Au lendemain des élections européennes, de nouveaux éléments de l'affaire Bygmalion - qu'il finira sans doute par être plus exact d'appeler l'affaire UMP... - sont venus troubler le parti de l'ancien président Nicolas Sarkozy. Et avec lui, une proportion non négligeable de ses militants. Au point de pousser Jean-François Copé, et toute son équipe dirigeante, à la démission, au profit d'un triumvirat pas totalement désintéressé.
Des fausses factures. Encore. La pratique en est devenue tellement banale qu'on s'étonnerait presque de voir ce nouveau scandale avoir quelque conséquence que ce soit. Et pourtant, ce ne sont pas les responsables socialistes qui sonnent le plus l'hallali. Pour cela, il y a toujours mieux : les amis de (plus ou moins) trente ans !
Curieusement, l'affaire, dont on sait depuis le début de l'année qu'elle a essentiellement consisté à surfacturer des prestations lors de la dernière campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy, semble n'atteindre que peu l'ancien chef de l’État, toujours assez peu visible.
Jean-François Copé, c'est autre chose. D'abord, le député-maire de Meaux a eu l'extraordinaire indélicatesse de l'emporter sur François Fillon lors de la bataille pour la présidence du parti. Et ensuite, il se trouve être un proche de Guy Alves et Bastien Millot qui, il y a six ans, ont créé l'agence de communication Bygmalion.
Or, le mois dernier, on apprend que, au cours de la campagne présidentielle, l'UMP a payé quelque 20 millions d'euros à ladite agence pour une série d'événements, dont certains n'auraient jamais eu lieu...
Pour sa défense, Bygmalion affirme, par la voix de Me Maisonneuve, s'être vu imposer lesdites factures litigieuses à la demande de la direction de l'UMP. Si on y ajoute la confession télévisée de Jérôme Lavrilleux, directeur de cabinet de Jean-François Copé à l'UMP, mais aussi ancien directeur de campagne adjoint de Nicolas Sarkozy, la concomitance devient plus que gênante. Même si l'homme, visiblement prêt à craquer, avoue un simple dérapage, mais nie toute volonté de détournement. « Il n'y a pas eu d'enrichissement personnel. » La justification mitterrandienne a fait du chemin...
Et c'est ainsi que Jean-François Copé peut encaisser ce qu'il appelle un « choc considérable ». En affirmant à qui veut l'entendre et le lire que son « intégrité est totale ».
Cela dit, il entend prendre ses responsabilités - à moins qu'il ait compris qu'on lui pardonnerait difficilement de ne pas les prendre... - et démissionne. Responsable mais pas coupable. La référence est toujours et encore socialiste...
Magouilleur, menteur ou naïf ?
Si Copé n'a pas menti, c'est presque plus grave aux yeux des militants. Être patron de l'UMP, et n'être pas au courant, c'est pire que d'y avoir trempé les mains. On pardonne éventuellement (assez habituellement en fait) aux politiques d'être des fripouilles ; jamais d'être des naïfs.
Mais peut-être ment-il ? Pour François Fillon, c'est l'évidence. L'ancien premier ministre sonne la charge, profitant de l'assemblée générale de son micro-parti, Force républicaine, pour dénoncer les « turpitudes » de la présidence Copé.
En trois mots, il a tout rasé, détruit : « Problème de leadership, problème de projet politique, problème d'éthique. » Sans oublier un « fond de disputes fratricides et de coups tordus ». Un bilan d'un an et demi qu'il résume en décrivant un parti « en crise et en position de faiblesse ». Et, pour corroborer ses dires et enfoncer le clou, François Fillon assure que la victoire de la droite aux élections municipales n'est pas due tant au travail de Jean-François Copé qu' à la faiblesse de la gauche. C'est dire !
Pas même sûr à ce rythme que, à l'avenir, on confie encore quoi que ce soit à Jean-François Copé. Pas même la tête de liste pour les municipales à Meaux.
En attendant, il convient, affirme l'actuel député» de Paris, de « sauver l’UMP de la disparition », la formule a sans doute le mérite d'avertir tout danger d'un retour du président déchu de l'UMP.
Mais aussi celui de redorer le blason de celui qui avait dû se contenter d'un fauteuil de député, fut-ce de la capitale...
« Sauver l'UMP de la disparition » ? Ça tombe bien, puisqu'il fait partie des trois hommes, trois anciens premiers ministres, avec Jean-Pierre Raffarin et Alain Juppé, chargés de constituer le triumvirat en attendant que le congrès, qui ne se réunira pas avant l'automne, décide d'un nouveau président.
Là encore, c'est délicat. Si Fillon et Juppé voient bien Raffarin en Crassus, tout deux rêvent d'être César. Ce qui en définitive pourrait peut-être profiter à Crassus...
Sarkozy en embuscade ?
Enfin, si le triumvirat existe effectivement. Nicolas Sarkozy semble en effet trouver qu'il serait temps de se rappeler au bon souvenir de ces messieurs. Ses proches du moins. Nadine Morano conteste ainsi - et elle n'est pas la seule - la légitimité de ce triumvirat, qui serait contraire aux statuts de l'UMP. Pour les respecter, il convient que ce soit le vice-président qui tienne les rênes jusqu'à la tenue du congrès. À savoir Luc Chatel. Qui, apparemment, n'en demande pas tant.
En attendant, Claude Guéant ou Brice Hortefeux font chorus. Sans s'interroger plus que les autres, sur la volonté réelle de l'ancien président de la République. Faut-il passer par la rue de Vaugirard pour retrouver l'Elysée ? Et faut-il retourner à l'Elysée ?
François Fillon ne veut manifestement pasattendre la réponse à ces questions. Il a décidéd'attaquer frontalement pour que l'ancien chef del'Etat ne lui barre la route ni de l'UMP cetteannée, ni de l'investiture en 2017.
Hugues Dalric monde &vie 11 juin 2014