Extrait d'un article de Guillaume Bernard dans le Figaro sur la querelle interne entre Jean-Marie Le Pen et sa fille :
"Il est généralement affirmé que Jean-Marie Le Pen n'a jamais voulu du pouvoir. Il y a, là, une erreur d'interprétation.Le Pen n'a jamais voulu que le FN obtienne le pouvoir pour sauver le «système». D'où son parfait désintérêt pour l'enracinement local de son parti. Le régime de la Ve République étant jugé par lui coupable de défaillance (notamment en raison de l'abandon de l'empire colonial) et de décadence (à cause en particulier de l'abandon de souveraineté et de l'ouverture des frontières à une immigration massive), la véritable fonction politique du FN n'est donc pas électorale (il ne s'agit que d'un moyen parmi d'autres pour exister) mais civilisationnel: il doit éveiller les consciences et témoigner d'une tradition pour, le moment venu - les Français étant sortis de leur torpeur et le régime s'étant effondré en raison du délitement social et de la submersion culturelle - recueillir le pouvoir afin de rebâtir un ordre nouveau. Pour lui, la quintessence du FN n'est pas celle d'un parti gestionnaire (qui, comme les autres, pourrait se discréditer étant donné la gravité de la situation, notamment l'écrasante dette publique) mais d'une force révolutionnaire. Après lui, l'homme providentiel devait être… sa fille (d'où ses manœuvres pour lui transmettre la direction du parti). La voir convertie au mirage de l'exercice bureaucratique du pouvoir en abandonnant son esprit de résistance donne au conflit entre le père et sa fille un caractère pathétique exacerbé allant bien au-delà du seul psychodrame familial.
Pour dire les choses d'une manière synthétique et quelque peu simplificatrice: Jean-Marie Le Pen est prêt à détruire le FN (ce qu'il n'arrivera sans doute pas à faire) pour ne pas le voir, selon ses critères, dénaturé ; le clan Philippot a voulu éliminer le président d'honneur pensant ainsi donner des gages suffisants au «système» afin d'y espérer exercer le pouvoir."