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Tribune libre : LA FIN DES HARICOTS.

Bonne initiative du Figaro qui publie de temps à autre des articles du New York Time. On peut ainsi mesurer la liberté de ton de la presse d’outre Atlantique ce qui nous change du veule conformisme de la nôtre.

Cette semaine, deux articles semblaient se répondre. Le premier signé Maureen Dowd s’intitulait "Une civilisation perdue". Constatant la décadence du parti républicain, qu’elle juge irréversible, l’auteur décrit cette organisation comme un regroupement « d’hommes blancs, arrogants, coincés, autoritaires et rétrogrades ». Elle attribue son déclin à leur refus obstiné de s’adapter à un monde où « les malades, ceux qui ont la peau noire ou mate, les femmes et les gays sont importants ». Mme Dowd n’est pas loin de considérer que le comportement obtus des républicains annonce la fin du Grand Old Party. Elle imagine les élections de 2016 avec la démocrate Hillary Clinton en conquistadora portant le coup de grâce à ces républicains dont le comportement serait celui des riches planteurs d’Autant en emporte le vent.

Il est intéressant , voire passionnant, d’analyser les arguments de ceux dont nous ne partageons pas les vues. Je ne suis pas américain et je n’ai pas mis les pieds aux Etats-Unis depuis plusieurs années, toutefois, si j’étais citoyen de ce pays les perspectives qu’ouvre Mme Dowd me préoccuperaient fortement.

Car enfin….,le parti républicain actuel avec ses insuffisances, ses balourdises, sa mauvaise foi et ses échecs rassemble un électorat attaché à des valeurs et à un passé qui, en des temps meilleurs, firent la gloire de l’Amérique. Certes, nous sommes tentés d’ajouter pour le meilleur et pour le pire ; mais ne chicanons pas. Les Etats Unis sont une grande nation et même une superpuissance grâce à des principes, à des institutions, à des hommes du temps jadis qui paraissent, malgré tout, mieux représentés par les républicains (peu prestigieux aujourd’hui) que par les démocrates (même s’il n y a pas que des imbéciles dans leurs rangs).

Néanmoins, peut-on imaginer sérieusement que pour les républicains les noirs, les malades, les femmes et tutti quanti ne comptent pas ? N’est-ce pas là un raccourci simplificateur et polémique ? La vérité est que les conservateurs américains ont du mal à s’adapter à une Amérique en pleine évolution où la majorité blanche décroit à vue d’œil et tend elle-même à devenir une des nombreuses minorités qui peuplent le pays.

Or, je ne voudrais paraître ni cruel, ni biaisé mais si l’Amérique ne devait s’appuyer que sur la compassion et n’avoir pour socle que des minorités ethniques ou sexuelles tout en tournant le dos à ses valeurs traditionnelles, il me semble qu’elle ne resterait pas longtemps une grande puissance. Maureen Dowd s’en rend-t-elle compte ? Peut être car elle dit que les républicains furent autrefois intelligents. Elle ajoute cependant aussitôt et impitoyables. Ceci peut s’interpréter comme la reconnaissance, de mauvaise grâce, que ces hommes, jadis, créèrent une société, certes imparfaite, mais dont la gloire, les succès, le prestige, la puissance ne sont pas discutables.

Les Européens voient souvent l’Amérique comme une société dont le principe fondamental serait : marche ou crève, d’où sans doute l’adjectif qu’utilise Madame Dowd impitoyable qui Nous rappelle le feuilleton Dallas. Mais cette journaliste est elle-même américaine. Si critique et caustique qu’elle soit vis à vis de ses compatriotes républicains, elle appartient à l’établissement. Sa position au sein de l’élite du journalisme américain, elle en est redevable à des hommes et à des femmes très proches de ceux qu’elle caricature si durement aujourd’hui. Ne serait-ce que parce que leurs ancêtres (et les siens aussi d’ailleurs) ont créé cet univers de liberté où elle évolue.

