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La dépense publique, cet amortisseur si français

Le fait d’amortir la crise permet en revanche de maintenir la paix sociale.

Les chiffres sont éloquents et François Hollande les a confirmés lors de sa conférence de presse jeudi: avec un déficit budgétaire attendu de 4,4% de son PIB en 2014, et de 4,3% pour 2015, la France est loin d’avoir rectifié le tir en termes de dépenses publiques, comme l’exige le pacte de compétitivité, ou «pacte euro-plus» signé en mars 2011 par les pays membres de la zone euro.

Après avoir, dès 2012, demandé à Bruxelles un premier report jusqu’en 2015 pour atteindre les fameux 3% requis, Paris parle maintenant de 2017. Motifs: la trop faible inflation qui pèse sur les rentrées fiscales, la stagnation de l’activité économique avec 0,4% de croissance, et la nécessité réaffirmée d’une politique d’investissement, en particulier dans le numérique.

«Nous ne pouvons pas à la fois redresser les comptes publics et la compétitivité», a répété hier [jeudi 18 septembre 2014] le président Français, en promettant de convaincre ses pairs européens lors du sommet de la zone euro, le 24 octobre. Avec deux promesses en contrepartie: ne pas renégocier ou détricoter quoi que ce soit, mais utiliser les «flexibilités» communautaires existantes. Et celle de réduire les dépenses publiques Françaises de 50 milliards d’euros en trois ans, comme il s’y est engagé.

Que penser, vu le ralentissement généralisé de l’activité économique au sein de la zone euro – dont le PIB a stagné au second trimestre 2014 après un recul de 0,2% au premier – de ce nouvel écart dont la France est si coutumière? Faut-il s’alarmer du niveau du déficit de l’Etat français, à 84,1 milliards d’euros (contre 80,8 milliards un an plus tôt) pour un total de dépenses de 233,5 milliards?

La réponse est malheureusement oui. Car, contrairement aux affirmations présidentielles et à celles du premier ministre Manuel Valls, la France n’est pas confrontée aujourd’hui à un accident budgétaire dû à la crise et à des dépenses exceptionnelles liées aux «investissements d’avenir».

Elle paie, au contraire, le prix d’un dangereux et durable dérapage structurel dû à la volonté politique des présidents successifs de ne pas effectuer de coupes budgétaires brutales pour préserver son «modèle social». François Hollande a d’ailleurs averti: «Qu’on ne nous demande pas de faire en cinq ans ce que l’Allemagne a fait en dix ans !»

Pas question, donc, de remettre en cause les coûteux «amortisseurs» hexagonaux qui permettent à beaucoup de s’en tirer malgré la crise. A commencer par l’assurance chômage, dont la Cour des comptes a récemment reconnu la quasi-faillite: 18 milliards d’euros de déficit en 2013 contre 5 milliards en 2008…

Cette incapacité à ramener le déficit budgétaire en dessous de 3% du PIB, peut se justifier, entend-on à Paris.

Elle explique la relative tranquillité sociale du pays, où le seul coup de colère grave de ces deux dernières années a été celui des Bonnets rouges, ces protestataires bretons prêts à en découdre contre les projets de fiscalité écologique et les licenciements dans l’agroalimentaire. «Les Français grognent, se plaignent, mais restent calmes», note un conseiller au Ministère de l’économie.

Le ministre du Travail François Rebsamen, qui avait évoqué le projet de contrôler davantage les chômeurs – un simple clic sur Internet permet de proroger le statut d’allocataire – a sans surprise mis ses propositions en sourdine. Comme si l’Hexagone pouvait continuer à faire du «gras» social sans que son surpoids budgétaire ne gêne ses partenaires…

Une illusion française de plus? Oui et non. Et c’est là que les choses se compliquent. Dans le contexte d’une course mondiale à la compétitivité, le niveau d’imposition et le climat social français s’avèrent à l’évidence décourageants pour les entrepreneurs tentés de ne pas embaucher, voire d’émigrer.

Vu de l’étranger, plus l’Etat Français dépense, plus le pays perd des points dans la mondialisation. Pire: ce nouveau dérapage des dépenses publiques empêche toute prise de conscience puisque l’Etat, bon gré, mal gré, continue de payer…

Pourquoi la France, alors, n’en tire-t-elle pas les conséquences? La réponse était hier contenue dans l’ambiguïté présidentielle.

La première raison, conjoncturelle et évoquée par François Hollande, tient au fait que Paris, actuellement, profite de taux d’intérêt à dix ans historiquement bas, inférieurs à 2%.

Second facteur: les responsables Français entendent profiter des circonstances plus que les provoquer.

Leur calcul est opportuniste: si l’Allemagne investit massivement et que l’Union européenne fait de même, la France se retrouvera selon eux, et malgré son déficit, bien placée pour en tirer les bénéfices. Attendre que la vague revienne pour espérer surfer: tel est le pari du duo Hollande-Valls. Comme il fut celui de leurs prédécesseurs.

La troisième raison, enfin, tient à une réalité économique cachée dans une autre étude de la Cour des comptes, selon laquelle 20 à 25 milliards d’euros échappent chaque année à la sécurité sociale française. Or, qui sont ces fraudeurs? Des chômeurs qui travaillent au noir, des patrons qui paient désormais les heures sup en liquide, des autoentrepreneurs qui abusent du système. Tous sont actifs. Tous créent, à un petit niveau, de la richesse. Tous s’ingénient à contourner le système. Tous complètent leurs revenus, ou leurs allocations, par des «extras» et par une débrouille… compétitive.

La société, droguée aux dépenses publiques, a intégré cet amortisseur étatique dans sa conduite. En oubliant que s’il permet au véhicule France d’éviter les chocs et de continuer à rouler, il le rend aussi de plus en plus vétuste. Et de moins en moins capable de circuler sur l’autoroute mondiale.

Le Temps

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