Dans un monde parfait, la carte politique d’un État démocratique devrait s’articuler autour des grands courants de pensée qui la traversent, républicains contre monarchistes, socialistes contre libéraux, souverainistes contre supranationalistes, etc. C’est à cette condition que le suffrage universel prend vraiment tout son sens. Or, en France, ce n’est plus le cas : le Parti socialiste n’a plus rien de socialiste et le parti gaulliste plus rien de gaulliste, deux évolutions simultanées et convergentes achevées à l’insu des électeurs à la fin des années 80. Depuis, la France, même si elle a connu une alternance politique nominale, vit de facto sous un seul et même régime, un régime qui n’est ni vraiment socialiste, ni tout à fait libéral, un régime qui n’a pas vraiment de nom mais dont la colonne vertébrale est l’appartenance à une Europe technocratique et l’alliance atlantique.
On peut arguer que cette recomposition des principaux partis politiques autour d’une doctrine commune est la conclusion naturelle à tout un ensemble d’événements extérieurs à la politique française : abandon des taux de changes fixes, mondialisation, chute du mur de Berlin, etc. ; un argument plus discutable qu’il n’y paraît, mais ce n’est pas le sujet. Ce qui est totalement inacceptable dans cette évolution, c’est qu’elle n’a pas été assumée publiquement et que les électeurs de gauche comme de droite ont été trompés. Dernier avatar de cette mystification : le concept aujourd’hui très en vogue de social-libéralisme porté par Emmanuel Macron et Manuel Valls, la prétendue troisième famille du socialisme à la française.
Qu’est-ce que le social-libéralisme ? Rien d’autre qu’un truc de politicien illusionniste qui consiste à associer deux termes antinomiques – socialisme et libéralisme – dans un projet politique de gribouille pour ratisser l’électorat aussi loin que possible à droite, sans décevoir les électeurs de gauche. Et dans quel but ? Entretenir l’idée que le Parti socialiste, par-delà la défaite, possède dans la personne de ces deux jeunes ministres de futurs présidentiables.
La ficelle est un peu grosse. Si je m’inspire de ce qui vient de se passer en Angleterre avec l’élection du très radical Jeremy Corbyn à la tête du Parti travailliste, en 2017 au lendemain de la défaite de François Hollande, le scénario le plus probable pour le Parti socialiste est une recomposition autour de ses valeurs traditionnelles antilibérales. Je ne crois donc pas qu’Emmanuel Macron puisse obtenir l’investiture pour conquérir une circonscription (encore moins pour la conserver) et Manuel Valls, qui devra affronter deux adversaires de droite portés par l’élan des présidentielles et un, voire deux adversaires revanchards sur sa gauche qui ne lui feront pas de cadeau, je le vois battu. Adieu veau, vache, cochon, couvée…
Si tout se passe logiquement, en 2017, il se pourrait bien que la carte politique de notre pays trouve enfin une configuration conforme à ses fractures idéologiques : la droite nationale, ce fameux social-libéralisme paneuropéen mais cette fois porté par Alain Juppé ou Nicolas Sarkozy et la gauche anticapitaliste.
Christophe Servan
source : Boulevard Voltaire :: lien
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