Bruno Gollnisch a accordé un entretien au JDD, paru ce dimanche, sur « l’affaire Jean-Marie Le Pen » que nous publions ici in extenso. Il y réitère ses appels à l’apaisement et à la conciliation, au nom de ce qu’il estime être l’intérêt supérieur du Front National et dans la perspective de la présidentielle de 2017.
JDD: Quel regard portez-vous, sur ce qui se passe aujourd’hui au FN ?
Bruno Gollnisch. Un regard attristé. Humainement parlant, c’est désolant. Jean-Marie Le Pen –j’en sais quelque chose puisqu’il m’avait longtemps présenté comme son successeur- a favorisé ensuite l’ascension de Marine. Or, aujourd’hui, il semble que l’animosité envers lui augmente de façon inquiétante. Si c’est rationnel, cela signifierait alors qu’on le sacrifie au politiquement correct.
Si c’était affectif, ce serait également navrant. Dans l’un ou l’autre cas c’est contraire à l’intérêt du Mouvement. Qu‘est-ce en effet qui a permis à ce Front National, de tenir depuis quarante ans au milieu de tant d’épreuves ? C’est une dimension affective que les événements actuels atteignent. Du coup, même si l’appareil (moi inclus) ne conteste pas Marine Le Pen, beaucoup d’amis vont s’éloigner. Le 24 octobre 2014, à notre Congrès de Lyon, on annonçait 83.087 adhérents à jour de cotisation. Aujourd’hui, lors du vote sur les nouveaux statuts, ils auraient été 28 000 à s’exprimer sur 52 000 adhérents annoncés. Et les résultats des dernières élections partielles ne sont pas très rassurants.
JDD:Admettez pourtant qu’avec son interview fracassante à « Rivarol », votre ami Jean-Marie Le Pen, l’homme du « détail », a fait une fois de plus dans la provoc…
BG: Rivarol est un journal confidentiel et qui défend la mémoire du Maréchal Pétain. Ils interrogent donc Jean-Marie Le Pen sur le sujet. Ce qu’il a répondu (une phrase, se concluant par les propos du Président Pompidou appelant à la réconciliation des Français) n’avait, à mes yeux, rien de choquant ni de nouveau. De Gaulle, Pompidou, Giscard, Mitterrand, faisaient chaque année fleurir la tombe de Pétain à l’île d’Yeu! Jean-Marie Le Pen a le sentiment d’être victime aujourd’hui d’un procès en sorcellerie. Il en est outré, mais il essaie de ménager une possibilité de réconciliation.
JDD: Jean-Marie Le Pen pense que Marine agit sous l’influence de Florian Philippot…
BG: Florian Philippot tient un discours «gaullo-colbertiste » qui pourrait passer chez certains pour socialisant, compte tenu de ses origines « chevènementistes ». Mais là n’est pas l’essentiel. Selon moi, Marine choisit ses conseillers. C’est une femme de caractère, mais il faut qu’elle montre aussi son aptitude au compromis dans l’intérêt de la cause qu’elle sert. Toute expression d’une position différente de la sienne n’est pas une agression à son encontre…
JDD: Comment jugez-vous l’attitude de Marion Maréchal Le Pen ?
BG: Je serais très déçu qu’elle ne lance pas un appel à la réconciliation. Jean-Marie Le Pen n’est pas à l’origine de la fronde en Paca. Mais il est président sortant, depuis des années, du Groupe d’élus régionaux, qui n’ont pas démérité, et dont plusieurs sont très amers. Il est évident qu’il doit être consulté sur la situation politique de cette région, sur les investitures, les aspects humains, les dossiers, etc. On construit mieux sur des fondations.
JDD: Comment tout cela va-t-il finir ?
BG: Si l’on ne sortait pas rapidement de cette spirale délétère, je serais très pessimiste. Il serait odieux de vouloir éliminer Jean-Marie Le Pen, qui certainement ne laisserait pas sans réaction une telle injustice. C’est pourquoi il faut trouver un modus vivendi, ce qui est encore possible.
JDD: Marine Le Pen n’a-t-elle pas impérativement besoin, dans la perspective de 2017, de se débarrasser des outrances du Front national ?
BG: S’il s’agit de donner satisfaction au discours politiquement correct, on n’en fera jamais assez. Et Jean-Marie Le Pen est un symbole de résistance au prêt-à-penser. La démoralisation gagnerait au moins une partie de nos militants… et de nos électeurs.
JDD: Qu’auriez-vous souhaité, vous ?
BG: J’ai tenté –mais jusqu’ici en vain- d’en appeler à la « désescalade ». Sur le fond, en somme, Marine Le Pen veut l’efficacité. Jean Marie Le Pen, qui est un grand témoin de l’Histoire contemporaine, veut, lui, dire sa vérité…Il suffit d’acter, et, il en est d’accord, que, n’étant plus le Président en exercice, ses propos n’engagent pas l’ensemble du Front National. Des concessions mutuelles s’imposent pour conserver les chances de Marine Le Pen à la présidentielle de 2017. Une division dans nos rangs serait très néfaste au moment où nos adversaires font tout pour s’unir.
http://gollnisch.com/2015/08/04/bruno-gollnisch-dans-le-jdd-savoir-raison-garder/