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Léon Daudet : Le passé ressuscité

Les Souvenirs littéraires de Léon Daudet viennent d'être réédités dans la collection des Cahiers rouges. Une anthologie consacrée au journalisme et à la littérature, mais qui recèle aussi des souvenirs médicaux et politiques.

Les éditions Grasset viennent de rééditer les Souvenirs littéraires de Léon Daudet autrefois publiés dans Le Livre de poche, un choix de textes opéré par Kléber Haedens dans les neuf volumes de souvenirs de l'écrivain, du polémiste, du directeur de L'Action Française. Choisis avec goût, habileté et discernement, les textes de cette anthologie donnent une bonne idée du talent et du caractère de Daudet. On y trouve des pages se rapportant au journalisme et à la littérature, d'où le titre, mais aussi des souvenirs médicaux et politiques.

De Hugo à Dreyfus

Fantômes et Vivants couvre la période qui va de 1880 à 1890. Il faut lire la description des funérailles de Victor Hugo, montagne de vanité dérisoire comme toutes les cérémonies mortuaires dénuées de dimension spirituelle. Daudet, en un mot, écrase le Panthéon : « C'est ici la chambre de débarras de l'immortalité républicaine et révolutionnaire. »

Devant la douleur évoque les études médicales que Daudet mènera presque à leur terme, et la maladie qui emporta son père. Nous voyons Potain, grand professeur dont la fréquentation quotidienne de la misère humaine n'avait pas émoussé la sensibilité : le voici qui glisse un billet dans la poche d'un convalescent nécessiteux ou qui continue de soigner de ses propres mains un patient dont l'anévrisme va éclater : « Et voici le maître qui serre avec amour, contre son épaule trempée de sang, la pauvre tête épouvantée et oscillante, lui fait ainsi franchir le grand passage. »

L'Entre-deux-guerres va de 1890 à 1904 ; Daudet y parle du Figaro, de Barrès, de la Revue des deux Mondes, institution bien pensante s'il en fut. Nous pouvons y admirer le magnifique portrait d'un libéral, de l'éternel libéral, le duc d'Haussonville : « La démocratie lui semble un flot irrésistible et il s'y baigne en souriant, avec un caleçon d'ancien régime. Il me représente le conservateur type, qui croit que le révolutionnaire a raison, qui porte en épingle de cravate une fidélité de bon ton et meurt du désir d'un portefeuille dans un cabinet radical. »

Dans Salons et Journaux nous pénétrons chez la merveilleuse comtesse de Loynes qui réunit, autour de Jules Lemaître, une brillante société d'écrivains, d'artistes et de journalistes. Après avoir inspiré en grande partie la fondation de la Ligue de la Patrie française, Mme de Loynes participera au lancement de l'AF par un don de 100 000 francs-or. Au temps de Judas nous transporte dans l'affaire Dreyfus, dans les luttes de la Ligue de la Patrie française, dans l'affaire Syveton, député nationaliste qui avait giflé publiquement le général André, ministre de la Guerre, responsable de l'ignoble affaire des fiches, en lien, semble-t-il, avec la franc-maçonnerie qui voulait freiner la carrière des officiers suspects d'être réactionnaires. Syveton fut "suicidé" la veille de son procès.

De Paris à Bruxelles

Vers le roi parle de l'académie Goncourt et de l'Action française. Il trace un portrait saisissant de Maurras, physique, moral et intellectuel à la fois : « Le bruit s'est répandu que derrière les politiciens, et au-dessus d'eux, il y avait, en France, un grand politique, mais entêté – croyait-on alors – dans une conception surannée du pouvoir royal, jugée irréalisable. Or ceux qui se mettaient à l'école de Maurras commençaient par goûter la joie incomparable de comprendre... Or, personne n'a le droit, quand il a une fois entrevu la vérité, religieuse ou politique, de s'y soustraire, sous le fallacieux prétexte qu'il est difficile de l'obtenir. »

La Pluie de sang consacrée à la Grande Guerre, nous montre Daudet déposant devant la Haute Cour de Justice et contribuant à mettre hors d'état de nuire ceux qui voulaient livrer la France à Guillaume II sous le prétexte mensonger du pacifisme. Député de Paris, publié en 1933, évoque les années parlementaires de Léon Daudet. Nous nous permettons de renvoyer le lecteur à notre article consacré à ce livre, paru dans L'AF 2000 le 1er octobre 2009. Il s'agit du plus bel antidote aux tentations du parlementarisme.

Un grand mémorialiste

Vingt-neuf mois d'exil, enfin, nous montre la famille Daudet réfugiée en Belgique parce que Léon avait été condamné pour « crime de paternité » à la suite du louche assassinat de son fils Philippe. Tout  le monde connaît l'évasion rocambolesque de la Santé. Finalement, en 1929, une partie de la presse française et la majorité de la presse francophone, belge et suisse, s'exprima en faveur de Daudet – tel était le rayonnement de l'écrivain et de l'Action française – et une amnistie lui permit de rentrer en France, chez lui.

Ces souvenirs sont extraordinaires.

Léon Daudet possède, outre son talent de polémiste, un don d'évocation du passé qui le place au premier rang des mémorialistes. Avec ce visionnaire, grand artiste et homme de coeur, nous entrons dans une véritable résurrection du passé. Que ceux qui ne possèdent pas les oeuvres de Daudet dans leur bibliothèque se hâtent d'acquérir ce volume : leur culture d'AF s'enrichira, et leur culture tout court, littéraire, politique, et humaine.

Gérard Baudin L’ACTION FRANÇAISE 2000  du 3 au 16 décembre 2009

 

* Éditions Grasset, Les cahiers rouges, 570 pages, 13,80 euros.

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