La chronique de Guillaume de Prémare sur Radio Espérance :
"A quelques semaines de Noël, voici la France en pleine guerre des crèches. Est-ce le retour de la guerre de 1905 ? Je ne crois pas : l'Etat n'a aujourd'hui aucune envie de rallumer la guerre religieuse. Oh, il y a bien la hargne des vieux bouffeurs de curés, grisons et têtes chenues, vieux cons, quoi... mais je crois que l'affaire des crèches traduit une chose plus profonde. Je crois que nous assistons à une crise du fait religieux comme processus culturel. A mon avis,deux vieilles utopies jacobines sont en train de tomber : celle d'un espace public vierge de références religieuses, y compris traditionnelles et culturelles, et celle d'une communauté nationale unie autour d'une métaphysique laïque.
Le premier point est assez simple : la religion, c'est-à-dire l'adhésion à une fois pratiquée en communauté selon certains rites, produit des phénomènes sociaux et culturels - c'est ce que l'on nomme le fait religieux. Oh, on peut sauter comme un cabri en criant "sphère privée", "sphère privée" - le fait religieux est là, dans l'espace public, irrépressible, têtu.
Le second point est plus complexe. Ferdinand Buisson avait compris qu'il n'y aurait pas de communauté républicaine sans religion laïque. Il savait qu'aucune réalité politique ne s'incarne sur la durée sans transcendance ni métaphysique politique. D'une certaine manière, il faut un Dieu à la nation. Le problème est que la tentative historique d'une greffe d'une métaphysique laïque sur la nation ne prend pas. Pas davantage hier sous la Révolution qu'aujourd'hui en république post-révolutionnaire. Cette greffe ne prend pas car elle est inapte à opérer une incarnation populaire. Et elle prend d'autant moins aujourd'hui que l'identité historique traditionnelle de la France est de retour. C'est un fait. Le besoin d'identité revient par la grande porte de l'histoire et la mystique laïque s'épuise à tenter d'y répondre. Elle s'en aperçoit, se crispe, serre les mâchoires à la manière de Valls et sombre dans la vaine incantation répétant comme un manthra son credo auquel plus grand monde ne croit.Il est intéressant que ce profond besoin d'identité englobe de plus en plus le fait religieux. Ici le religieux devient un élément d'identité. Les catholiques peuvent certes s'en réjouir : après tout, n'y a-t-il pas un terreau culturel propice pour semer la foi ? Cependant, les catholiques ne peuvent vivre leur religion comme une simple composante d'une identité, comme un fait religieux principalement culturel. La religion des catholiques suppose une foi dans le Christ ressuscité. Cette foi, partagée à travers tant de cultures, de peuples et de nations ne fournit pas d'identité en elle-même, sinon celle de la personne du Christ. Si cette foi est surnaturelle, si elle est tendue vers la recherche de Dieu, elle produira naturellement une culture populaire authentique qui sera le terreau pour une nouvelle moisson chrétienne. Voilà pourquoiles catholiques ne peuvent regarder la guerre des crèches avec le même oeil que les autres : ils savent que sous l'écume des passions, il y a Dieu qui travaille la matière de l'histoire et qui appelle."