Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Vers une recomposition de l'échiquier politique en France?

européennes.jpg

Le scrutin des européennes de dimanche dernier annonce-t-il la mort des partis tels que nous les connaissons ?

Cette question, je me la posais déjà il y a plusieurs semaines et le scrutin de dimanche, qui complète celui des municipales, la rend d’autant plus intéressante.

Tout d’abord un constat évident, les partis ont évolué très largement depuis la fin des années 1990 à la faveur de l’intégration européenne et de la chute du bloc communiste. Ainsi progressivement le parti communiste a disparu pour laisser place à une coalition nommée aujourd’hui « Front de gauche » et qui est assez éloignée dans son ADN du PC historique, satellite de Moscou. Le PS, qui était déjà un produit bâtard de la SFIO et qui a entamé progressivement une dérive libérale depuis 30 ans n’est plus aujourd’hui que le très lointain descendant de l’internationale socialiste. Le PS est un parti « social-libéral » ou « social démocrate » tel qu’il en existe dans de nombreux pays d’Europe (on pensera au Royaume-Uni, à l’Italie ou à l’Allemagne où l’étiquette socialiste n’apparaît pas). Les Verts ont profité de l’importance du développement durable pour s’affirmer progressivement sur l’échiquier politique. 
A droite, l’UMP a succédé au très conservateur RPR, lui-même successeur du gaullisme. Ici aussi, la filiation gaulliste paraît assez lointaine et nous avons plutôt un parti à tendance « libéral-conservatrice » ou « libérale-sécuritaire » sur son aile droite. Le centre semble ne pas avoir trop bougé, bien que le qualificatif de « démocrate-chrétien » paraît ne plus lui convenir. Quant au Front National, son tournant social l’éloigne du parti libéral et anti-communiste des années 80 pour un faire un parti de rassemblement populaire, au-delà de la droite et de la gauche avec la souveraineté nationale et populaire comme socle. Il s‘agit d’un parti souverainiste plus que véritablement nationaliste dans le sens où il n’y a pas de conception véritablement charnelle de la nation.

Ce préalable posé, les européennes ont, malgré le fort taux d’abstention, continué de dessiner un redécoupage de l’échiquier politique. Aujourd’hui trois pôles semblent se matérialiser, un pôle progressiste à gauche, un pôle libéral-conservateur au centre-droit et un pôle populiste que l’on place habituellement à l’extrême-droite, bien que cela ne recouvre pas la réalité sociologique de ce vote. Cela devrait se traduire tôt ou tard par la disparition du PS. Europe-Ecologie paraît par exemple bien plus proche de l’électorat actuel de gauche : lutte contre les discriminations, développement durable, intégration européenne, défense des droits de l’homme, ce parti incarne le corpus de la gauche de progrès. Bien que souvent résumé comme parti de « bobos » urbains faisant du vélo et mangeant dans des resto bio à 30€ l’assiette de graines, il dispose également d’une base électorale dans le monde rural. Il faudra voir si ce parti intègre une composante « décroissante » ou si il se conforme à sa ligne actuelle d’écolo-capitalisme. A sa gauche, le FdG est plus marqué par  la lutte contre l’austérité et dispose également d’une assise populaire et rurale. Il est aussi proche d’un certain nombre d’intellectuels et de personnalités. http://www.humanite.fr/politique/1000-intellectuels-derriere-jean-luc-melenchon-494708 Le FdG va devoir assumer sa composante altermondialiste pour sortir de la crise postcommuniste que traverse son camp. C’est autour de ces deux partis et des déçus du PS que pourrait voir le jour une coalition « de gauche ». C'est-à-dire conservatrice sur le plan économique et libérale sur le plan sociétal. Une nuance toutefois, la personnalité de Manuel « El Blanco » Valls pourrait retarder l’affaire, lui qui se voit un destin présidentiel et comptera sur la vieille machine du PS, qu’il pourrait vouloir renommer, pour atteindre ses objectifs. Les Verts et le FdG vont donc devoir s‘attaquer tant au premier ministre qu’au FN s’ils veulent faire triompher rapidement leur ligne. Sinon ils devront se contenter une nouvelle fois de strapontins et de quelques cacahouètes. Leur score minable aux élections pourrait même les mettre en péril financièrement.

