La question qui agitait au début de la Semaine sainte nos politiciens et politologues attitrés était d’une importance capitale, au vu de l’état du pays : Valls fait-il de l’ombre à Hollande ? Question récurrente, surtout dans une Ve république passée au quinquennat, où les fonctions propres de chef de l’Etat et de chef du gouvernement sont devenues plus floues, ce qui ne fait qu’attiser les appétits des petits vizirs.
Il est vrai que, si on en croit les sondages, entre les quelque 18% de popularité du président de la république et les presque 60% du nouveau premier ministre, il n’y a pas photo ! Mais qu’y a-t-il de plus volatile que la popularité en démocratie, surtout en démocratie sondagière ? Il n’est pas sûr que la confiance des Français envers le nouveau locataire de Matignon se confirme semaine après semaine. Ses viriles engagements risquent fort de n’apparaître que pour ce qu’ils sont : des coups de menton inopérants sur une réalité qu’on maîtrise d’autant moins qu’on refuse de changer les règles du jeu. Comment en effet lutter contre l’atonie d’un quelconque retour à la croissance, l’augmentation du chômage et ...des déficits, la désindustrialisation aggravée du pays lorsqu’on continue de s’inscrire dans la logique mondialiste ...et « austéritaire » (comme dirait l’autre, dont les coups de menton sont tout aussi inopérants sur la pérennité des entreprises françaises) imposée par Bruxelles ? En ce sens, clamer haut et fort, comme l’a fait la gauche de la gauche, qui a réuni à Paris pour les Rameaux quelques dizaines de milliers de manifestants — quand aux Rameaux de 2013 les défenseurs de la famille en rassemblaient des centaines de milliers —, qu’avec Valls, Hollande a fait le choix de l’ancrage dans le social-libéralisme, est quelque peu naïf. M. Tsipras, candidat grec de la gauche radicale à la présidence de la Commission européenne, s’était étonné la veille, lors du lancement des européennes du Front de gauche, que « M. Hollande, qui a été puni pour une politique de droite puisse faire une politique encore plus à droite ». C’est aller un peu vite en besogne. Hollande a été tout simplement puni d’avoir mené une politique inefficace et laissé s’enfoncer un peu plus les Français dans la précarité : Valls fera autrement la même politique qu’Ayrault, puisque cette politique n’est décidée ni par le gouvernement ni même par la majorité socialiste — pas plus qu’elle n’était décidée par le gouvernement ou la majorité Ump, ou ne le serait de nouveau — mais par Bruxelles, quand ce n’est pas par Berlin, que Valls est allé docilement rassurer ce 14 avril, sur les intentions de la France à tenir ses engagements en matière de déficit, en allant rendre visite au SPD, désormais allié de Merkel. La Commission européenne nous tance pour nos déficits ? Entre Paris et Bruxelles, seul le rythme des réformes fait l’objet d’une différence d’appréciation, mais la mise en coupe réglée de la France et de son peuple, elle, relève du consensus. Nous serons sacrifiés sur l’autel de l’euro, Veau d’or de l’oligarchie européenne.
Non, du reste, que l’Europe institutionnelle ne commence à prendre peur, à quelques semaines des élections européennes. Un fort vent populiste soufflerait sur une Union dont les peuples semblent lassés d’attendre la réalisation des promesses. Aussi ne doit-on pas s’étonner de voir tout l’établissement, de Mario Draghi, président de la BCE, à Michel Sapin, le très europhile ministre des finances français, découvrir subitement le frein pour la croissance que représente un euro « trop fort ». Montebourg doit jubiler. Toutefois, les Européens, notamment les Français, victimes de la politique monétaire de Francfort — qui arrange les Allemands —, seront-ils dupes de cet enfumage ? Ils seraient bien naïfs !
D’autant que l’euroscepticisme ne touche pas que les pays membres de la zone euro. Et l’aveu — hypocrite — de Draghi ne poussera certainement pas les peuples qui n’en font pas partie à y entrer, à moins d’y être contraints et forcés par leur gouvernants, comme en janvier dernier les Lettons. C’est l’Europe en tant que telle, son arrogance et son projet totalitaire qui est de plus en plus rejeté non pas tant par des « citoyens européens » qui n’existent pas que par des citoyens de pays européens qui veulent recouvrer leur liberté face au Moloch bruxellois. Ainsi le peuple hongrois, qui a reconduit triomphalement Viktor Orban à la tête du gouvernement en plébiscitant de nouveau son parti, le Fidesz, qui conserve la majorité des deux tiers au parlement de Budapest. Ce peuple décidément incurable a même poussé l’arrogance jusqu’à amplifier le score du Jobbik, parti ultra-nationaliste, comme pour signifier à Orban son souhait de ne pas le voir dévier de sa ligne eurosceptique. Quant au Royaume-Uni, le très « europhobe » UKIP — United Kingdom Independence Party —, dirigé par le charismatique Nigel Farage, a le vent en poupe dans un pays dont la majorité des habitants souhaite, au grand dam du gouvernement comme de l’opposition de Sa gracieuse Majesté, l’organisation d’un référendum sur le maintien ou non du pays dans l’Union européenne. Alors qu’il revendique une moyenne de 28% et entend disputer la première place au Labour, l’UKIP pourrait envoyer un nombre très important d’eurodéputés à Strasbourg. « Ce qu’a fait Nigel Farage en Angleterre est une formidable leçon pour nous tous », a assuré Nicolas Dupont-Aignan, président de Debout la République, formation eurosceptique qui présente des listes dans les huit régions françaises, et auquel Farage a apporté son soutien.
Un désaveu manifeste pour le Front national, à la recherche d’alliances européennes, qui se verrait récusé en raison d’un programme économique situé trop « à gauche », pour le leader britannique, ouvertement mondialiste, alors que, dans ses grandes lignes, le FN recouvre simplement la tradition d’intervention de l’Etat propre à la monarchie capétienne comme aux débuts de la Ve république ? Or Dupont-Aignan n’est guère plus mondialiste. Le FN paie là surtout sa politique partisane de repli sur soi et son refus d’être l’initiateur d’un grand rassemblement national qui l’aurait définitivement sorti d’une logique protestataire. Et ses succès probables aux européennes ne seront pas nécessairement le signe d’un victoire future à des élections nationales. Il aura en tout cas du mal à convaincre que s’allier avec des partis sécessionnistes, dans le seul but d’obtenir un plat de lentilles au parlement européen — en l’occurrence les facilités offertes par la constitution d’un groupe —, tels que la Ligue du Nord italienne, le Vlaams Belang belge, voire avec Geert Wilders, chef du Parti pour la liberté (PVV) néerlandais, qui s’est prononcé il y a quelques années pour la scission de la ...Belgique, n’est pas propre à brouiller son message d’unité nationale.
L’Action française se prononcera le moment voulu sur les élections européennes, conformément à son habitude, en dehors de tout esprit partisan, ne choisissant que la voie la plus conforme à l’intérêt national, sans exclusive aucune.
D’ici là, elle invite tous les patriotes à retenir les dates des 10 et 11 mai prochains pour une grande réunion publique sur le thème du peuple — mis à mal tant de l’extérieur qu’à l’intérieur —, avant le défilé en l’honneur de Jeanne. Et à bientôt, dans le cadre d’une nouvelle formule !
François Marcilhac - L’AF 2884
http://www.actionfrancaise.net/craf/?Europe-des-peuples-de-moins-en