C’est une question que se posent économistes et travailleurs au moins depuis la Révolution industrielle. Et dans le passé, la réponse était généralement un «non» franc et direct…
L’innovation est censée être le remède au marasme économique. Et si au contraire elle en était la cause ? Plus précisément : serait-il possible que l’incessante automatisation touchant tous les secteurs, des usines au commerce de détail en passant par le journalisme, ne détruise davantage d’emplois qu’elle n’en crée ?
C’est une question que se posent économistes et travailleurs au moins depuis la Révolution industrielle. Et dans le passé, la réponse était généralement un «non» franc et direct.
Certes, l’automatisation rend obsolètes certains emplois humains peu qualifiés, mais elle introduit aussi de nouvelles catégories d’emplois qui le sont à l’extrême, des ingénieurs aux gestionnaires d’équipement en passant par le secteur de la banque et du blogging. Son principal effet est d’augmenter la productivité, ce qui est supposé relever le niveau des revenus et stimuler la demande de nouveaux produits et services.
Le progrès technique a-t-il changé de nature ?
Pourtant, la reprise économique sans emplois que nous connaissons en ce moment ainsi qu’une tendance à plus long terme vers les inégalités de revenus et de richesses poussent certains intellectuels à se demander si la dernière vague d’automatisation n’est pas différente de celles qui l’ont précédée.
Andrew McAfee et Erik Brynjolfsson, chercheurs au Massachusetts Institute of Technology (MIT), ne sont pas les seuls à voir un «grand découplage» entre la productivité et les salaires, et ce depuis 2000 environ, à mesure que la technologie distance la formation et les aptitudes humaines
En d’autres termes, les salariés sont en train de perdre la course entre éducation et technologie. Ce qui pourrait être en train d’exacerber une tendance plus ancienne, où depuis les années 1970, le capital a pris le dessus sur le travail.
Remplacer les travaux manuels par des machines dans les exploitations agricoles et les usines était différent, s’inquiètent certains. Ces machines, stupides et extrêmement spécialisées, nécessitaient d’être supervisées par des humains à toutes les étapes de leur fonctionnement. Mais le XXIe siècle est témoin de l’avènement d’appareils bien plus intelligents, capables d’accomplir des tâches dont on pensait autrefois qu’elles ne pourraient jamais être automatisées.
«Chômage technologique»
Les logiciels d’aujourd’hui peuvent répondre à vos appels, organiser votre agenda, vous vendre des chaussures, vous conseiller un film et vous adresser des publicités ciblées. Les logiciels de demain diagnostiqueront vos maladies, écriront les articles de vos journaux et iront jusqu’àconduire votre voiture.
Lorsque même les professions intellectuelles hautement qualifiées risquent de se voir remplacer par des machines, quels emplois humains peut-il encore rester ? Ceux du domaine de la politique peut-être et, naturellement, de l’entrepreneuriat et du management. En d’autres termes les riches vont devenir plus riches, et le reste d’entre nous sera laissé pour compte.
Tout cela a ramené le concept de «chômage technologique» dans le discours universitaire, et ce quelque 80 années après que John Maynard Keynes en a inventé l’expression. Le 6 août dernier, Pew Research et Elon University ont publié un rapport intitulé «AI, Robotics, and the Future of Jobs» [Intelligence artificielle, robotique et avenir des métiers].