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Comment vivre et penser sans Radio France

La romancière Solange Bied-Charreton souffre de la grève à France Inter. Elle trouvait dans la radio d'Etat d'inépuisables motifs d'irritations et de rigolades. Solange Bied-Charreton est écrivain. Son dernier livre, «Nous sommes jeunes et fiers», est paru aux éditions Stock. 
Il y a quelques semaines, on a cru que la grève de Radio France était une bonne idée. Le début de l'année était très chargé et la Matinale de France Inter devenait anxiogène. Contre la guerre de tous contre tous, les djihadistes et le chômage, la solution de la programmation musicale, à la fois humaniste, germanopratine et tournée vers les autres cultures, s'est très vite imposée. 
 
Quelques soient les sujets évoqués c'était une bénédiction. Il fallait bien que les analyses émotionnelles et spectaculaires, les héroïques appels à la résistance, le découpage des cartes d'exonération de l'impôt, la défense déterminée de la liberté d'expression à sens unique, la découverte tardive et émouvante (janvier 2015) des problèmes d'identité de la jeunesse de banlieue, les demandes d'excuse en direct, la dérision autosatisfaisante à visée didactique qui culmine à ses plus hauts sommets, la téméraire psychiatrisation des déviants et les évocations inquiétantes de la France rance, prennent, elles aussi, des vacances. Dans un monde où tout va si vite, on comprend aisément qu'il faille savoir prendre un peu de recul et interroger ses propres limites. 
 
Cette pause cependant, nul n'aurait pu le croire, a plongé une partie non négligeable des auditeurs réguliers de Patrick Cohen, Léa Salamé, Thomas Legrand et de Charline Vanhoenacker dans un grand désespoir. Pendant plus de quinze jours, il n'y eut pas un matin sans que ceux-ci regrettent les aberrations qu'ils professent, les fascistes qu'ils admonestent et les démocrates qu'ils encensent. A ces junkies de l'absurde, il manque une dose indispensable - le premier shoot de la journée est toujours le meilleur - de caféine mentale, de prise de conscience, d'aboiement salvateur. Comment rire sans Inter, comment parodier ? Que tweeter d'amusant ? La journée n'est pas encore commencée qu'ils n'ont déjà plus d'énergie. De guerre lasse, ils se rendorment lamentablement au son des plus belles jérémiades d'Alex Beaupain. La Réaction est comme l'antifascisme: créativité plagiaire, elle se nourrit sur le dos de l'ennemi. Quand l'ennemi disparaît, elle n'est plus opérante. Un matin sans Inter, c'est un réveillon sans alcool, une nuit de noce sous somnifère. Exiger le retour de sa Matinale, c'est faire un geste utile pour le retour des forces obscures. 
 

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