Ainsi nos Anciens du Sénat ont-ils eu la sagesse de ne pas sanctionner les clients des prostituées. On en est tout chaviré : il resterait un lopin de bon sens dans notre pays ! On en avait perdu l’habitude.
Notre nation, pourtant, se veut cartésienne. Elle n’a pas attendu Voltaire pour faire usage de la raison. Du reste, les « Lumières » aveuglent souvent. Qui lit la littérature de cette époque, rencontre inévitablement une dose mortelle de moralisme et de mauvaise foi. De moraline, dirait-on. Au fond, n’a-t-on pas guillotiné la Reine en l’accusant d’être lesbienne, et n’a-t-on pas excommunié l’aristocratie parce qu’elle avait commis l’outrage d’être libertine ? À la suite de quoi, nos censeurs, une fois abreuvés de sang impur, se sont empressé, sous le Directoire et l’Empire, de forniquer orgiaquement, d’une chair, il faut le dire, beaucoup plus triste que celle qui avait égayé les tableaux de Fragonard et de Boucher.
Notre période est, assurément, celle de Tartufe, personnage, comme on le sait, bien vivant, qui se mêle de tout. D’un côté, on interdit d’interdire, la censure est perçue comme un péché capital, on prône une sexualité tous azimuts, pour tous les goûts, et les désirs sont des ordres, surtout s’ils sont commercialisables. D’un autre, on accumule les lois liberticides, répressives, tracassières, qui vont chercher nos vices jusque dans les chiottes. Malheur à l’homme qui pisse debout, ou à la mère qui flanque une baffe à son marmot ! Le bras vengeur de la Justice ne manque pas de s’abattre sur eux !
Qu’on ne s’y trompe pas : comme dans l’Éducation nationale, ou les relations entre hommes et femmes, ce qui taraude, torture, gêne, c’est la réalité. Cette dernière présente le redoutable inconvénient d’être incontournable, comme la nature, qui revient, comme on le sait, toujours au galop. Le mariage pour tous, la procréation médicalement assistée au service des homosexuels, c’est une manière de la nier. Elle est comme ces microbes, qu’aux U.S.A., on nettoie à coups de Javel puritaine. On veut une vitrine « clean », mais on trouve, dans l’arrière-cour, les tripatouillages les plus infâmes, les affaires et la pornographie, les travailleurs de l’argent et ceux du sexe.
La vertu du catholicisme était, par la confession, d’avoir le sens de l’homme. Qui veut faire l’ange fait la bête. Qui veut la pureté morale s’embourbe dans la purée idéologique. La sagesse est de faire la part du feu. La morale, c’est d’abord d’apprendre à bien penser, écrivait Pascal. Et non de verser dans la bouillie du cœur.
Claude Bourrinet
• D’abord mis en ligne sur Synthèse nationale, le 2 avril 2015.