À l'approche des élections municipales et européennes, les partis politiques s'organisent pour ratisser le plus large possible dans un contexte aussi éclaté et compliqué pour la majorité (PS, Verts, Front de gauche) que pour l'opposition (UMP, FN, centristes), tant les tensions internes à chaque camp sont fortes. Nous nous limiterons ici à une revue de la situation de l'opposition, parfois dure à suivre.
Les municipales parisiennes apportent chaque jour leur lot de surprises politiciennes et semblent échapper en partie au contrôle de l'entourage de Nathalie Kosciusko-Morizet. 30 % des sièges ont été en principe dévolus aux centristes de Marielle de Sarnez (MoDem) et Yves Pozzo di Borgo (UDI), grands vainqueurs des négociations. François Lebel, maire CNIP du VIIIe arrondissement opposant au mariage pour tous, figurera bien sur la liste de sa dauphine Martine Mérigot de Treigny, malgré les réticences de NKM. Dans le Ve arrondissement, Dominique Tiberi, parti en dissidence, est susceptible de succéder à son père et a attiré sur sa liste des personnalités de la société civile comme l'ancien président de l'Université Paris-Sorbonne, Jacques Soppelsa. Rejeté du Xe puis du VIIIe arrondissement, le chef d'entreprise catholique Charles Beigbeder, désormais membre de la Droite forte de l'UMP, n'a pu trouver un nouveau terrain d'atterrissage. L'impuissance persistance de NKM risque de gâcher une chance historique pour l'opposition de reprendre Paris à la gauche, que la personnalité falote et sectaire d'Anne Hidalgo (issue d'une famille de républicains espagnols) alliée aux restrictions budgétaires qui s'annoncent dans la capitale devrait rapidement conduire néanmoins au naufrage.
Les prises Bleu Marine
Pour sa part, le Rassemblement Bleu Marine (RBM) a fait quelques belles mais encore rares prises pour épauler les forces vives du Front National : les gaullistes Paul-Marie Couteaux et Philippe Martel à Paris, l'UDF Jean-Luc Schaffhauser (ancien CDS, proche de l'Opus Dei) à Strasbourg et le parfumeur Bernard Marionnaud, encarté au CNIP, à Clamart (ville PS). Sans oublier la campagne très médiatique du journaliste Robert Menard à Béziers. Pour les européennes, le RBM devrait investir le géopoliticien Aymeric Chauprade en Ile-de-France. L'utilisation de la croix de Lorraine, environnée par la flamme du FN par Florian Philippot a déclenché une polémique tant en interne (les passions de l'Algérie française ne sont pas apaisées) et surtout en externe avec une protestation solennelle des jeunes gaullistes de l'UJP (composante de l'UMP) qui souhaite faire interdire l'utilisation de ce symbole par le parti de Marine Le Pen.
Quant aux formations centristes, elles s'emboitent de façon pyramidale : le Nouveau Centre, l'Alliance centriste, la Fédération Européenne Démocrate (FED) et le Parti Radical composent l'Union des démocrates et indépendants UDI, qui a rapidement expulsé les Indépendants du CNIP et écarte désormais les libéraux du PLD. L'UDI forme désormais avec le MoDem de François Bayrou, « L'Alternative », dont le programme pourrait être confié à l'ancien député-maire UDF de Rouen, Pierre Albertini. François Bayrou a choisi de se présenter à Pau, une ville qu'il convoite sans succès depuis 35 ans.
Dans le Vaucluse, Jacques Bompard, député-maire d'Orange, recrute large : les derniers débris d'une UMP devenue groupusculaire dans le nord du département comme le révélait récemment nos confrères de Minute, et même une opposante socialiste dont il vient de faire son adjointe... Dans d'autres villes du département c'est le FN à la sauce Marion Maréchal qui récupère d'anciens élus et militants UMP.
Le député-maire souverainiste d'Yerres, Nicolas Dupont-Aignan, dont on voit mal ce qui le distingue désormais du FN, refuse d'adjoindre Debout la République au RBM. Il présentera, sans grand espoir, des listes aux européennes. En Ile-de-France, il a investi à cet effet comme tête de liste l'écrivain Dominique Jamet proche de Robert Ménard. Dominique Jamet vice-président de DLR n'est autre que le frère cadet d'Alain Jamet premier vice-président du FN.
Politisation de LMPT
Un certain nombre de cadres de la « Manif pour tous » (apparemment plusieurs centaines) ont décidé d'intégrer l'UMP via un courant reconnu officiellement par Jean-François Copé et dénommé « sens commun ». D'autres militants impliqués dans les manifestations du printemps dernier ont lancé dans plusieurs villes des Cercles Charles Péguy, patronnés par Charles Millon et qui invitent sans exclusives des parlementaires de l’UDI, de l'UMP et du FN à s'exprimer alternativement avec des intellectuels.
Enfin, de nouvelles formations voient le jour face à l'incurie des grands partis politiques. Denis Payre, entrepreneur lyonnais de 50 ans, ancien élève de l'ESSEC, a lancé le rassemblement réformateur et libéral « Nous Citoyens », qui part du constat de l'incompréhension des réalités économiques et sociales françaises par les grands partis.
La droite française est donc en pleine reconstruction sans que l'on sache très bien où tout cela va la mener en terme d'alliances et de propositions. Sans doute y verra-t-on plus clair après le 30 mars, date du second tour des élections municipales. Les diverses stratégies actuellement à l'œuvre auront ou non été validées dans les urnes. Le second test très différent aura lieu à la fin du printemps, avec le scrutin européen.
Antoine Ciney monde & vie 27 décembre 2013