La réaction exclusive de Béatrice Bourges à la manif du 5 octobre
C’est à Présent que Béatrice Bourges (photo) cofondatrice en 2012 de la Manif pour tous puis fondatrice du Printemps français, a réservé sa première réaction à la grande manif de dimanche dernier. Notre quotidien lui ouvrira par la suite régulièrement ses colonnes pour des tribunes libres et sans concession, à la manière courageuse de celle que Manuel Valls a qualifiée de « femme la plus dangereuse de France ».
Dimanche 5 octobre, j’étais à la manifestation organisée par LMPT.
J’en suis revenue, non pas galvanisée comme je l’espérais, non pas pleine de l’énergie d’une foule combattant pour des idéaux communs, comme je l’attendais. Non, je suis revenue triste et mal à l’aise.
Et pourtant, les commentaires sont quasi unanimes : ce fut une grande réussite.
Mais tout dépend de ce que l’on attend de ce type de manifestation et où l’on place le curseur.
Si le critère de réussite est le nombre de manifestants et le fait qu’il n’y ait pas eu de débordements, alors oui, vu sous cet angle, la manifestation était une réussite. C’était même parfait. Il n’y avait pas un cheveu qui dépassait, pas un slogan autre que ceux autorisés par LMPT. Oui, vraiment, tout était impeccable. Chacun est rentré sagement chez soi. LMPT pouvait être fière de ses gentils manifestants, dont j’étais.
Alors, pourquoi ce malaise persistant ? Et bien, tout simplement parce que mes critères de réussite ne sont pas les mêmes.
Je dirai donc tout ce qui fonde mon malaise.
Il tient d’abord à la vidéo qui appelait à la mobilisation. Non, contrairement à ce qui est dit dans cette vidéo qui ne parle que de succès, nous n’avons rien gagné. La vérité oblige même à dire que nous avons tout perdu et que l’agenda « sociétal » s’accélère. Nous le savons tous et c’est pour cela que nous étions si nombreux dans la rue ce 5 octobre. Pas pour fêter les victoires, bien au contraire. Alors pourquoi travestir la vérité dans cette vidéo ?
De plus, que veulent dire les propos tenus par la présidente de LMPT (interview dans Direct Matin du 1er octobre 2014) ? « Il faut trouver une alternative d’union pour les couples homosexuels », solution à imaginer par les politiques. Frigide Barjot a été évincée parce qu’elle prônait un contrat d’union civile. Mais qu’y a-t-il de différent entre « une alternative d’union » et un CUC ? C’est à force de petits renoncements que notre société se meurt.
C’est sans condition qu’il faut revenir sur la loi Taubira, et pas seulement parce que le « mariage » homosexuel conduit à la PMA et à la GPA. Pourquoi ? Tout simplement, parce que le mariage est fondé sur la distinction anthropologique de l’homme et de la femme. Parce que le mariage, ce n’est pas la reconnaissance sociale du couple, parce que le mariage, même sans enfant, c’est l’institution qui crée la famille, fondée sur l’altérité sexuelle.
Nos adversaires idéologues peuvent se réjouir. Ils ont fait passer la loi Taubira. Presque plus aucune personnalité politique ne réclame son abrogation sans condition. C’est ce que l’on appelle la politique des petits pas. C’est ainsi que cela fonctionne depuis plus de deux siècles. Et ça marche.
Je dirai aussi le malaise que j’ai ressenti dans cette ambiance festive, comme si l’heure était à la fête, pendant que le monde est en guerre et que nos frères chrétiens se font massacrer par les islamistes. Pourquoi tant de bruit, comme si le silence faisait peur ?
Enfin, je dirai encore le malaise que j’ai ressenti lorsque, passant devant les écrans géants, j’ai vu et entendu des députés s’exprimer, tous UMP, comme d’habitude. Comme si l’UMP n’avait pas suffisamment trahi et n’était pas en grande partie responsable du chaos dans lequel se trouve la France. Comme un message subliminal nous demandant d’oublier que c’est sous la présidence d’un Nicolas Sarkozy, bien silencieux sur ces sujets, que l’idéologie du genre a fait son entrée par la grande porte dans les manuels scolaires. « Qui ne dit mot consent », dit le dicton. CQFD.
Alors, oui, je suis revenue triste et mal à l’aise, comme beaucoup de manifestants qui sont rentrés chez eux avec un goût amer dans la bouche et qui me l’ont fait savoir. Dès lors que l’on commence à lâcher un peu, on perd tout. Alors, surtout, qu’ONLR ne devienne pas juste un slogan !
Béatrice Bourges
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