A droite, tout porte à croire que les affaires mettant en cause la campagne de Nicolas Sarkozy et qui ont déjà conduit à la démission de J.F. Copé, vont profiter à l’aile centriste et sonner le glas de la droite forte, c'est-à-dire des libéraux qui ne veulent pas de l’islam ni des racailles mais qui tolèrent qu’on exploite les travailleurs (hop, ça, c’est fait). Il faudra surveiller leur trajectoire, vont-ils chercher à contrebalancer le triumvirat Fillon-Raffarin-Juppé ou vont-ils tenter un exil vers le FN ? L’UDI et le Modem pourraient poser certaines conditions pour former une coalition avec l’aile modérée de l’UMP. Mais il paraît certain que la « droite » actuelle ressemble plus à l’UDF de l’époque qu’à un parti gaulliste : cette droite est européiste, libérale, conservatrice (et encore…) sur le plan sociétal. Il se peut même que l’UDI et le Modem profitent dans un premier temps des déboires de l’UMP. C’est aujourd’hui le centre qui pourrait attirer la « droite », renforcé par l’échec de la « droite forte » et la montée irrésistible du FN.

Ce dernier, qui est bien plus que la droite « de gouvernement » dans la tradition bonapartiste, doit maintenir sa stratégie « ni droite, ni gauche » pour éviter de se transformer totalement en une sorte de nouveau RPR. Il doit tenir cette ligne pour ne pas perdre les déçus de la gauche, qui ne trouvent pas dans le discours actuel des réponses à leurs préoccupations identitaires et qui cherchent à être protégés face à la mondialisation. La gauche a commis l’erreur de confondre le progrès des travailleurs avec le progressisme (la religion du progrès). Elle s’est donc mise à dos son électorat populaire qui se sent menacé par ceux-là même qui auraient dû la défendre. Cette évolution explique qu’on soit passé d’une gauche des travailleurs à une gauche de la bourgeoisie et du fonctionnariat. Le FN doit se poser comme une force antimondialiste (et non alter), ce qui sera sa plus grosse bataille avec le FdG (en dehors des simagrées sur le fascisme et le racisme dont tout le monde se balance). La « démondialisation » ne doit cependant pas rimer avec l’acceptation de l’ordre économique capitaliste. La réindustrialisation ou la lutte pour « les parts de marché » et le « pouvoir d’achat » ne sont pas des signes très positifs qu’envoie le FN dans la lutte contre le Leviathan capitaliste. Par exemple, le problème ce n’est pas « l’Europe », c’est le fait que l’UE soit capitaliste. Il faut clairement inventer un nouveau système, post-capitaliste, dont l’enracinement et le localisme peuvent être deux éléments clefs.

Il faudra également analyser dans ce contexte comment se distribue l’électorat d’origine immigrée qui est puissamment travaillé par les réseaux d’EELV et du FdG alors même que leur conservatisme pourrait les pousser au centre-droit. Il en est de même pour les participants à la Manif pour Tous qui aimeraient s’agréger à un bloc de centre-droit « démocrate-chrétien » qui assume sa différence sur les valeurs face à la gauche. Ces conservateurs sont pour la plupart hostiles au FN, soit par intérêt de classe soit parce que l’Eglise condamne tout simplement le FN comme un parti du rejet et du repli.

Nous assistons donc à une recomposition de l’échiquier politique. Mais cette recomposition couve en réalité depuis le début des années 2000. Paradoxalement, le 21 avril 2002 aura servi les intérêts du PS et le passage furtif de Sarkozy aura ralenti ce mouvement. Seul Manuel Valls paraît être aujourd’hui en mesure de retarder les ajustements que nous percevons (souvenons nous du score de Bayrou en 2007 et de celui d’EELV aux européennes de 2009). Les mouvements de la périphérie politique ne peuvent pas se permettre d’avoir une lutte de retard, il n’y a pas plus de dictature socialiste que de « péril fasciste ». Il y a des libéraux qui se séparent en deux familles et des souverainistes-populistes autour du FN. Le socialisme historique est mort et n’existe même plus à l’extrême-gauche. En sommes, si on additionne FN + DLR , UMP + UDI/Modem et PS + EELV + Fdg nous obtenons à chaque fois environ 30%.

Jean/C.N.C

http://cerclenonconforme.hautetfort.com/

Les commentaires sont fermés.