Maxime Tandonnet, ancien conseiller de Nicolas Sarkozy, compare notre situation avec celle de 1958 :
"Le début de l'année 1958 marque en effet le paroxysme d'une impuissance publique qui n'a jamais cessé de s'aggraver depuis la Libération. Depuis 1954, tous les gouvernements ont échoué face à la guerre d'Algérie qui fait rage et emporte la classe dirigeante. Les enjeux sont évidemment d'une ampleur et d'une nature différentes, mais comment éviter le rapprochement avec la classe dirigeante d'aujourd'hui qui, d'une majorité à l'autre, depuis plusieurs décennies, ne parvient pas à régler les questions fondamentales de l'époque, en particulier le chômage, le déclin économique, la montée des violences?
Une grave crise de la représentation politique frappe la France de 1958 comme la France de 2014. A la fin de la IVème République, les partis politiques sont déchirés, les majorités introuvables, les gouvernements se succèdent dans un climat d'instabilité avec trois présidents du Conseil en un an. Les dirigeants donnent le sentiment de ne plus contrôler l'appareil d'Etat, l'administration, la police qui manifeste à Paris.Le discrédit de la classe politique est général, et se traduit par l'existence de puissants courants «anti-système», le parti communiste et le mouvement «poujadiste», tous deux rejetant à leur manière la mondialisation, la construction européenne et l'ouverture des frontières économiques.Comment ne pas faire le lien avec la situation de la France aujourd'hui: l'impopularité de la classe politique (11% des Français font confiance aux partis politiques selon le sondage CEVIPOF de janvier 2014) et la poussée vertigineuse de l'abstention et du vote protestataire. [...]
La France de 1958 comme celle de 2014 connaissent une crise identitaire d'une particulière acuité. 1958 est une année phare dans le processus de décolonisation et la fin de l'Empire français. En 2014, les interrogations sur l'identité de la France et son destin sont d'une autre nature mais tout aussi vives. Le pays connaît une pleine mutation et questionnement sur lui-même, autour des questions de la maîtrise des frontières, de la cohésion nationale, du modèle «multiculturel», de sa place dans la mondialisation et dans l'Europe. Cette crise se manifeste par des déchirements idéologiques extrêmement profonds et par des haines entre Français. Le débat politique était particulièrement violent en 1958 marqué par des phénomènes de stigmatisation de personnalités traitées en bouc émissaire à l'image d'un Félix Gaillard, éphémère président du Conseil président accusé de tous les maux de l'époque. La même personnalisation des rancœurs, des angoisses et des haines se retrouve aujourd'hui, quotidienne, permanente, par exemple dans «l'antisarkozisme» des années 2007-2012. [...]"