Rassembler à gauche et grignoter à droite et au centre: François Hollande met en place une stratégie et un calendrier de campagne pour s'assurer une place au second tour de la présidentielle, sans soulever l'enthousiasme.
Le président a très vite tiré les leçons des régionales. Si le Front national n'a conquis aucune région, il continue sa progression élection après élection, pour atteindre son plus haut historique.
Dans un pays qui s'ancre dans le tripartisme, la priorité absolue avant 2017 est donc de réunir la gauche autour de sa candidature et d'occuper, au centre et au delà, le terrain laissé vacant par Nicolas Sarkozy, toujours fidèle à sa ligne droitière.
Un exemple parmi d'autres: Manuel Valls s'est empressé mercredi de saisir la main tendue par l'ancien Premier ministre (LR) Jean-Pierre Raffarin, partisan d'un "pacte républicain contre le chômage". Au soir du second tour, pendant que Nicolas Sarkozy était au Parc des Princes, il avait déjà téléphoné aux personnalités de droite élues aux régionales avec des voix de gauche.
La nouvelle tentation du centre revient ainsi en force au PS, après Michel Rocard qui avait fait un gouvernement d'"ouverture" en 1988 ou Jacques Delors refusant de concourir à la présidentielle en 1995, faute d'une majorité suffisamment large pour le soutenir.
Pour la majorité en effet, le combat en 2017 se jouera entre deux blocs, l'un "républicain" et l'autre "réactionnaire", expliquait jeudi le premier secrétaire du PS, Jean-Christophe Cambadélis. D'où l'impératif de resserrer les liens du camp "républicain", au sein d'une "alliance populaire", tout en s'attelant au "dépassement" du PS.
"On commence par le PS, on fait une alliance avec des citoyens et les partenaires les plus proches, on discute avec les écologistes voire les communistes, on s'ouvre aux centristes, aux républicains qui voudront venir. Nous voulons être le centre de gravité !", a-t-il dit.
Une source proche du Premier ministre, qui plaide depuis longtemps pour une "maison commune", se réjouit d'une telle initiative. Elle rappelle que "le problème stratégique est celui du premier tour de la présidentielle" car l'une des composantes du tripartisme, la gauche ou la droite classique, prédisent les sondages, sera éliminée dès le premier tour. "Le seul rassemblement de la gauche ne suffit pas", estime cette source, "on voit bien qu'il faut élargir".
Soucieux de conserver son image de chef de l'Etat, au-dessus des partis, François Hollande a plutôt plaidé, lors d'un déplacement hautement symbolique auquel assistait Xavier Bertrand (LR), pour la recherche de "concorde pour l'intérêt du pays".
- "Où est le projet ?" -
"Jean-Christophe Cambadélis au PS et François Hollande avec 2017 en tête, comptent visiblement sur l'épouvantail frontiste pour discipliner à la fois le PS et la gauche", commente Fabien Escalona (Science-Po Lyon) sur Slate.fr. Mais s'il assure ne rechercher "je ne sais quelles combinaisons" politiques, le chef de l'Etat ne convainc pas totalement à gauche.
L'écologiste Cécile Duflot lui a certes "tendu la main". Mais chez les communistes, on le soupçonne plutôt de vouloir "enterrer la gauche dans son ensemble", ou de "liquider le mouvement socialiste", selon les termes de Jean-Luc Mélenchon.
"C'est une imposture, ils font semblant de vouloir rassembler à gauche alors qu'ils font la politique de Jean-Pierre Raffarin !", s'agace David Cormand, numéro 2 d'Europe Ecologie-Les Verts.
Même au sein du PS, le scepticisme est de mise sur cette stratégie d'alliance. "Où est le projet ? Quel est le projet politique ? C'est ça qui m'intéressera", prévient l'ancien ministre Jean Glavany, redoutant une "combinaison" électorale "très IVe république".
A droite aussi, la défiance prévaut. "Certains à droite tombent dans le piège tendu par Hollande", regrette Eric Ciotti (Les Républicains), tandis que Guillaume Larrivé (LR) est "convaincu que l'avenir de la France ne passe pas par (...) une petite tentative tactique d'accord d'arrière-boutique entre un Parti socialiste à la dérive" et Les Républicains".
Jean-Raffarin lui-même a tenu à rappeler l'essentiel à ses yeux, à savoir que les Républicains sont et restent "les rivaux du Parti socialiste". Ce dernier organisera d'ailleurs une convention à l'automne 2016, une grand'messe unitaire censée parasiter la primaire de la droite qui se déroulera au même moment.
source : Le Parisien lien