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Questions aux ministres intègres

Les hommes politiques honnêtes cela ne court pas les rues. Dans la foule des médiocres et des courtisans, il existe bien sûr des exceptions ; parmi les politiciens, on trouve des hommes de qualité. On envisagera aujourd'hui le cas de deux d'entre eux, étiquetés plutôt au centre droit. Voisins par la géographie, ils président respectivement les départements de l'Orne et de la Mayenne. Ces terres, tranquilles, laborieuses et charmantes de la France profonde avaient été démembrées par le découpage fédéraliste de 1790 à partir des anciens duchés de Normandie, du Maine et d'Alençon. Elles votent a priori plutôt pour les partis conservateurs, après avoir donné le jour au premier des Chouans, Jean Cottereau (1)⇓
Aujourd'hui où les Bonnets Rouges enflamment de plus en plus la vieille revendication régionaliste en Bretagne voisine, on gagnerait à parcourir les livres respectifs de Jean Arthuis "Dans les coulisses de Bercy" et d'Alain Lambert "Déficits publics : la démocratie en danger". Le premier datait de 1998 ; il n'a pas pris une ride. Le second vient de paraître.
Leurs deux contributions ne procèdent pas de la même nature.
Le témoignage du Mayennais, pendant 30 ans maire de Château-Gontier contient certes pas mal de considérations et d'observations, parfois d'une ironie mordante, qu'on pourrait tenir pour explosives, si précisément le grand public en avait tenu compte.
Moins distancié peut-être, moins polémique tout en exprimant des opinions de fond fort voisines, Alain Lambert s'est exprimé au cours des dernières années au gré de nombreuses contributions qu'on peut considérer comme techniques. Retenons-en deux :
En 1998, l'année même où Jean Arthuis dévoilait au public les arcanes inquiétantes de notre administration financière qu'il venait de quitter, Alain Lambert, sénateur de l'Orne, livrait à la commission des Finances de son assemblée un rapport d'information "Assurons l'avenir de l'assurance". Il y mettait alors en garde les pouvoirs publics contre les faiblesses des compagnies te des mutuelles françaises à la veille du passage à la Monnaie Unique.
Qu'ont fait depuis lors nos gouvernants ? Rien sinon de se barricader derrière une ébauche de ligne Maginot protectionniste qui n'a pas empêché Axa de "devenir Allianz".
Aujourd'hui dans son livre sur le danger, pour l'avenir des régimes démocratiques, des déficits publics non maîtrisés, il élargit, si l'on peut dire, le débat.
Le public y trouvera notamment le legs essentiel d'un homme qui assuma, entre 2002 et 2004 la charge de ministre du Budget, particulièrement à l'épreuve dans le cadre du gouvernement Raffarin lui-même situé sous la présidence, à la fois dérisoire et dépensière de Chirac.
Il réussit alors, en effet, en 2004 à faire adopter la LOLF, loi organique relative aux lois de Finances. Depuis 1959, pendant près d'un demi-siècle par conséquent, la Cinquième république avait attendu vainement que soit réformée la constitution financière de l'État. On doit donc porter ce résultat à l'actif de son promoteur.
Un acquis fondamental consistera désormais à décomposer le vote des crédits, non plus par ministère mais par mission. Exemple type, la fonction de sécurité publique repose sur deux piliers : la police, rattachée au ministre de l'Intérieur et la gendarmerie qui dépend de l'Armée. Les uns en ville, les autres à la campagne assurent des missions extrêmement voisines, qui méritent donc d'être discutées et votées sinon ensemble, du moins dans les mêmes phases de débats et de travaux en commissions. Nous avons eu l'occasion cependant, il y a 3 ans (2)⇓ de noter que cette logique, excellente en elle-même, n'empêcherait pas le déclin dramatique des activités régaliennes.
Or cette carence de la république "sociale" dans les domaines aussi essentiels que la défense, la justice et la sécurité, réduites à la portion congrue, correspond en même temps à une hausse continue des dépenses que l'excellente procédure mise en place en 2004, n'a aucunement freinée.
La question que l'on peut donc poser aussi bien à Jean Arthuis qu'à Alain Lambert, ils la connaissent très bien, c'est donc celle de l'utilité de ces procédures et de ces révélations. Au mieux elles pourraient bien ne contribuer qu'à construire le pont sur la rivière Kwaï.
Tant qu'on ne travaillera pas à la consolidation d'un courant d'opinion à vocation majoritaire – tant qu'on ne luttera pas contre les politiques dépensières du Système, contre les gaspillages de nos dirigeants, contre l'illusion keynésienne de la relance par le déficit, contre la redistribution démagogique et l'assistanat, – aucun redressement du pays n'est concevable.
JG Malliarakis
Apostilles
1) cf. Jacques Crétineau-Joly "Histoire de la Vendée militaire" Tome III "Les Chouans"
2) cf. "Hortefeux à balles réelles" in L'Insolent du 27 juillet 2010

 

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