La 9e conférence ministérielle de l’OMC a débouché in extremis sur un accord sur le « paquet de Bali » le 7 décembre 2013, soit un jour plus tard que prévu, qui représente 10% de l’Agenda de Doha pour le développement défini en 2001 à Doha.
Ce premier accord commercial multilatéral depuis la création de l’institution en 1995 permet à l’OMC de sauver la face avec un accord portant sur dix points en négociation depuis de nombreuses années. Les deux dossiers qui créaient le blocage, la facilitation des échanges et la sécurité alimentaire, se soldent par des engagements… à conclure un accord ultérieurement, suite à un compromis négocié par l’Inde et les Etats-Unis.
La stratégie de l’« ambigüité constructive » du nouveau directeur de l’OMC, Roberto Azevêdo, a ainsi permis d’éviter à l’OMC une profonde crise existentielle, mais sans affronter les problèmes en profondeur et en renvoyant leur résolution à plus tard.
Le compromis obtenu sur la sécurité alimentaire est tout particulièrement ambigu. Face à la demande légitime des pays en développement, menés par l’Inde, de financer des programmes de sécurité alimentaire pour protéger les populations pauvres de la volatilité des prix alimentaires, l’Inde a annoncé avoir obtenu des Etats-Unis le droit de pérenniser les programmes de sécurité alimentaire existants, tout en s’engageant à aboutir à un accord dans les quatre ans.
La formulation de cet accord est suffisamment floue pour permettre à l’Inde et aux Etats-Unis de crier victoire, mais l’accord contient plusieurs conditions susceptibles de remettre en cause certains acquis et ne concerne que les programmes existants, ce qui rend impossible leur mise en œuvre à terme par les dizaines de pays en développement qui n’en disposent pas, et qui n’ont pas hésité à qualifier de trahison le compromis négocié en tête à tête par l’Inde avec les Etats-Unis dans la dernière ligne droite.
Le compromis sur la facilitation des échanges, qui vise à simplifier la circulation des marchandises, stipule quant à lui qu’un accord contraignant est postposé au 31 juillet 2015. Il sera adopté aux deux-tiers des voix et appliqué aux seuls Etats membres qui l’auront accepté, mais une majorité des trois-quarts pourrait rendre contraignant cet accord pour tous les Etats membres, ce qui implique que ce compromis rompt pour la première fois avec la tradition du consensus à l’OMC.
Les négociations ont notamment vu Cuba, soutenu par les pays de l’ALBA (Venezuela, Bolivie, Nicaragua), revendiquer que l’accord concerne l’embargo des Etats-Unis à son égard, en vue de le démanteler. Les négociations n’ont ainsi pu être débloquées que suite à un compromis adopté le 7 décembre et intégrant le principe de non-discrimination dans le transit des marchandises.
Selon Arnaud Zacharie, Secrétaire général du CNCD-11.11.11 : « L’OMC sauve les meubles par un accord a minima et l’Inde peut pérenniser son programme de sécurité alimentaire, mais les pays pauvres ont été sacrifiés dans l’aventure et devront se contenter d’un meilleur accès aux marchés des pays riches : seul les programmes de sécurité alimentaire existants sont concernés, ce qui exclut de nombreux pays pauvres qui ne pourront pas lancer de nouveaux programmes pour protéger leurs populations contre l’instabilité des prix alimentaires. L’accord de Bali ne permettra pas de faire l’économie d’une réorientation fondamentale de l’OMC, centrée sur le développement durable, inscrit dans ses objectifs depuis sa création, et le renforcement de la cohérence des règles commerciales multilatérales en faveur du développement ».