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C’est maintenant une crise sociale qui menace l’Europe

 

Par Guntram B. Wolff et Zsolt Darvas

Cet article est basé sur une note de synthèse rédigée conjointement par les deux auteurs, présentée aux ministres des Finances de l’UE lors de leur entrevue informelle de l’Ecofin à Athènes.

Image du film L’arroseur arrosé, de Louis Lumière, 1895

Au cours de ces dernières années, la politique économique européenne s’est concentrée sur la crise des dettes souveraines et sur la fragmentation du système financier. Mais une menace encore plus dangereuse pèse sur l’Europe : le risque de la fragmentation sociale qui pourrait bien se transformer en une révolte contre les élites politiques, contre l’intégration européenne, les marchés ouverts et mondiaux, et finalement contre l’euro.


La confiance dans l’UE et dans les gouvernements nationaux en général s’est affaiblie dans tous les pays depuis 2008, et particulièrement à Chypre, en Espagne, en Grèce et au Portugal. Plus de 6 millions d’emplois ont été perdus dans l’UE depuis 2008 et la paupérisation a considérablement augmenté dans les pays les plus touchés, en particulier chez les jeunes.

Le chômage mine la croissance en raison de la perte de compétences professionnelles importantes. En particulier, le chômage des jeunes a un impact négatif durable sur la productivité, la santé et les performances éducatives. Les pays du sud de l’Europe et les Etats baltes, qui ont été les plus durement touchés par la crise, avaient déjà des niveaux élevés d’inégalités de revenus avant la crise. Afin de compenser ces inégalités, certains ménages s’étaient excessivement endettés et ce surendettement continue de nuire à la croissance.

La première priorité en Europe est la réforme des systèmes nationaux de Sécurité sociale. Par exemple, la Grèce et l’Espagne, qui utilisaient autour de 16-18 % de leurs PIB respectifs pour la protection sociale avant la crise, n’ont réduit leurs inégalités de revenus que de 20 % alors que dans le même temps, le Danemark et la Suède les ont réduites de 45 % avec la même proportion de dépenses sociales. De toute évidence, des gains d’efficacité significatifs sont possibles pour le modèle social « méditerranéen », y compris en France.

Concernant l’effort de la consolidation budgétaire, les niveaux des retraites et les dépenses en faveur des personnes âgées ont été préservés pendant la crise, alors que les budgets pour l’éducation, les familles et les enfants ont été coupés de façon substantielle. Revoir la distribution des coupes budgétaires est indispensable pour réduire la fracture grandissante entre les générations.

La seconde priorité en Europe est la gestion adéquate de la demande. Alors que la consolidation budgétaire dans les pays en crise était inévitable, l’UE n’a pas mis en place de politique pour compenser la baisse de la demande en Europe. La zone euro en particulier a besoin de trouver des façons d’accroître la demande en Allemagne et dans les autres pays disposant de marges de manoeuvre budgétaires.

Pour éviter une politique budgétaire restrictive en pleine crise, l’UE doit mettre en place une union budgétaire, qui pourrait prendre la forme d’un régime d’assurance-chômage commun. Une étape intermédiaire pour accroître la demande serait de lancer des projets communs d’infrastructures financés par des euro-obligations.

Enfin, les systèmes fiscaux doivent être revus. En particulier, l’idée selon laquelle des taux d’imposition marginaux plus faibles sur les tranches supérieures des revenus se traduiraient par une meilleure productivité est fausse. L’augmentation des droits de succession et de certains impôts sur la fortune permettrait de transférer une partie du fardeau de la résolution de la crise sur ceux qui ont été le moins touchés.

L’Europe a surmonté la crise financière la plus grave depuis la Seconde Guerre mondiale. Pourtant, l’incapacité à régler la crise sociale mine les efforts pour stabiliser la dette, assombrit les perspectives d’avenir des jeunes générations et réduit progressivement le soutien à un projet d’intégration transnationale unique dans l’Histoire. Une révolte sociale pourrait bien rejeter la mondialisation et saper les bases de notre prospérité.

Les Echos

 

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