De Me Trémolet de Villers dans Présent :
"Vendredi dernier, 25 avril, la jeune famille royale de France fêtait l’anniversaire de saint Louis. La fête nationale et royale était d’abord familiale. Le roi, le chevalier, le croisé, le saintétaient, dans l’ordre de la nature, le grand-père… enfin l’aïeul, mais qu’est-ce que huit cents ans, à l’échelle de l’histoire ? Songez que Mathusalem compta cent ans de plus en une seule vie.
Nous étions à Dreux, dans le domaine royal que surplombe, au nord, la chapelle où dorment les Orléans, à l’ouest le donjon d’où Robert le Fort, avant même Hugues Capet, gardait l’Ile-de-France des invasions normandes. Ici, plus de dix siècles après, le petit prince Gaston grandit et joue là où l’ancêtre de la lignée des quarante rois qui, en mille ans, firent la France, bâtit sa forteresse.
C’est dans la chapelle royale que fut célébrée par un tout jeune prêtre, qui comme les clercs de son âge porte la soutane, la messe pour les enfants de France, enfants nés et enfants à naître. La duchesse de Vendôme, notre royale hôtesse, rayonnait de sa future maternité. Nous n’étions plus dans la commémoration d’un saint du Moyen Age mais bien dans une fête de la famille et de l’amitié, un nouveau printemps de la France. [...]
Dans la brève allocution qu’il nous donna pour célébrer la naissance de saint Louis, le Prince décrivit les activités du domaine, au premier rang desquels l’accueil des « classes difficiles » aux « âges difficiles » « des quartiers difficiles ».
Le but de ces rencontres est simple : faire des enfants des cités des enfants de la cité, en utilisant ce qui peut animer leur fierté et dépasser leurs particularismes, la prise de conscience que leur cité « est une cité royale ».
D’où l’importance extrême, la nécessité irremplaçable, que ce domaine ne soit pas un musée mais la demeure d’une famille.
Pour reprendre la paraphrase de l’Evangile, je crois que « Le saint royaume de France » est en réalité une fête de famille où, comme dans toutes les vraies fêtes de famille, il faut des amis et d’autres familles. En somme ce qu’est, dans son essence, la nation, une famille de familles.
Le dimanche suivant, le pape François, dans son homélie de canonisation de deux papes, rappelait leur enracinement dans la terre de leurs origines, Bergame pour saint Jean XXIII et Cracovie pour saint Jean-Paul II et, pour ce dernier, il le désignait comme « le pape de la famille ». « Jean-Paul II », ajoutait-il, « souhaitait que son nom reste dans l’histoire comme celui du “pape de la famille” ». Il aurait pu ajouter, mais c’était probablement sous-entendu, « et de la nation », car aucun pape, me semble-t-il, n’a autant parlé de la nation. « Je suis le fils d’une nation… »
Pour nous, à qui incombe de donner sa forme nouvelle et toujours la même à la France qui vient, ces paroles dictent la ligne d’action. C’est pour les familles, dans les familles et autour d’elles que le tissu national trouvera à la fois souplesse et solidité. Sur le plan ecclésial, il faudra que nos évêques se souviennent qu’ils sont les époux de leur diocèse et non des administrateurs de passage, sautant d’un évêché crotté à un archevêché prestigieux… et que leur diocèse est fait de paroisses qui, depuis quinze cents ans, constituent la nature profonde du « saint royaume de France ». Mais pour nous, laïcs, c’est dans les familles, les villages, les quartiers, les communes, les cantons et les pays, que nous incarnons la permanence et enfantons le renouvellement de ce royaume.
En France, chaque père de famille est roi et chaque mère est souveraine. C’est notre sens historique et vrai de la seule égalité, qui exclue toute uniformité car, si les individus sont égaux et remplaçables, les familles sont diverses, typées, irréductibles l’une à l’autre, même et surtout lorsqu’elles sont alliées. C’est la source charnelle de notre vivante fraternité et, bien entendu, c’est l’espace inaliénable de notre passion de la liberté. [...]"