Lu dans les Echos :
"Avec ses dessins, Charlie Hebdo a pu choquer certaines sensibilités. Avec leurs mots, Michel Houellebecq et Eric Zemmour ont pu en faire autant. Pourquoi défendre la liberté d'expression des uns quand on conteste celle des autres ?
La tuerie dans les locaux de l’hebdomadaire satirique est inqualifiable. L’émotion légitime et l’élan de solidarité que suscite ce drame nous incitent à nous interroger sur cette notion de liberté à laquelle ses victimes étaient tant attachées.
Éric Zemmour est voué aux gémonies pour un mot qu’il n’a pas prononcé. Michel Houellebecq est salué pour un roman tendancieux. Et Charlie Hebdo est pleuré pour des caricatures jugées offensantes par certains. Pourquoi la liberté accordée à Charlie Hebdo est-elle refusée à Zemmour et tolérée chez Houellebecq ? Qu’y a-t-il d’offensant chez l’un qu’on ne retrouve pas chez les autres ? Qu’elle est cette liberté qui nous est si chère ?
"La liberté pour quoi faire ?"
Clémenceau nous demande d’en faire bon usage : "la liberté c’est se discipliner soi-même pour n’être pas discipliné par les autres". Bernanos, dans un ouvrage intitulé : "La liberté pour quoi faire ?", s’interroge sur ce que nous en faisons. Chacun de nous a son idée de la liberté.
Cette idée qui nous est propre, s’inscrit dans une vision plus large de la société telle que nous la concevons. Pour les uns, il est interdit d’interdire, selon la formule soixante-huitarde. Pour les autres, tout doit être normé. Entre ces deux extrêmes s’inscrivent de nombreuses variantes.
Quelle que soit notre vision, nous souhaitons qu’elle s’impose aux autres. Éric Zemmour est libre d’écrire ce qu’il veut, mais par l’oukase que nous lui adressons , nous bornons sa liberté. Ainsi, par un cheminement imprévu, la liberté se transforme-t-elle en instrument politique" (suite).