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La gauche en recomposition

Le député frondeur Pouria Amirshahi a réuni samedi les déçus du hollandisme. Tandis que l’ex-MoDem et ex-Vert Jean-Luc Bennahmias lançait une formation de soutien au Président.

Que reste-t-il de leurs espoirs? Ils l'ont porté au pouvoir, ils y croyaient vraiment. Mais deux ans et demi plus tard, au-delà du bilan amer, ils ne se résignent pas à la "défaite annoncée". Les plus nombreux, acteurs de la société civile, députés frondeurs, dirigeants de partis de gauche veulent apprendre à travailler ensemble et défendre une autre politique, un autre horizon. Ils n'en sont pas encore à trouver un candidat pour les porter en 2017. Une partie du MoDem a, elle, décidé de lancer un Front démocrate pour défendre Hollande.

Les frondeurs rêvent d'un autre PS

Il avait écrit l'épopée de la victoire de François Hollande, et Laurent Binet ne se résout pas à la disparition programmée de la gauche. Alors l'écrivain encourage tous ceux qui essaient de renouer avec le fil de l'espoir. Samedi, à La Bellevilloise, une salle parisienne, il assistait à une réunion militante d'un type nouveau. À l'initiative du député frondeur Pouria Amirshahi, 400 personnes ont écouté la société civile raconter pourquoi ils avaient cru en François Hollande, dresser le procès de sa politique et esquisser un chemin pour l'avenir. Avec parfois un côté thérapie de groupe, inéluctable après ces longs mois de déceptions.

"La gauche ne parle plus comme la gauche"

L'organisateur prévient d'emblée : "La critique, la liste des exaspérations ne suffisent pas. Il faut lever le voile de tristesse qui habite la gauche depuis de longs mois, renouer le fil de cette grande aventure qu'incarne la gauche." Il est le seul politique à prendre la parole. Les autres, les socialistes Jean-Marc Germain, Christian Paul, Laurent Baumel ou Emmanuel Maurel, les écologistes Cécile Duflot et Emmanuelle Cosse, le communiste Pierre Laurent écoutent et applaudissent. Le premier à mener l'acte d'accusation est le magistrat Serge Portelli. "Quand je pense aux premiers mois de François Mitterrand, qui avait aboli la peine de mort, j'ai un peu honte, honte que cette gauche 2014 n'ait pas eu ce même courage sur la justice."

Et le reste des intervenants est à l'unisson, passant au tamis la politique menée depuis l'élection du chef de l'État. "François Hollande, il y a deux ans et demi, a dit qu'il était féministe, qu'en a-t-il fait? Aujourd'hui, même son gouvernement en arrive à faire des économies sur le dos des femmes en réduisant le congé parental", s'insurge Anne-Cécile Mailfert, d'Osez le féminisme!

Puisqu'il y a un côté réunion d'électeurs anonymes, un psychanalyste livre son verdict, auscultant les mots du pouvoir : "Quand François Hollande en campagne électorale dit au Bourget : "mon ennemi, c'est la finance!", il est parfaitement entendu. C'est après qu'il y a eu un problème d'audition par le peuple. Les socialistes ont fait capitalisme en première langue, ils utilisent le terme "coût du travail", ils parlent de charges sociales et non plus de cotisations sociales", dénonce Gérard Miller. Et enfonce le clou : "La gauche ne parle plus comme la gauche ; à force de parler comme la droite, elle agit comme la droite." C'est un rôle que Philippe Torreton n'aurait jamais voulu jouer, celui d'un acteur qui fait ses adieux à la gauche hollandaise et vallsienne. Par vidéo, celui qui a incarné Jaurès à l'écran fustige alors le Premier ministre : "L'intermittence est une chance et Manuel Valls dit que c'est un système à bout de souffle, mais qui est à bout de souffle?" L'acteur pilier des comités de soutien de la gauche accuse : "Un gouvernement qui se dit socialiste qui baisse le budget de la culture de 7 %, les bras m'en tombent." Il appelle à "d'autres réunions comme celle-là".

La note d'espoir final revient à Edwy Plenel. "Il faut que nous arrivions à faire lien, à trouver, en perçant le brouillard du renoncement, un chemin." Et le fondateur de Mediapart de conclure : "Nous avons besoin, sinon la défaite est assurée, de réenchanter l'imaginaire commun." L'imaginaire au pouvoir comme antidote à la déception. Après la décomposition, vient le temps de la recomposition.

Naissance d'un parti "hollandais"

Certains pensaient que depuis longtemps, ce type de pièce ne se donnait plus. Dans un petit théâtre du nord de Paris, un nouveau parti s'est créé hier avec, pour intrigue principale, le soutien à François Hollande. Acteur majeur de ce théâtre inattendu, l'ancien député européen MoDem et ancien Vert Jean-Luc Bennahmias. En juillet, il a été reçu par François Hollande et Manuel Valls, et les a informés de sa démarche. C'est donc avec leur parrainage qu'il a lancé son mouvement, baptisé Front démocrate, en présence du premier secrétaire du Parti socialiste, Jean-Christophe Cambadélis.

Lors son discours inaugural, Bennahmias ne cache rien : "Nous soutenons le gouvernement Valls et, plus incroyable encore, nous soutenons François Hollande", ajoutant non sans humour, "cela en fait sourire certains". Face aux "fronts des refus", l'ancien soutien de François Bayrou espère pouvoir fédérer. Le Front démocrate compte participer aux prochaines cantonales de 2015 avec le PS comme allié principal.

Pas de candidat en 2017

Présent pour cet événement, Jean-Christophe Cambadélis ne boude pas son plaisir. "Dans la période actuelle une formation politique combattant le "hollande bashing" et se disant totalement en accord avec la politique du gouvernement, j'en rêve dans ma propre formation." Puis d'alerter : "Aujourd'hui, s'il y avait une élection présidentielle, le PS ne serait pas au second tour." Nicolas Sarkozy n'étant pas "attractif", poursuit-il, "il y a une possibilité non négligeable que Marine Le Pen soit à deux doigts de gagner". Dans ce scénario catastrophe, le premier secrétaire du Parti socialiste ne peut que se réjouir de ce nouveau mouvement qui n'aura pas de candidat en 2017.

Le numéro 2 d'EELV, David Cormand, est venu représenter son parti, tandis que François de Rugy et François-Michel Lambert, deux députés écolos parmi les plus hollandophiles, se sont glissés dans la salle. Corinne Lepage est là aussi. "Ce n'est pas anodin", glisse Bennahmias, heureux. Pour cette grande journée de lancement, il compte généreusement sur la présence de 200 personnes. Le soutien à Hollande reste, pour l'heure, une pièce pour initiés.

Arthur Nazaret et Cécile Amar

source Le Jdd 

http://www.voxnr.com/cc/politique/EuEElAAZZpMrLwHEEv.shtml

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