Nos lecteurs connaissent bien Thibaud Collin : il nous avait déjà fait l’amitié de nous accorder un entretien sur son précédent livre : Les lendemains du mariage gay (Editions Salvator). Nous sommes revenus à lui pour qu’il nous présente, dans le cadre d’un dossier de L’AF "Pour en finir avec la laïcité", son dernier ouvrage : Sur la morale de Monsieur Peillon (Editions Salvator, 14,50 euros).
L’AF 2875 : Vincent Peillon veut remettre à l’honneur la « morale laïque ». Or sa laïcité n’est-elle pas surtout une contre-religion ?
Thibaud Collin : Notre Ministre est philosophe de métier. A ce titre, il a une connaissance approfondie de la tradition républicaine. Il a écrit sur Edgar Quinet, l’un des premiers théoriciens de l’école laïque, sur Jaurès, sur Ferdinand Buisson, celui qui a dirigé l’enseignement primaire pendant des années et a mis en œuvre les orientations de son ministre, Jules Ferry. Or que nous disent ces auteurs sur la laïcité en général et sur l’école et la morale laïque en particulier ? Ils tiennent en fait un discours à double-fond. Le premier consiste à dire que la laïcité est une forme juridique rendant possible la coexistence pacifique de citoyens ayant des croyances religieuses différentes (ou pas de croyances religieuses du tout). La laïcité se présente alors comme la propriété d’un régime politique et de sa législation par laquelle la question religieuse est mise entre parenthèses. Mais il existe une autre dimension de la laïcité qui la rapproche de fait d’une religion (en l’occurrence une contre-religion ou une irréligion), c’est que la laïcité contient une dogmatique par laquelle elle prétend correspondre à la vérité et au bien humain.
Elle s’identifie alors au régime mental et institutionnel des peuples enfin « autonomes », qui ont su « se libérer » de la tutelle des institutions autoritaires, au premier chef de l’Eglise catholique et de la monarchie. Il y a donc une dimension de « libération » spirituelle et morale dans la laïcité qui de facto la place au même niveau que la croyance religieuse. Les républicains de la Troisième hier ou Vincent Peillon aujourd’hui auront beau jeu de dire que la laïcité n’est pas anti-religieuse, qu’elle respecte les croyances individuelles, leur lutte contre ce qu’ils nomment le « cléricalisme » n’est pas seulement mue par la reconnaissance d’une juste distinction entre le temporel et le spirituel. La laïcité est ici vraiment « un nouveau pouvoir spirituel ». D’ailleurs Peillon désigne ainsi l’école de la République. La volonté d’être la matrice englobant et accueillant la diversité des croyances religieuses lui attribue, qu’on le veuille ou non, une position transcendante.
« Quelle morale dispenser dans une société laïque ? », demandez-vous. L’Etat seul ne devrait-il pas être laïque ?
Oui, bien sûr. Comme je viens de le dire la laïcité adéquatement prise ne concerne que l’Etat et non pas la société civile qui comme telle est le lieu d’expression de toutes les dimensions de l’être humain, et donc au premier chef de cette recherche de la vérité sur le bien ultime. Cependant aujourd’hui la laïcité est de plus en plus vue comme une norme exigeant de la part des individus une privatisation de leur croyance religieuse et de ses implications sociales et culturelles. Cette dualité est à interroger. C’est la personne dans son unité qui adhère à une doctrine ou à une personne comme étant vraie et cela engendre une conversion dans la manière de vivre, de se rapporter à soi-même et aux autres.
Vous soulignez, à l’encontre de la pensée dominante, que « la laïcité est essentiellement fermeture ». Pourquoi ? [...]
Propos recueillis par François Marcilihac
La suite de l’entretien et du dossier "Pour en finir avec la laïcité" dans L’AF 2875 :
Entretien avec Thibaud Collin
"Retrouver l’identité nationale" par Elie Hatem
"Affaire Baby-Loup : un imbroglio juridique" par Elie Hatem
"Le procès du voile intégral" par Grégoire Dubost
http://www.actionfrancaise.net/craf/?Laicite-Thibaud-Collin-a-L-AF-La