Même s’ils ne sont aujourd’hui que de pâles héritiers des pères fondateurs, les républicains actuels s’accrochent à un univers que les privilégiés américains auraient tort de traîner dans la boue. En effet, si l’Amérique édifiée du XVIIIème au XXème siècle devait s’écrouler ce serait bien plus grave qu’une civilisation perdue ce serait la fin des haricots et même du pop corn. Car, à mon avis le danger qui guette l’Amérique va bien au-delà du parti républicain et de ses déboires. D’autres menaces visent cette société, donc, tous les Américains y compris ceux qui étant démocrates, ont mis leurs fauteuils dans le sens de l’Histoire.

C’est ce que montre le second article qui a pour auteur David Brooks. Celui-ci est assez conservateur et défend la famille traditionnelle. Spécialiste de l’étude du phénomène bobo, il a inventé ce terme dérivé de bourgeois bohemian. Son papier s’intitule : "Après l’explosion de la cellule familiale". Il donne à réfléchir. Qu’on en juge : 30% des femmes blanches américaines n’ont pas ou ne veulent pas avoir d’enfants.

Depuis 1950, le nombre des célibataires aux Etats-Unis est passé de 9 à 28%. De 1990 à nos jours, le nombre d’Américains favorables aux enfants dans un couple est passé de 65% à 41%. En Scandinavie, 40à 50% des gens vivent seuls. Les mariages en Espagne ont baissé de 270.000 en 1975 à 170.000 actuellement. En Allemagne, un tiers des femmes ne veulent pas d’enfants. En 35 ans, au Brésil, le taux de fécondité des femmes est passé de 4,3 bébés à 1,9.

Quelles sont les causes de ces chutes vertigineuses de la démographie qui mènent rapidement les civilisations occidentales au tombeau ? Selon Brooks, il y en a deux : - L’affaiblissement du sentiment religieux ; - l’implication accrue des hommes et des femmes en des carrières exigeant du temps et du dévouement ce qui réduit ou annule le désir d’enfant.

D’après Brooks, et nous retrouvons la problématique évoquée au début, les couples mariés votent plus facilement républicain. Parmi, les célibataires ,on vote pus facilement démocrate. Dans cette catégorie, Obama cartonne contre Romney à 62% contre 35%.

Brooks pense que le choix républicain était meilleur car, pour lui : « …on vit mieux drapé dans des convictions qui transcendent les choix personnels d’ordre familial, spirituel, professionnel ou politique………….La famille est le plus sûr moyen de créer des liens….. Le modèle familial est une façon efficace d’inciter chacun à veiller sur les autres, à s’engager dans sa communauté et à se consacrer à l’avenir de son pays et du genre humain… »

Très logiquement, le journaliste en conclut qu’il faut favoriser la famille et la fécondité par des crédits d’impôts et de généreux congés parentaux. Et l’auteur, de stigmatiser ces adultes qui persistent à privilégier l’ère des possibles. (Expression américaine désignant la multiplicité des choix censés devoir s’offrir à l’individu).

Brooks a consacré un livre aux bobos, ces cadres aisés, libéraux, permissifs. Son article répond indirectement à celui de M. Dowd. Souhaitons bon courage à l’auteur. L’Amérique comme toutes les sociétés occidentales évolue vers l’urbanisation accrue, l’étiolement constant de la morale, et, la faillite économique. Dans ce contexte, vouloir favoriser la famille est une noble perspective. Elle requiert de l’héroïsme, car c’est un peu comme attendre d’un pommier qu’il produise des bananes (ou des socialistes français qu’ils entendent quelque chose à l’économie).

A moins d’un miracle, _ Mais l’auteur de ces lignes croit aux miracles, ou simplement comme Dominique Venner, en tablant sur l’Imprévu en Histoire , les carottes sont cuites (à vue humaine seulement).

Ha ! N’oublions pas non plus la petite fée Espérance chère à Péguy.

Jean Monneret

 

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