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Liberté d'expression : deux poids, deux mesures...

Vincent Tournier est maître de conférence de science  politique à l’Institut d’études politiques de Grenoble. Il réagit sur le site Atlantico à la mise en examen de Dieudonné :

"Quelle belle occasion pour Dieudonné de se rappeler au bon souvenir du  gouvernement. Il a raison de ne pas se gêner. Tout le monde vient de  clamer son amour pour la liberté d’expression et le droit à l’humour. Il lui  suffit donc de renvoyer l’ascenseur et de dire : vous aimez ça, la liberté,  eh bien chiche ! Dieudonné joue sur du velours, surtout lorsqu’on  se souvient que, l’an dernier, la justice s’en est pris à lui avec des arguments  pour le moins étonnants (...)

C’est tout le problème de la liberté d’expression. On veut en faire un  principe absolu, mais on oublie que cette liberté a ses limites, lesquelles sont  fixées par l’Etat en fonction des circonstances. L’an dernier, l’Etat a  considéré que Dieudonné constituait une menace pour l’ordre public parce qu’il  entraîne sur son nom une dynamique qui se nourrit de la détestation des juifs et  du système politique. La contradiction entre l’annulation des spectacles et la  proclamation de la liberté est flagrante, mais elle est logique si l’on admet  que la liberté est d’abord une notion politique. Chacun revendique la liberté  pour soi, mais pas pour ses adversaires (...)

L’argument est toujours le même : il y a deux poids deux  mesures, donc votre liberté est hypocrite. Ce n’est pas totalement faux (...)

De son côté, la justice est loin d’être très claire sur les  limites de la liberté d’expression. Lorsque Christiane Taubira est comparée à un  singe par une militante du Front national, la sanction est très lourde (9 mois  de prison ferme en première instance) ; mais lorsque Charlie Hebdo  compare Bruno Megret à un "petit rat", il est relaxé. Nicolas Bedos a  également été relaxé lorsqu’il a traité Marine Le Pen de "salope fascisante".  Par contre, l’assistant parlementaire d’un sénateur socialiste a été condamné  pour avoir traité Marion Maréchal-Le Pen de "salope", et on verra ce  qu’il adviendra pour Guy Bedos pour avoir utilisé le même qualificatif à l’égard  de Nadine Morano. Bref, on voit bien que la subjectivité reste très forte. Les  tribunaux tiennent manifestement compte des caractéristiques du locuteur (qui  parle ?) et du contexte (d’où parle-t-il ? à qui ? quand ?). Les intellectuels et les artistes bénéficient d’un statut particulier.Lorsque Jean Baudrillard, au lendemain des attentats du 11-Septembre,  parle de la "jubilation prodigieuse de voir détruire cette superpuissance  mondiale" (Le Monde, 2 novembre 2001), ne fait-il pas l’apologie du  terrorisme ? (...)

Le gouvernement aura donc beaucoup de mal à répondre à Dieudonné et à ses  soutiens.

C’est assez paradoxal parce que, finalement, la sacralisation  de Charlie Hebdo n’était nullement donnée d’avance. On a même le sentiment que  les attentats ont quelque peu forcé la main des élites, contraintes de délaisser  une stratégie qui visait plutôt à gagner les faveurs de la population musulmane,  gauche et droite confondues. Souvenons-nous en effet que, en 2006, lors  de la première affaire des caricatures, puis en 2011-2012 lorsque Charlie Hebdo  a décidé d’en remettre une couche, les hauts responsables politiques étaient  très critiques à l’égard des caricatures "

Philippe Carhon http://lesalonbeige.blogs.com/my_weblog/web.html

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