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Variations des théories constitutionnelles

En confrontant les idées des théoriciens et les réalités de l'histoire, Bainville montre le caractère relatif des théories qui restent toujours liées aux circonstances.

Les théoriciens du XVIIIe siècle, dont l'influence a été considérable, avaient plaidé pour le régime représentatif qui apparaissait comme le meilleur de tous. Le modèle anglais était recommandé comme supérieur. Il s'agissait de défendre le citoyen contre le pouvoir. On n'était sensible qu'aux abus de l'autorité.

Survint la Révolution. Et qu'arriva-t-il ? Les premiers Constituants, suivant les règles que leur avaient apprises leurs maîtres, s'efforcèrent d'établir une balance égale entre le législatif et l'exécutif, entre l'assemblée et le roi. Mais cet équilibre théorique ne dura pas. La monarchie fut renversée puis tout le pouvoir passa aux mains de la Convention. On eut la dictature d'une assemblée. Dès lors les libéraux eurent une horreur égale de l'absolutisme royal et de l'absolutisme parlementaire.

À travers les révolutions et les constitutions du XIXe siècle, on chercha par les formules les plus diverses, à concilier l'autorité et la liberté, en dosant du mieux possible la part de l'exécutif et celle du législatif. On crut, de 1815 à 1848, avoir trouvé la solution idéale par la monarchie parlementaire, avec la maxime « le roi règne et ne gouverne pas ».

Cependant les démocrates trouvèrent toujours que le roi, qu'il s'appelât Charles X ou Louis-Philippe, gouvernait trop à leur gré.

JACQUES BAINVILLE

Couleurs du temps, Jean Variot, Bibliothèque des OEuvres politiques, Versailles, 1928

Quand la monarchie parlementaire fut renversée, démocrates et libéraux se divisèrent : les premiers voulaient un gouvernement d'assemblée, un gouvernement "montagnard", tandis que les seconds, effrayés par le souvenir de la Convention, espéraient qu'une assemblée où ils seraient majoritaires rétablirait la monarchie parlementaire. Bainville met en lumière les contradictions : « La prédominance de la Chambre paraissait donc alors entraîner soit la démagogie et l'anarchie, soit la réaction. »

Les républicains crurent trouver la solution : l'élection au suffrage universel du chef de l'État qui ferait contrepoids à l'Assemblée. Chacun connaît la suite : l'élection du Prince Louis-Napoléon, le coup d'État, le Second Empire approuvé par plébiscite !

Après l'aventure impériale qui nous valut l'hostilité des grandes puissances et nous coûta l'Alsace-Lorraine, monarchistes et républicains se retrouvèrent aux prises. Ils écartèrent le plébiscite qui avait été fatal aux deux régimes. Comme les divisions des royalistes rendaient la restauration impossible du vivant du comte de Chambord, la constitution de 1875 remplaça le roi par un président élu par la Chambre et le Sénat. "Monarchie déguisée", crièrent les radicaux qui réclamèrent la révision. La droite pensait que le parlementarisme n'était pas viable sous un régime républicain, et les radicaux que la Constitution limitait trop le pouvoir des assemblées. Il est arrivé le contraire de ce que chacun prévoyait, au point que les républicains devinrent les défenseurs d'une constitution conçue par des royalistes, tandis que la droite devenait révisionniste !

Et les hommes politiques n'ont cessé de jouer, au dépens de la France, au jeu de la Constitution, jeu de société profondément antisocial. Nous laisserons Bainville conclure avec le léger sourire ironique du sage qui ne cesse de méditer sur l'Histoire et qui sait aller à l'essentiel :

« Alors, on se dit que si le peuple a le droit d'être représenté, il en a un autre, qui n'est pas moins essentiel : celui d'être gouverné, puisque, jusqu'à ce jour, les hommes n'ont pu se passer d'un gouvernement. »

 

Gérard Baudin L’ACTION FRANÇAISE 2000 du 5 au 18 février 2009

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