Alain Madelin en passant par le Medef et DSK. Elle n'est pas plus de droite que de gauche : il s'agit seulement d'un consortium informe et transnational. Quant à la droite bonapartiste, ou gaullienne dirions-nous, pour reprendre une définition plus contemporaine, on peut la situer du côté du Front national, surtout dans sa version mariniste, mouvement allant bien au-delà de la droite et de la gauche. Quant à l'étatisme et au libéralisme, ils ne me semblent pas être sujets à clivage entre gauche et droite. Voyez trois grands pays menant une politique alternative, Russie, Iran et Turquie. L’État y est fort et la liberté d'entreprendre encouragée. Comme quoi il est possible d'être à la fois étatiste et libéral - au sens ancien du terme, celui de Frédéric Bastiat, par exemple - sans qu'il faille pour autant faire appel aux termes de « droite » ou de « gauche ».
Le cosmopolitisme et l'internationalisme vous paraissent-ils constitutifs de la gauche ?
Non. Les empires austro-hongrois et ottomans étaient cosmopolites, multiconfessionnels et pluriethniques, tout en respectant les spécificités de chacun. Étaient-ils de « gauche » pour autant ? Charles Maurras appelait de ses vœux une internationale des rois. Au siècle dernier, les non-alignés incarnaient également une forme d'internationalisme ayant tenté, sans succès malheureusement, d'ouvrir une troisième voie entre blocs soviétique et américain. Le Vatican est peut-être la dernière internationale cosmopolite qui tente, vaille que vaille, de résister à celle du fric et des trusts.
À quoi attribuez-vous la domination culturelle, médiatique et intellectuelle de la gauche ?
Si la droite était intellectuellement moins paresseuse, elle fournirait sûrement plus d'intellectuels. Et ne me faites pas le coup de l'épuration de 1945 et de la mainmise du PC sur les médias ! Dans les années 1970, Jean-François Chiappe avait son rond de serviette sur France Inter. La pensée était autrement plus libre à l'époque du gaullo-communisme, situation qui a changé avec l’arrivée aux commandes des vieux-jeunes cons de Mai 68. Et puis, à l'exception notoire d'un Alain de Benoist, tous les intellectuels aujourd'hui classés à droite, voire à l'extrême droite, viennent tous plus ou moins de la gauche : Jean-Claude Michéa, Alain Soral, Philippe Muray et même Alain Finkielkraut, en comptant large. Ce n'est pas la faute de Canal +, de Libération ou de la censure « socialo-communiste » si un mouvement tel que l'Action française, pour ne citer qu'elle, a été incapable, depuis la mort de Charles Maurras, de fournir un intellectuel digne de ce nom. Des pamphlétaires inégalables, oui. Des polémistes, sans aucun doute. Mais des penseurs, tels que Jean Baudrillard ou Emmanuel Todd, non. La droite a certes du panache et de l'allure, mais comme elle estime que les intellos sont tous plus ou moins des inutiles nuisibles, il ne faut pas ensuite s'étonner que la gauche occupe un terrain qu'elle a déserté de longue date.
Après, bien sûr, il y a la censure des bien-pensants. Mais ce phénomène est plus conjoncturel que structurel. La faiblesse des penseurs de droite n'est pas imputable à la gauche, mais à l’absence de pensée de droite.
Propos recueillis par Eric Letty monde&vie décembre 2013

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