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Spinoza

Spinoza fut avant tout un solitaire. Juif exclu de sa communauté, il ne devint pas chrétien pour autant. Cependant, son œuvre appartient totalement à la philosophie occidentale puisqu'il est dans le prolongement de la pensée platonicienne à la recherche de « La Vérité » et en identifiant le vrai et le bien. Ayant été nourri au cartésianisme, en restant un rationaliste et même en faisant l'apologie de la raison, il s'en distingue sur certains points. À la différence du Français, il a mis en place une doctrine morale et politique influencée par la société dans laquelle il vivait, c'est-à-dire la Hollande du XVIIeme siècle. Dans ce pays existait une cohabitation de religions différentes. Il n'y avait pas de religion officielle, si ce n'est dans les faits celle de l'argent et du commerce. À la différence de Pascal son contemporain, sa philosophie célébrera la joie.

L'Ethique

C'est le livre le plus important de Spinoza. Le livre est divisé en cinq parties.

La première partie concerne Dieu. Celui-ci est substance qui est constituée par les attributs (propriétés perçues par l'entendement). Dieu est infini.

« Tout ce qui est est en Dieu et rien ne peut sans Dieu être ni être conçu ». Dieu s'identifie à la Nature. « Deus sive Natura ». C'est-à-dire que Dieu est la Nature qui crée et tout ce qui existe vient de lui. « Natura naturans et natura naturata ».

D'une façon similaire à Platon qui distingua la doxa et l'épistémè ou plus tard Hegel qui distinguera plusieurs étapes de la connaissance, Spinoza distingue trois sortes de connaissance :

  • l'opinion par ouï-dire ou l'imagination, qui engendrent des idées confuses,
  • la raison qui opère de façon déductive,
  • la science intuitive qui connaît à partir de l'idée de Dieu.

Dans la troisième partie de l'Ethique, Spinoza traite des affects de façon iconoclaste comme le désir, la joie et la tristesse ...

La conception du bien et du mal qui accroit ou diminue la puissance inspirera Nietzsche.

La liberté consiste dans la connaissance de la nécessité. Connaître nous libère des affects. L'activité de l'homme doit donc être la connaissance vraie et même la connaissance de Dieu.

La morale, la politique

Rationaliste, Spinoza le sera aussi dans sa conception de la morale et de la politique. La conception du désir par exemple se différencie de Platon pour qui le désir était un manque. « Le désir est l'essence même de l'homme, en tant qu 'on la conçoit comme déterminée, par la suite d'une quelconque affectation d'elle-même, à faire quelque chose ». (Ethique)

Nous désirons ce que nous sommes. Le désir nous réalise. Cette conception spinoziste s'oppose aussi à la vision chrétienne pour qui le désir était péché.

Le désir chez Spinoza devient puissance.

La liberté sera aussi réinterprétée d'une façon différente de Descartes. Chez le Français, l'âme était le siège d'une volonté, le « libre-arbitre ». Pour Spinoza, il n'y a là qu'illusion.

Les hommes ignorent les causes qui les déterminent à agir. « Les hommes se trompent en ce qu 'ils se pensent libres, opinion qui consiste seulement en ceci, qu 'ils sont conscients de leurs actions, et ignorants des causes qui les déterminent. Donc cette idée qu 'ils ont de leur liberté

vient de ce qu 'ils ne connaissent aucune cause de leurs actions. Car ce qu 'ils disent, que les actions humaines dépendent de leur volonté, ce sont des mots dont ils n 'ont aucune idée ». (Ethique)

Lorsque les hommes sont indécis, c'est que des forces contraires les font hésiter.

La conception spinoziste sur le mal influencera en partie Nietzsche. Aucune chose n'est mauvaise en soi. Elle sera interprétée comme mauvaise car elle nuira ou détruira une autre.

De même, le bien est relatif ou subjectif. « La musique est bonne pour le mélancolique, mauvaise pour le désespéré et ni bonne ni mauvaise pour le sourd ».

Comme le disaient déjà Socrate et Platon, le mal est lié à notre ignorance. L'ignorant peut croire au bien et au mal. « La connaissance du mal est une connaissance inadéquate ». (Ethique).

Quant au mal absolu, la mort, Spinoza a une position similaire à celle que prendra Sartre. Philosopher ne consiste pas à méditer sur la mort. « L'homme libre ne pense à rien moins qu 'à la mort, et la sagesse est une méditation non de la mort, mais de la vie ». (Ethique).

À la différence de Descartes, très prudent sur les questions politiques, Spinoza défendra la liberté et le refus de la tyrannie. Il prône la communauté des hommes libres : l'Etat doit organiser la sécurité et la liberté des individus. « La fin de l'Etat n'est pas de faire passer les hommes de la condition des êtres responsables à celle de bêtes brutes ou d'automates, mais au contraire il est institué pour que leur âme et leur corps s'acquittent en sûreté de toutes leurs fonctions, pour qu'eux-mêmes usent d'une Raison libre ». (Traité théologico-politique).

« L'homme est un Dieu pour l'homme ». Les hommes doivent vivre sous la conduite de la raison.

On retrouve aussi chez Spinoza des idées qui seront reprises par les économistes classiques anglais. L'égoïsme de chacun est utile pour tous. « C'est quand chaque homme recherche au plus haut point ce qui lui est utile que les hommes sont le plus utiles les uns aux autres ». On rejoint à la fois à la fois le libéralisme et l'individualisme.

De la même façon, plus on est joyeux, plus on transmet sa joie aux autres.

Le philosophe prône donc la joie opposée à la tristesse qui ne nous apprend rien, et l'amour face à la haine.

Une autre façon d'unir les hommes est la recherche de la Vérité puisqu'elle est commune à tous les hommes, à la différence des opinions qui les divisent.

Spinoza condamnait l'Utopie, mais il y avait dans sa doctrine une « croyance » en la Raison.

Pour lui, connaître ses passions permet de les maîtriser. Fidèle à la tradition philosophique, la connaissance libère l'homme et lui fait acquérir la sagesse.

Patrice GROS-SUAUDEAU

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