La France et l’Europe vivent à l’heure de la tyrannie médiatique. L’opinion y est façonnée par les grands médias qui infligent leur rythme, dictent leur idéologie et véhiculent les préjugés dominants. Ainsi, les informations adressées aux citoyens et aux agents économiques tendent à imposer, par leur nature, une vision déformée de la réalité.
Le phénomène ressemble à la réfraction de la lumière décrite par les physiciens : un rayon lumineux change d’orientation quand, après traversé une couche d’air, il traverse un liquide ; c’est ainsi qu’un pinceau nous paraît brisé lorsque son plumet est plongé dans l’eau. A la réfraction de la lumière répond la réfraction de l’information : il n’y a pas d’événement indépendamment de celui qui en rend compte. Avant d’accéder à un auditeur, un spectateur ou un lecteur, un fait brut est traité par le média qui le diffuse et impose tout à la fois :
- Son tempo ;
- Sa grille d’analyse idéologique, généralement en phase avec le conformisme dominant (antiracisme, mondialisation, repentance, rupture de la tradition) ;
- Ses angles d’approche de l’événement, la focalisation, la marginalisation, voire l’occultation de l’information.
- Son vocabulaire, simplificateur mais aussi signifiant au regard du politiquement correct ;
- Les intérêts particuliers – électoraux, économiques ou publicitaires – qu’il défend. Informer, c’est porter à la connaissance d’autrui des faits précis, si possibles exacts et vérifiés, mais aussi replacés dans leurs contextes, notamment historique et géographique. Ce travail est long et compliqué pour celui qui informe... et parfois rébarbatif pour celui qui est informé. Mais tel est le prix d’une véritable démarche journalistique.
Communiquer, en revanche, implique de scénariser et théâtraliser des données – vraies ou fausses – dans un but idéologique, politique ou commercial. De même que la mauvaise monnaie chasse la bonne (loi de Gresham), la communication sature et remplace l’information : on l’a vu, durant la campagne présidentielle française de 2012, lorsque les équipes des candidats en meeting filmaient leurs propres images, avant de les distribuer aux grandes chaînes, réduites au rôle de simples relais de communication ! Comment traiter un sujet de manière indépendante, voire originale, si l’on ne maîtrise pas la sélection et la production du contenu ? La réponse est simple : ce n’est pas possible.
Commercialement, le marché de la communication est beaucoup plus important que le marché de l’information. L’offre y est plus importante notamment grâce à l’explosion des budgets com’ des organismes publics et des entreprises. En outre, la communication exige moins d’efforts pour le consommateur : plus facile à avaler que l’information, elle est plus distrayante et correspond aux exigences du « story telling » - ces contes pour (grands) enfants.
Le remplacement de l’information par la communication participe de la marchandisation du monde. Elle est aussi un moyen de le changer puisque l’information transformée en communication n’est plus gouvernée par des règles éthiques de véracité, mais par des jeux de puissance et des règles de marketing, adoptées dans l’objectif de distraire des clients ou de servir les intérêts idéologiques, politiques ou commerciaux des commanditaires.
A titre d’exemple, une grande marque d’automobile n’accordera pas de publicité à un journal souhaitant faire une enquête « anxiogène » sur les accidents de la route... En revanche, elle achètera une double page ou un spot de 50 secondes si les journalistes se rabattent sagement sur un sujet ludique vantant les mérites des grosses berlines ou les joies de la conduite sportive. Pour un patron de rédaction dépendant des actionnaires, le choix est alors vite fait entre l’information et la communication. Et le pigiste de bonne volonté peut aller faire des avions en papier avec ses statistiques routières.
http://www.oragesdacier.info/2014/06/a-lire-la-tyrannie-mediatique-de-jean.html