Lu sur le Metablog :
"« Le nom de Jésus est le dernier mot qui a effleuré leurs lèvres. Comme dans la passion des premiers martyrs, ils s’en sont remis à Celui qui peu après, les aura accueillis. Et ainsi, ils ont célébré leur victoire, la victoire qu’aucun bourreau ne pourra leur enlever. Ce nom susurré au dernier instant a été comme le sceau de leur martyre ». Ainsi s’exprime l’évêque de Gizeh Mgr Mina, à propos des 21 martyrs coptes libyens. Nous sommes dans la primitive Eglise, l’Eglise des martyrs. La photo des vingt et un martyrs coptes circule sur la toile. Il faut, sans crainte, regarder leurs visages. Ils sont habités, non pas détruits, non pas hagards, mais… Oui : heureux, dans la noblesse de leur attitude.
Cette fois je crois que « Daech », l’Etat islamique a fait un mauvais calcul. Il croyait terroriser les chrétiens égyptiens et les faire partir, comme ils ont réussi à le faire ailleurs au Proche Orient. C’était le programme non-déguisé, de l’ancien président Mohamed Morsi et de ses Frères musulmans, au pouvoir en Egypte jusqu’en juillet 2013. Aujourd’hui, avec ce nouveau Nasser qu’est le Maréchal Sissi, un musulman authentiquement pieux mais non intégriste, la nouvelle de ce martyre ne sera pas reçu dans la terreur par la communauté chrétienne. C’est une victoire pour les chrétiens et, annonce Sissi, nous allons construire une église en l’honneur des « martyrs en Libye » dans la ville de Minya dont ils sont originaires. Il faut noter qu’à Minya en Moyenne Egypte, (où la population est chrétienne à 35 %) trois églises ont été incendiés par un commando de 200 islamistes le 16 août 2013, pour venger la chute du président Morsi. Cette construction nouvelle est donc un symbole de la liberté religieuse. Sissi se fait l’émule du président Nasser, qui avait fait construire de ses deniers dans le centre du Caire, la cathédrale Saint-Marc, en remerciement au pape des coptes, à l’époque, Cyrille VI, dont l’intercession, disait Nasser, avait guéri son fils. Miracle ou pas, Sissi marche sur les traces de Nasser avec un courage émouvant.
Qui est ce président égyptien ? En quelques mois, il a su conquérir non seulement le cœur des Egyptiens (fanatiques mis à part) mais la communauté internationale. Il s’est dévoilé, le 28 décembre dernier, en allant à la célèbre mosquée Al Azhar, symbole de l’islam enseignant dans le monde entier. Il y a déclaré : « Le problème n’a jamais été notre foi (Din). Il est peut-être lié à l’idéologie (fiq), une idéologie que nous sanctifions». Fiq (le mot employé par Sissi) c’est le système juridique et politique de l’islam, celui que depuis des siècles les légistes affûtent et précisent sans cesse, celui au nom duquel sont produites les fatwas. Din, c’est le jugement d’Allah, la religion dans sa dimension la plus intérieure et personnelle. La distinction qu’opère Sissi entre fiq et dîn, exigeant une réforme du système idéologique islamique, est d’une importance capitale. Il met en cause rien moins que « l’ensemble des textes que nous avons sanctifiés depuis des siècles», «au point que les contester est aujourd’hui difficile» reconnaît-il. Mais, «on en est arrivé au point que cette idéologie est devenue hostile au monde entier. Peut-on imaginer qu’ 1, 6 milliard de musulmans tuent une population mondiale de 7 milliards pour pouvoir vivre [entre eux] ? C’est impensable». Dans ce contexte, sa conclusion est forte : «Je le répète : Nous devons révolutionner notre religion.
Honorable imam (le grand cheikh d’Al-Azhar), vous êtes responsable devant Allah. Le monde entier est suspendu à vos lèvres, car la nation islamique entière est déchirée, détruite, et court à sa perte. Nous sommes ceux qui la menons à sa perte».
Dans un tel contexte, on comprend que la présence du président Sissi dans une église copte pour la Noël chrétienne le 7 janvier ne doit rien au hasard. Déjà à l’époque, son choix avait été symbolique : non pas la cathédrale Saint Marc, non ! Pour fêter Noël ce Président musulman avait voulu choisir une église encore debout, dans le gouvernorat de Minya, là même où les islamistes avaient sévi en août 2013, là où il a décidé aujourd’hui de construire une église nouvelle à la gloire des martyrs libyens."
Michel Janva