L’actualité judiciaire de ces derniers jours en dit long sur l’état de notre justice, devenue une loterie morale où le sort des accusés dépend davantage de la nature du symbole que de la gravité du geste.
Le 30 juillet, un homme de 27 ans, schizophrène diagnostiqué, a été condamné à un an de prison ferme pour avoir brûlé un Coran devant une mosquée de Villeurbanne. Cela ressemble même à une condamnation à mort quand on sait ce qui l’attend en détention si il n’est pas placé à l’isolement.
Le livre sacré avait été extrait d’un présentoir à destination des fidèles, puis incendié dans la rue, sans mise en danger de quiconque. L’homme a reconnu les faits, précisé qu’il n’en voulait pas aux musulmans, qu’il considérait ce livre « comme un simple objet », et rappelé qu’il était sous curatelle renforcée, traité depuis l’âge de 18 ans.
Qu’importe : la justice a tranché. Et lourdement. 12 mois fermes, dont 3 pour révocation d’un précédent sursis. La peine est assortie d’une interdiction de séjour à Villeurbanne. L’affaire a provoqué l’indignation d’élus, d’associations et de médias, qualifiant le geste d’« islamophobe », comme si une maladie mentale suffisait à expliquer l’acte mais pas à l’excuser.
Quand la Bible flambe, la clémence s’allume
Le contraste est saisissant avec une autre affaire, à Paris, en 2016. Une femme intégralement voilée, en pleine crise mystique autoproclamée, a été surprise en train de brûler une Bible sur les quais de Seine, à deux pas de la péniche La Barge. Les policiers sont intervenus, l’ont menottée, questionnée, examinée. Verdict : saine d’esprit, pas d’infraction retenue pour la dégradation, simple verbalisation pour port du voile intégral.
Brûler une Bible, c’est donc un rappel au règlement. Brûler un Coran, c’est un an ferme. Deux poids, deux mesures ? Une justice désormais soumise à l’ordre des susceptibilités ? À la hiérarchie des sacralités ?
Un assassin déclaré irresponsable
L’indignation grimpe encore d’un cran lorsque l’on se souvient de l’affaire Alban Gervaise, médecin militaire poignardé à mort à Marseille, en 2022, devant l’école catholique où il venait chercher ses enfants. Mohamed L., son meurtrier, avait crié vouloir « finir le diable au nom de Dieu », s’était vanté de lui avoir porté « trente coups de couteau », dont certains en plein cœur.
Trois expertises psychiatriques plus tard, l’homme a été déclaré pénalement irresponsable. Il n’aura jamais à répondre de ses actes devant une cour d’assises. Il a été interné… pour une durée indéterminée.
La justice a donc estimé qu’un homme capable d’organiser son passage à l’acte, de cibler une victime, de proférer des menaces, de fuir, de récidiver en prison contre un surveillant, n’était pas responsable de ses actes. Mais un jeune homme dérangé, isolé, sans agressivité, qui brûle un livre (et non des vies), lui, mérite la taule.
Une justice en perdition morale ?
Ce tableau n’est pas un pamphlet, c’est une photographie. Celle d’un système judiciaire gangrené par le sacré variable, où la hiérarchie des outrages semble dictée par le poids communautaire et l’émotion médiatique.
L’affaire du Coran brûlé aurait-elle suscité le même traitement s’il s’était agi d’un exemplaire de Mein Kampf ou du Petit Livre Rouge ? L’incendie d’une Bible, pourtant identique dans le geste, n’a pas éveillé la même fureur. Et que dire d’un meurtrier dont les actes atroces sont effacés par la carte psychiatrique que d’autres se voient refuser ?
À force de manier l’émotion à la place du droit, la justice française se décrédibilise chaque jour davantage, piétinant la notion d’égalité devant la loi. Elle devient celle des causes, non des faits. Celle des symboles, non des victimes. Celle qui juge plus sévèrement un autodafé que l’assassinat d’un père devant ses enfants.
Allô les juges ? Il est temps de sortir du déni. Il est temps de rendre la justice au peuple. Et non à la bien-pensance. Sinon le peuple finira par ne plus reconnaitre la moindre légitimité en la Justice française qui n’est plus rendue en son nom.
YV
Crédit photo : DR
[cc] Breizh-info.com, 2025, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine