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Entretien dans L’AF 2887 avec Yannick Jaffré sur "Vladimir Bonaparte Poutine"

Entretien avec Yannick Jaffré, auteur de "Vladimir Bonaparte Poutine" chez Perspectives libres, 2014.

Il est également président du Collectif Racine (FN). 

L’AF 2887 - Pourquoi vous êtes-vous intéressé à Vladimir Poutine ?

Yannick Jaffré - J’ai voulu pratiquer un billard à trois bandes historique entre la France consulaire, qui succède à l’épisode du Directoire (marqué par un capitalisme erratique, une ploutocratie qui prospère, un État abaissé dans son autorité, des mœurs commotionnées), la Russie post-soviétique qui a connu, à mon sens, une situation analogue sinon tout à fait identique, et puis, enfin, notre situation présente. Nous oublions aujourd’hui que nous avons eu besoin d’un Bonaparte. Les Russes ont le leur en Poutine. Nous le leur reprochons depuis le confort de nos démocraties libérales atones. Ce confort précaire nous fait perdre de vue les exigences de l’Histoire, de l’incarnation personnelle d’une nation par un chef, les efforts et les patiences qui ont été nécessaires pour que se forment nos États de droit. En outre, je ne cacherai pas à vos lecteurs mes sympathies particulières : j’ai de l’affection pour la grande nation russe, dont je parle un peu la langue et où j’essaie de me rendre aussi souvent que je le peux. J’aime sa littérature, j’aime son peuple, j’aime son histoire. Et puis, il y a le style personnel de Poutine, qui m’a intrigué d’abord, a stimulé ma réflexion ensuite, a rencontré chez moi des affinités éthico-politiques, enfin. A n’en pas douter, l’homme a du style, un style que l’on caricature à l’envi en Occident alors qu’il est un personnage beaucoup plus subtil et dialectique qu’on ne le pense. J’ai souvent l’occasion de rappeler que sa qualité de juriste est au moins aussi importante pour en dresser le portrait que sa trajectoire au KGB. Il a le sens du raisonnement et des formes, pas seulement celui des rapports de force.

Au-delà de l’intérêt personnel que vous portez à Vladimir Poutine, qu’en est-il de l’intérêt français ? La politique de Poutine lui est-elle favorable ? La France doit-elle s’allier à la Russie ? Marine Le Pen, que vous soutenez, vous semble-t-elle favorable à une telle alliance ? 

Je crois qu’il est de l’intérêt de la France de se rapprocher de la Russie pour de nombreuses raisons : sa profondeur continentale et énergétique, le contrepoids qu’elle forme face à l’atlantisme dans lequel nos élites nous font plonger, son modèle économique plus productif, territorial, colbertiste, la part essentielle qu’elle prend à la constitution d’une véritable multipolarité. Celle-ci correspond d’ailleurs au destin de la France, qui est d’être une puissance intermédiaire défendant ses intérêts propres, toujours, en s’appuyant souvent sur le droit des autres nations à la conduite souveraine de leurs affaires. La France a besoin de la multipolarité contre les logiques impériales. Il ne s’agit donc pas pour la France de s’arrimer à la Russie mais, dans son intérêt, de s’allier librement à elle pour renouer avec sa propre vocation. Je ne parle ici qu’en mon nom propre. Marine Le Pen, qui s’apprête à exercer la fonction suprême, est une personnalité aussi libre que la France souveraine qu’elle veut faire renaître. Mais je peux dire qu’elle est une amie de la Russie. Elle a très récemment affirmé que Vladimir Poutine était un patriote défendant les intérêts de son pays et de son peuple. J’ajoute qu’il le fait sans messianisme ni démesure.

Peut-on considérer Vladimir Poutine comme un "monarque" ? 

Non, c’est un prince républicain. Il a été capable de coups de force qui attirent au chef cette légitimité charismatique qui n’est ni la légitimité légale, ni la légitimité traditionnelle, pour reprendre la tripartition de Max Weber. Il se situe quelque part entre Machiavel et Hobbes, Bonaparte et De Gaulle. Il conduit l’État, de manière très incarnée, choquant la bien-pensance libérale-démocrate occidentale, restaure un principe d’autorité issu de l’histoire dans les conditions de la modernité libérale, comme l’a fait Bonaparte par rapport à l’Ancien régime. Poutine s’inscrit ici dans la longue durée russe alors que nos élites politiques, nos chefs de l’État eux-mêmes, nous éloignent chaque année davantage de la continuité nationale française. Sans doute aiment-ils la France, je ne sonde pas les cœurs, mais alors qu’ils l’aiment mal ! Comme ces hommes qui battent leur femme en protestant de leur amour... J’aspire pour la France à de nouvelles élites qui respectent sa personnalité propre, sa trajectoire historique, son droit souverain et ses intérêts présents.

Propos recueillis par Stéphane Blanchonnet - L’AF 2887

http://www.actionfrancaise.net/craf/?Entretien-dans-L-AF-2887-avec

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